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l'élection des députés des corporations, il fut désigné avec Petiot, le 7 mars 1789, pour représenter « Messieurs du bailliage. » Un peu plus tard, le suffrage de ses concitoyens l'appela au commandement de la garde nationale. D'autres fonctions lui étaient réservées. Le 16 août de la même année, Brunet1, maire de la ville, avait donné sa démission en alléguant des motifs de santé. Sur la prière des membres de la municipalité, il consentit à la retirer et fut ramené à l'hôtel de ville « au milieu des acclamations », mais les véritables raisons qui l'avaient inspiré devinrent de plus en plus pressantes. Le 25 septembre, la municipalité reçut de lui une lettre où, rappelant sa démission, il déclarait « que depuis cette époque les choses ont été portées à un point qu'il ne lui est plus possible de continuer ses fonctions. »>< Cette fois, sa retraite était irrévocable. Mathias, premier adjoint, le remplaça en attendant l'établissement d'une municipalité constitutionnelle. 2

Le 14 décembre, Journet, qui était officier municipal, fut chargé avec Mathias et Lafouge, procureur syndic, de rédiger une adresse à l'Assemblée nationale pour l'assurer du respect et de la confiance des Chalonnais. On était encore fort loin des formules que la République mit en usage car, dans ce document, les députés sont qualifiés de << Nosseigneurs. »3

Le 2 février 1790, il fut procédé aux élections municipales en vertu du décret du 14 décembre 1789. Journet fut élu maire par 493 voix sur 907 votants. Après vingt-quatre heures d'hésitation, il accepta. Le 1er mars, il prêta avec les officiers municipaux, en l'église Saint-Vincent, le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Il exerça ses

1. Bénigne-Marie Brunet de Maison-Rouge, né le 13 mars 1749, à Chalon, de Jacques-Philibert, écuyer, et de Jeanne Désir; pourvu en 1788 de la charge de maire perpétuel; marié avec Agathe Micaud, dont il eut deux fils, Charles, notaire à Chalon, et Louis, officier d'artillerie; mort le 16 octobre 1829.

2. Archives de Chalon, Registre des délibérations municipales, I (1789), f° 37. 3. Id., f. 48.

fonctions jusqu'au 13 novembre 1791, date à laquelle de nouvelles élections lui donnèrent pour successeur Barthélemy Goin. Ce n'est pas le cas d'examiner son administration. Il suffit de dire qu'elle fut remplie tout entière par de nombreux scrutins, par des démarches en vue d'obtenir que le chef-lieu du département fût fixé à Chalon, par l'application de la constitution civile du clergé, la dissolution des communautés religieuses et l'inventaire de leurs biens. Les petites affaires ne furent pas négligées. Dans la séance du 28 mars 1790, la municipalité délibéra gravement sur le sort de « la robe en satin que M. le maire portait dans les cérémonies », et que l'Assemblée nationale avait proscrite, ainsi que sur l'emploi des « cinq robes de gros de Naples que portaient les officiers municipaux. » On décida que ces dernières serviraient à faire des rideaux de fenêtre; quant au satin du maire, il fut mis dès le lendemain aux enchères. 1

L'époque où la formalité du serment allait être imposée aux ecclésiastiques concordait avec le carême de 1791. Déjà la municipalité, s'immisçant dans les choses d'église, s'était inquiétée du choix d'un prédicateur pour la station. D'ordinaire, c'était le chapitre de Saint-Vincent qui désignait et payait ce prédicateur; mais, comme il était supprimé, le procureur de la commune fit observer, le 11 janvier, « que le soin de choisir un prédicateur regardait actuellement l'administration du district. » Quoiqu'il se déclarât convaincu « que cette administration s'était déjà occupée d'un objet aussi essentiel », il invita néanmoins les officiers municipaux à le lui rappeler. 2

Des pourparlers s'ensuivirent. Au refus du supérieur du grand séminaire et de plusieurs autres, le conseil municipal arrêta, le 25 février, « d'écrire au sieur Le Bon,

1. Archives de Chalon, Registre des délibérations municipales, I (1790), fo 7. 2. Idem, I (1791), f° 49.

ci-devant professeur à Beaune, homme de mérite, à l'effet de le déterminer à venir faire les prédications d'usage. »> Ce choix ne laissait pas que d'être assez piquant, car l'homme de mérite déniché par les municipaux n'était autre que l'ex-oratorien Joseph Le Bon, le futur proconsul d'Arras, qui, au sortir du collège de Beaune, s'était retiré provisoirement à Ciel chez le père d'un de ses anciens élèves. Un Petit Carême signé de ce nom ne manquerait certes pas d'intérêt; mais le prêtre à la veille d'apostasier, le conventionnel de l'avenir, le terroriste à l'état latent qui, trois ans après, versait le sang à flots, dînait familièrement avec le bourreau et faisait jouer l'air de Ça ira par des musiciens apostés près de la guillotine, ne se soucia pas, pour une raison ou pour une autre, de prêcher la station. quadragésimale. Le 4 mars, les officiers municipaux s'entretenaient tristement de leurs déconvenues successives, quand ils apprirent que l'abbé Olivier, curé assermenté de Sainte-Marie, proposait de faire deux sermons par semaine. Ce fut une grande joie. La prestation de serment de cet ecclésiastique avait fait beaucoup de bruit. Les membres de la Société patriotique ne s'étaient pas contentés de lui décerner une couronne civique, ils l'avaient porté en triomphe et ramené chez lui, « accompagné de la musique, qui jouait l'air si tendre et si gai Ça ira», pendant que d'autres bons citoyens s'en allaient déposer des ordures à la porte des prêtres réfractaires. 1

Toutes les sympathies de la municipalité étaient naturellement acquises à cet assermenté. Journet accepta sa proposition<«< avec reconnaissance. » Restait à obtenir l'agrément du curé de Saint-Vincent, l'abbé Gros, qui, lui, n'avait pas prêté serment. Le maire se transporta chez lui, se vit opposer un refus des plus formels et revint à la maison commune conter le résultat négatif de sa visite.

