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commissaires auprès de la personne du roi. Ce document aurait été adressé par lui aux quatre-vingt-trois départements. Le ministre, interpellé, hésitait, tergiversait. « Je demande, s'écria Masuyer, qu'il lui soit ordonné de nous donner une réponse catégorique sur la question suivante : Avez-vous envoyé aux quatre-vingt-trois départements l'arrêté du département de la Somme, oui ou non? »1 A cette question précise, Terrier déclara ne pouvoir répondre sans avoir consulté ses bureaux. Une violente agitation s'ensuivit. Les attaques pleuvaient sur le ministre. — «< On demande un traître; eh bien! en voilà un! » cria Isnard, en désignant Terrier. Sur la proposition de Lagrevol, l'Assemblée décréta que le ministre serait tenu de répondre par écrit. C'était d'ailleurs ce qu'il avait demandé lui-même. Masuyer était infatigable. Toujours dans cette même. séance du 2 juillet, il fut question d'un incident militaire. Une lettre annonçait que, le 29 juin, les postes avancés de Courtray ayant été attaqués par quelques chasseurs tyroliens, le maréchal de camp Jarry avait fait mettre le feu aux trois faubourgs de la ville, dans la crainte que des soldats ennemis ne se fussent cachés dans les maisons. On s'imagina que cette mesure rigoureuse avait pour but secret de nous aliéner les Belges. Masuyer s'emporta : 2

Il faut que ce dédale d'intrigues et de machinations soit dévoilé jusque dans ses dernières ramifications. Je demande que l'Assemblée sache si ses amis sont à Coblentz ou ici (applaudissements). Je demande que la commission extraordinaire nous fasse demain le rapport le plus exact de tous les détails qui lui sont parvenus, et que l'Assemblée apprenne quelles têtes elle doit faire tomber, car il faut qu'il en tombe. »

Il fut décrété que le ministre de la guerre rendrait compte. des renseignements qu'il pourrait avoir sur les circonstances de l'incendie.

1. Arch. parl., t. XLVJ, p. 40.

2. Id., p. 45.

Jamais la situation n'avait été plus grave. Le 4 juillet, Jean Debry présenta au nom de la commission extraordinaire des Douze un rapport sur les mesures à prendre quand la patrie aurait été déclarée en danger. Tout de suite, Masuyer réclama une certaine mise en scène : 1

Je crois que la proclamation du Corps législatif doit être accompagnée de signes extérieurs qui parlent aux sens et à l'imagination autant qu'à l'esprit. C'est ainsi que la loi martiale se publie avec des signes de deuil. Je voudrais que la proclamation du danger de la patrie fût accompagnée d'un appareil lugubre qui exprimât la douleur et la consternation.

Malgré le goût du temps pour les manifestations théâtrales, l'Assemblée décida qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.

Après l'attentat du 20 juin favorisé par la connivence des autorités municipales, l'administration du département avait ouvert une information contre le maire Pétion et le procureur de la commune Manuel. Cette information avait eu pour résultat la suspension des deux magistrats. Le 9 juillet, comme on alléguait que le directoire n'avait pas signé, séance tenante, l'arrêté de suspension, Masuyer le dénonça « comme un corps de faussaires 2. » Le 11, il prit encore la défense de Pétion et de Manuel. Une députation du corps municipal était venue exposer que deux juges de paix avaient décerné contre eux des mandats d'amener; deux autres citoyens, Pâris et Boulland, avaient été arrêtés. Masuyer en manifesta une extrême irritation 3

Il ne suffit pas que nous nous fassions rendre compte de ce qui concerne MM. Pétion et Manuel; il faut que le pouvoir exécutif rende compte de ce tribunal de sang établi au château des Tuileries. Eh quoi! n'est-il pas affreux que, l'an quatrième de la liberté, des juges de paix aillent porter leur tribunal dans le palais d'un roi,

1. Mon. univ., t. XIII, p. 54.

2. Id., p. 92.

3. Id., p. 123.

lorsqu'ils n'auraient pas osé le faire sous l'ancien régime? Ces juges de paix se sont rendus coupables d'un attentat bien plus grave contre MM. Pâris et Boulland 2, parce qu'ils ont porté atteinte à la souveraineté du peuple dans les assemblées primaires. Je ne crains pas de le dire, cet attentat est plus grave encore que celui du juge de paix Larivière contre MM. Basire, Chabot et Merlin. N'oublions pas que c'est dans les assemblées primaires que le citoyen est véritablement investi de toute sa dignité, qu'il exerce la portion de souveraineté qui appartient à chaque individu. Or, poursuivre un citoyen pour avoir énoncé son opinion dans une assemblée primaire, c'est attenter à la souveraineté nationale (on applaudit). Je demande donc que le pouvoir exécutif rende compte de ce qui regarde MM. Manuel et Pétion et de ce qui concerne MM. Pâris et Boulland.

Le rapport présenté le lendemain par Lemontey fit justice de ces exagérations de langage. Le « tribunal de sang, » installé aux Tuileries, n'avait jamais existé; des juges de paix étaient simplement restés en permanence au château, après la journée du 20 juin, pour prévenir ou constater de nouveaux désordres. Alors même qu'ils auraient excédé leurs pouvoirs, l'Assemblée, de l'aveu même du rapporteur, ne pouvait en connaître. La dénonciation fut seulement renvoyée au pouvoir exécutif, avec invitation au ministre de la justice de prendre les mesures qu'elle comportait. Le même jour, le roi confirmait l'arrêté de suspension pris contre Manuel et Pétion, et vingt-quatre heures après, l'Assemblée les réintégrait. C'était la plus complète anarchie.

