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s'arrêtèrent pas là. Le 3 septembre 1792, les suffrages des électeurs appelés à élire les députés à la Convention lui conférèrent la présidence de l'assemblée. Le 5, il fut élu quatrième député; mais il n'accepta pas. Ainsi que le porte le procès-verbal : 1

Aussitôt il a écrit aux membres des différentes sections, leur a témoigné sa sensibilité et sa reconnaissance, de la confiance dont ils voulaient bien l'honorer, leur a fait le tableau le plus exact de sa santé, les a priés de vouloir bien lui permettre d'être utile à sa patrie suivant ses forces, d'accepter sa réclamation et jeter les yeux sur un autre citoyen. Les électeurs des six bureaux particuliers, convaincus du dévouement du sieur Merle à la chose publique, affligés des indispositions physiques qu'il éprouve, ont fait instruire le bureau central qu'ils se voyaient à regret privés des travaux utiles de ce citoyen précieux, et après lui avoir donné les témoignages d'une affection la mieux méritée, ont annoncé qu'ils allaient s'occuper de son remplacement.

Il fallait que les raisons de santé invoquées par Merle fussent bien sérieuses, car cet ambitieux et remuant personnage ne dut pas renoncer sans regret au rôle prépondérant que la députation lui aurait assuré. Cantonné désormais dans ses fonctions de procureur général syndic, il suivit le courant d'idées qui, sous le couvert de la neutralité en matière religieuse, devait aboutir si promptement à la persécution. Dans sa séance du 16 octobre 1792, l'administration de Saône-et-Loire homologuait la nouvelle circonscription des paroisses de Mâcon. Ce fut pour Merle. l'occasion de placer la motion suivante :

Sous l'empire de la philosophie et dans un régime véritablement républicain, il ne doit subsister aucun culte exclusif. Ce qui tend à perpétuer l'idée de cette exclusion doit être sévèrement proscrit... Le culte catholique a eu jusqu'à présent pour signal exclusif de ses ⚫ cérémonies le son des cloches. Je demande qu'elles ne soient plus employées à cet usage.

1. Arch. nat., C 180, n° 70.

Plusieurs fois, le procureur général syndic dut intervenir en personne pour arrêter de graves désordres. Déjà le 15 septembre 1792, des rassemblements tumultueux s'étaient formés à Mâcon, au faubourg Saint-Laurent, autour de la maison d'un marchand de blé; des volontaires y étaient entrés de force et commençaient à piller. Merle, encore populaire, les avait décidés à se retirer1. Réélu procureur général syndic, par l'assemblée électorale tenue à Louhans du 11 au 14 novembre 1792, il rencontra de nouvelles difficultés. Des troubles sérieux et persistants éclatèrent le 30 avril 1793. A l'occasion d'un passage de voitures de blé, des femmes s'étaient attroupées en nombre au faubourg de la Barre; armées de bâtons, de fourches et même de piques, elles poussaient des cris et proféraient des menaces. Les autorités se rendirent à la porte de la ville; mais les femmes ne laissèrent passer que le procureur général. Merle ne réussit pas d'ailleurs à les calmer, car les menaces, jusqu'alors assez vagues, se précisèrent sur la personne du maire et furent accompagnées d'une grêle de pierres, qui obligea ce dernier à prendre la fuite.

Le 2 mai, trois compagnies de volontaires, levés à Mâcon pour la Vendée, se mêlèrent à ce commencement d'émeute. Les hommes se présentèrent en armes et réclamèrent l'annulation de leur engagement. Ce fut encore Merle qui s'interposa. Il parla avec fermeté et se fit écouter. Les volontaires crièrent bien : « Aux armes! »; mais les officiers parvinrent à mettre un terme à ce désordre, qu'ils avaient, paraît-il, fomenté secrètement.

Le 3, les attroupements se multiplièrent. Merle proposa une de ces manifestations comme on les aimait alors. Le bonnet de la Liberté serait couvert d'un crêpe funèbre, et les corps administratifs, « précédés de ce signe lugubre », parcourraient les rues en adjurant les bons citoyens de se

1. Voir sur ces incidents le Conseil général et les Conseillers généraux de Saône-et-Loire, par Lex et Siraud, Mâcon, 1888.

réunir à eux et de se faire inscrire au département. Ce défilé n'eut pas lieu; mais, le 4 mai, à la suite de nouveaux attroupements au faubourg de la Barre, Merle, toujours sur la brèche, fit arrêter onze personnes. Le lendemain, les autorités, conduites par Roberjot, président de l'administration départementale, allèrent manifester au pied de l'arbre de la Liberté. Cette promenade fit diversion et, quand un comité de Salut public fut établi le 9 mai, tout était à peu près rentré dans l'ordre.