1. Annales patriotiques et littéraires, numéro du 22 février 1791.

TOME XXXII.

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Aussitôt on dépêcha au curé récalcitrant deux autres députés, le procureur de la commune et un officier municipal. Ce fut en pure perte. Alors le conseil arrêta « que des prédications auraient lieu comme précédemment et que le bureau y pourvoirait. » Deux jours après, la question fut tranchée. Soucieux d'éviter un scandale, l'abbé Gros se présenta au conseil et lui offrit de faire prêcher deux sermons par semaine et même plus, s'il était possible. Ainsi se termina cet incident ridicule, où s'était affirmé l'esprit tracassier et touche-à-tout de la municipalité.

Journet était un membre important de la Société des Amis de la Constitution. En avril 1791, il y présidait le comité des rapports. Quand on commença à s'occuper des élections à l'Assemblée législative, il fut indiqué par Carra, qui lui-même fut plus tard député de Saône-et-Loire. Celui-ci publiait, dans ses Annales patriotiques et littéraires, des listes de candidats qu'il proposait, « d'après des renseignements positifs sur leurs talents, leurs lumières, leur patriotisme et leur probité. » Dans le numéro du 21 juin 1791, il avait déjà désigné Louis-François Charrolle, notaire à Buxy; le 7 août, ce fut Journet, maire de Chalon.

L'ex-lieutenant criminel était d'une mauvaise santé. Il avait été déjà malade à la fin de l'année 1790; il le fut encore au moment du scrutin. Comme il ne pouvait se rendre à Mâcon pour voter, la municipalité le remplaça en qualité d'électeur par Antoine Blanc 1, major de la garde nationale. Le 30 août, Journet fut élu le troisième sur onze candidats.

Le jour même de sa prestation de serment, le 2 octobre, il prit la parole à l'occasion de la vérification des pouvoirs. On discutait l'éligibilité de l'évêque constitutionnel Claude

1. Né le 11 juillet 1760, à Chalon, d'Antoine, huissier, et de Jeanne Fourier, il fut nommé aide-major de la garde nationale, le 1er octobre 1789, commandant en 1790, administrateur du district après le 9 thermidor, receveur du bureau de bienfaisance et conseiller municipal sous le Consulat et l'Empire, enfin maire de Chalon (27 août 1821-2 août 1830). Il mourut le 11 février 1847.

Fauchet, envoyé par le Calvados. Ce singulier prélat avait publié une brochure où il proposait tout simplement l'établissement de la loi agraire. Le tribunal de Bayeux l'avait décrété d'accusation; mais cette poursuite même avait assuré son élection. Au nom du bureau, Guyton de Morveau signala qu'un décret ayant été rendu contre Fauchet << pour des objets relatifs à la Révolution,» il ne pouvait plus exercer ses droits de citoyen actif ni être élu. Un autre député soutint qu'aucune nullité de ce genre n'était inscrite dans la loi électorale. « Et ce n'est pas, ajouta-t-il, dans cette salle où nous voyons un des monuments de la Bastille, que nous perdrons notre temps à décider si nous rejetterons de notre sein un des vainqueurs de la Bastille. »1

L'argument final toucha peu Journet. Comme on demandait à aller aux voix, il intervint

Vous avez entendu parler pour M. Fauchet. Il est de votre justice et de votre devoir d'entendre quelqu'un qui veut parler contre. L'article V de la section II du chapitre Ier du titre III de la Constitution française est ainsi conçu : « Seront exclus de l'exercice des droits de citoyen tous ceux qui seront en état d'accusation. >> Voilà ce qui est plus précis que toutes les déclamations qu'on a faites en faveur de M. Fauchet; il ne pouvait pas exercer les droits de citoyen actif, à plus forte raison ne pouvait-il pas être député à la Législation. On parle de l'amnistie; on dit qu'elle doit avoir un effet rétroactif, qu'elle doit effacer toutes les traces des procédures. En résulte-t-il moins que la Constitution a été violée et que toute élection dans laquelle la Constitution a été violée est nulle? Je rends hommage au patriotisme et au civisme de M. Fauchet; mais son élection est irrégulière, et une seconde élection le portera avec plus de gloire à la législature. L'on a employé des moyens de faveur. Eh bien! moi aussi, j'ai la meilleure opinion de ses talents et de son civisme; mais il ne s'agit pas ici de talents et de civisme, il s'agit de l'exécution des lois.

Journet avait parlé en légiste; mais le respect de la loi est le moindre souci des assemblées politiques, quand elles

1. Mon. univ., t. X, p. 18. - Arch. parl., t. XXXIV, p. 57.

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