Le 18 juillet, Masuyer demanda l'arrestation d'un nommé Dejard, mêlé à la conspiration du camp de Jalès 3. Le 19, il se plaignit d'abus dans le recrutement, des procédés de

1. Pierre-Louis Pâris, né en 1759, d'abord oratorien et professeur de belleslettres, avait été arrêté pour avoir provoqué l'insurrection du 20 juin et s'être écrié dans sa section : « C'est un combat à mort entre Louis XVI et la liberté. » Il fut relâché et devint au 10 août officier municipal. Il était encore membre de la Commune de Paris au 9 thermidor. Mis hors la loi avec les autres complices de Robespierre, il fut exécuté le 11.

2. Jean-Baptiste-Vincent Boulland, né en 1739, architecte expert, électeur en 1791 de la section de la place Louis XIV.

3. Arch. parl., t. XLVI, p. 657.

certaines administrations départementales « qui abreuvaient les jeunes gens de refus et de dégoût1. » Le 22, il fit part à l'Assemblée d'une dépêche exprimant l'inquiétude du département de Saône-et-Loire, « quoiqu'il ne soit qu'en seconde ligne et séparé de la Savoie par le département de l'Ain 2. » Le bruit s'était, en effet, répandu qu'il y avait douze mille Autrichiens en Piémont.

Une collision se produisit, le 30, entre la garde nationale et les Marseillais fédérés. Le 2 août, ceux-ci envoyèrent une députation à l'Assemblée. Masuyer demanda l'impression de leur adresse et son envoi aux départements. « Il s'agit de savoir, dit-il, si les Marseillais se sont rendus aux Champs-Élysées pour se rendre coupables de l'assassinat qu'on leur reproche, ou si les Chevaliers de Coblentz y sont venus avec des intentions hostiles pour attaquer les volontaires de Marseille. » 3

Le 7 août, il accusa le directeur de la Monnaie de Limoges d'avoir altéré le titre des écus 4. Le même jour, il revint sur les procédés du liégeois Sauer pour la conversion des cloches en monnaie. Il ne se borna pas à dénoncer le ministre qui refusait de l'employer; il demanda, vainement d'ailleurs, pour cet homme une indemnité de six mille livres et une récompense de pareille somme. 5

On était à la veille de l'insurrection préparée par la majorité parlementaire dont Masuyer faisait partie. Dans la nuit du 9 au 10 août, il réclama un rapport sur la garde du roi, qui, selon lui, n'aurait pas été réellement licenciée 6. Le 10, il appuya la proposition de mise en accusation du ministre de la guerre d'Abancourt 7. Le 11, il fit insérer au

1. Arch. parl., t. XLVI, p. 657.

2. Id., t. XLVII, p. 44.

3. Mon. univ., t. XIII, p. 318.

4. Id., p. 356.

5. Arch. parl., .t XLVII, p. 551.

6. Id., p. 621.

7. Id., t. XLVIII, p. 16.

procès-verbal « que le peuple avait été fusillé, le 10 août, par les fenêtres de la galerie des Plans 1. » Le 15 août, il présenta en ces termes un don patriotique de la ville d'Autun: 2

Les citoyens d'Autun m'ont chargé d'offrir à l'Assemblée une coupe d'argent en don patriotique; ils m'ont prié, en outre, de déposer sur le bureau une adresse dans laquelle ils témoignent de leurs inquiétudes sur l'influence considérable des malveillants dans les grandes villes, d'où ils craignent qu'il ne sorte des armées de mécontents pour combattre votre liberté. Ils sollicitent, en conséquence, une loi pour rappeler dans leurs foyers tous ceux qui s'en sont écartés.

Naturellement, l'Assemblée législative décréta la mention honorable au milieu de « vifs applaudissements » et elle fit aux Autunois la politesse de renvoyer leur adresse à la commission des Douze.

Des centaines d'adresses s'abattirent sur l'Assemblée à la suite de la chute de la royauté. Les électeurs de Masuyer firent leur partie dans ce concert. En même temps que les divers corps constitués de Louhans se réjouissaient d'un événement «< qui doit anéantir les éternels complots de tous les conspirateurs 3 », les citoyens de la même ville attestaient que depuis longtemps ils étaient convaincus que Louis XVI était l'ennemi de la nation, l'auteur de tous les maux qui déchiraient la France, et que depuis longtemps ils attendaient le remède extrême, mais nécessaire de la déchéance. Ils regrettaient toutefois que l'Assemblée n'eût prononcé que la suspension; mais ils ne perdirent rien pour attendre. 4

Le 21 août, Masuyer fut élu secrétaire suppléant de l'Assemblée législative 5. Le 3 septembre, il fut un des

1. Arch. parl., t. XLVIII, p. 16.

2. Id., p. 180.

3. Arch. nat., C 159, n° 338.

4. Id., C. 162, n° 359.

5. Arch. parl., t. XLVIII, p. 560.

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