La lutte engagée à la Convention entre les Girondins et les Jacobins touchait à son dénouement. L'administration départementale de Saône-et-Loire s'était rattachée au premier de ces partis. « Législateurs! écrivait-elle le 5 novembre 1792, notre confiance est en vous. Les Marat, les Robespierre se sont acquis non seulement notre souverain mépris; bien plus, ils nous font horreur; bien plus, nous osons dire qu'ils sont indignes d'être parmi vous. Nous pensons que vous n'aurez pas besoin de force pour les expulser; mais, si le cas l'exigeait, nous et nos administrés, sommes prêts au moindre signe que vous ferez. » Les événements avaient marché rapidement en quelques mois, la majorité s'était déplacée, et les deux représentants flétris par cette adresse étaient passés à l'état de demi-dieux. Le conseil du département n'avait pas suivi le mouvement et tenait toujours pour les Girondins. Le 30 mai 1793, « considérant qu'il est malheureusement probable que la Convention nationale vienne à être dissoute; que si la Convention cessait d'exister un seul instant sans être remplacée, rien ne pourrait s'opposer aux progrès de l'anarchie, et que le moindre des événements serait une dictature qui frapperait dans l'instant toutes les parties de la République avec une verge de fer.....,» il requit, à l'exemple de trois départements voisins, les députés suppléants de se rendre. à Bourges, pour s'y constituer au besoin en Assemblée nationale provisoire.

Trois jours après, les Jacobins avaient accompli leur coup de force. Effrayée de l'initiative qu'elle avait prise, l'administration départementale ne se borna pas à rédiger, le 14 juin, une adresse d'adhésion et, le 15, une proclamation aux citoyens pour les rallier à la majorité de la Convention; elle annula formellement, le 18, son arrêté du 30 mai. L'opinion publique restait cependant incertaine. De quel côté venait l'insurrection? De la Convention, qui proscrivait ses propres membres ? ou des départements, qui refusaient de reconnaître ses décrets tyranniques? Merle hésitait à se prononcer. « De grands mouvements s'annoncent autour de nous, disait-il, le 25 juin, à l'assemblée départementale, Lyon vous a fait naître des craintes; le Jura est en état de guerre civile; deux partis se manifestent dans l'Ain..... Quelles mesures adopter au milieu de la convulsion qui agite tous les esprits?... » Et pour diviser les responsabilités, il proposa d'arrêter que chaque administration de district déléguerait deux membres pour délibérer avec l'administration du département sur les mesures que réclamaient les circonstances. Dans la même séance, le Conseil, soucieux de prévenir les vengeances des Jacobins, décida que toutes les pièces qui lui avaient été adressées relativement aux événements du 31 mai seraient brûlées.

Malgré ses sympathies pour les Girondins, Merle se rangea du côté des vainqueurs. Le 12 juillet, il dénonça l'insurrection lyonnaise et appela ses concitoyens aux

armes :

Lyon est en état de contre-révolution, et la journée du 31 mai n'a été qu'un prétexte de sa part..... Braves citoyens du département de Saône-et-Loire, nous devons garantir le sol glorieux que nous habitons d'une tache qui le flétrirait à jamais, s'il pouvait être violé. Soyez donc prêts à voler de toutes parts dans les murs de Mâcon; la patrie vous y appelle; des lauriers vous y attendent..... Épouses, tendres mères sensibles, ne souffrez pas que les bras de vos enfants et de vos époux, encore meurtris des fers de la tyrannie, ne soient

flétris de nouveau. Couvrez les vous-mêmes de leur armure, et que ce soit de vous-mêmes qu'ils reçoivent l'ordre du départ....

L'attitude prise par l'administration départementale n'écartait pas les soupçons du gouvernement. Le 18 juillet, deux représentants en mission, Reverchon et Sébastien de Laporte, vinrent siéger au Conseil pour s'assurer de ses dispositions et l'orienter franchement du côté des Jacobins. Merle crut devoir affirmer son attachement à la Convention. Absent de Mâcon le 18 juin, il n'avait pas signé le retrait de l'arrêté compromettant du 30 mai. Le 22 juillet, il y apposa sa signature en ajoutant ceci :

J'adhère à l'arrêté ci-dessus, puisqu'il peut résulter des inconvénients de celui du 30 mai; mais je déclare dans ma conscience que lorsque j'ai été d'avis de ce fait, c'est que j'étais persuadé que, loin de tendre au fédéralisme que j'abhorre, il tendait à conserver le pouvoir central que toutes les feuilles publiques annonçaient comme devant être détruit.

Le 27 juillet, Merle conviait les populations à la célébration du 10 août :

Nous approchons d'une époque mémorable et qui doit être bien chère à tous les Français. C'est le 10 août que la France a vu briser le dernier anneau de ses chaînes et qu'elle a conquis la plénitude de la liberté. C'est dans ce même jour que toutes les parties de la France vont se resserrer par des liens indissolubles. Ce jour, tous les esprits viendront se réunir devant la Constitution solennellement acceptée. Ce jour enfin, le baiser fraternel doit faire de tous les Français une seule et même famille.

Si Merle parlait sincèrement, il se faisait d'étranges illusions. Une seule et même famille! à l'époque où soixante départements refusaient de se soumettre à l'autorité de la Convention, où vingt-deux députés étaient mis hors la loi, où Lyon, Marseille, Toulon, se soulevaient, où les Vendéens battaient les troupes républicaines, où Charlotte Corday poignardait Marat! Au surplus, les prévisions optimistes du procureur général syndic ne furent que trop

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