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Les plus anciens membres connus de cette famille sont Pierre et François Desplaces, dont les noms sont inscrits en 1496 et 1514 au registre de la confrérie du Saint-Sacrement d'Autun1. En 1518, Jean Desplaces, notaire en cette ville et châtelain royal de Roussillon, consigna son mariage avec Jeanne de Moroges sur un registre que ses descendants ont conservé précieusement et continué jusqu'à nos jours sans interruption. Trois générations se succédèrent dans la pratique du notariat. Celles qui suivirent exercèrent des magistratures locales ou des emplois militaires. D'abord lieutenant au régiment d'Aquitaine-infanterie, Charles Desplaces quitta le service pour épouser, le 30 décembre 1768, Marie Quarré de Monay, fille de François-Claude, président du bailliage et présidial d'Autun, et de Jeanne-Baptiste Thomas. Il se fixa à Verrières-sous-Glenne. En 1789, il comparut aux assemblées de la noblesse et signa le cahier des délibérations. Dans les derniers mois de l'année suivante, le choix de ses concitoyens l'appela simultanément à plusieurs fonctions publiques; le canton de Saint-Prix l'élut juge de paix2; la commune d'Autun le nomma membre du bureau de conciliation; le département enfin le chargea d'organiser le premier bataillon de volontaires. Il opta pour la justice de paix. Le 31 août 1791, il fut élu député à l'Assemblée législative et prêta serment en cette qualité le 7 octobre.

Il eut l'occasion de faire une observation au début même de la session. Le 2 octobre, un député soutenait que l'Assemblée ne pouvait statuer sur aucune difficulté, tant qu'elle n'aurait pas vérifié les pouvoirs jusqu'au nombre de 373, représentant la majorité. Un autre réclamait pour elle le droit de se prononcer immédiatement sur la validité des élections. 3

1. Mémoires de la Société Éduenne, t. XII, p. 363, 364.

2. Ce canton ne comprenait, avec son chef-lieu, que les deux communes de Saint-Léger-sous-Beuvray et de Verrières-sous-Glenne. 3. Arch. parl., t. XXXIV, p. 52.

M. DESPLACES. Je vais parler ici le langage de la loi : « L'Assemblée provisoirement constituée s'occupera de vérifier les pouvoirs des députés....... elle pourra rendre un décret pour enjoindre aux membres absents de se rendre dans le délai de quinzaine au lieu de la séance..... >>

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M. DESPLAces. « Elle pourra également rendre le décret et nommer des commissaires pour la convocation des assemblées primaires. » Tels sont les objets dont nous avons actuellement le droit de nous occuper, et ce n'est que lorsque l'Assemblée sera constituée en Assemblée nationale, qu'elle pourra prendre toute autre espèce de décision.

Une discussion s'ensuivit. Un membre demanda qu'on passât à l'ordre du jour, c'est-à-dire à l'exécution de la loi qui prescrivait le rapport des élections et remettait à l'Assemblée le soin de prononcer sur les difficultés. Ce fut adopté.

S'il était entré à l'Assemblée avec la pensée de soutenir la monarchie constitutionnelle telle que l'avait léguée l'Assemblée précédente, Charles Desplaces fut promptement déçu. L'invasion des Tuileries au 20 juin présageait une prochaine catastrophe; les mesures qui suivirent étaient faites pour la précipiter. Quand l'établissement d'un camp de fédérés autour de Paris eut été décidé, quand l'Assemblée eut décrété qu'un certain nombre de bataillons passeraient par la capitale pour concourir à la fédération du 14 juillet, quand elle eut encore décrété la dissolution des états majors de la garde nationale dans les grandes villes, Charles Desplaces comprit que tout était fini. Vainement, le 7 juillet, les députés, entraînés par un accès de sensiblerie, échangèrent-ils le baiser Lamourette; dès le lendemain les divisions s'affirmaient de plus belle. Charles Desplaces sentit son impuissance dans ces terribles conjonctures et, soucieux de dégager sa responsabilité, contraint d'ailleurs par des raisons de santé, il résolut de se retirer.

Ce fut le 10 juillet qu'il exécuta son projet. Un député, Bousquet, avait sollicité, pour « affaire urgente », un congé de quelques jours, qui lui fut accordé. Cambon demanda la parole sur la question des congés, fit observer que l'Assemblée avait précédemment décrété que les corps administratifs et les comités seraient permanents, la patrie étant déclarée en danger, et ajouta :1

A plus forte raison, des représentants du peuple doivent-ils rester à leur poste et ne doivent point le quitter à la veille de cette déclaration. S'il y a des personnes qui veulent donner leur démission, ils (sic) en sont les maîtres, parce que dans ce cas leurs suppléants les remplacent, et le corps législatif sera toujours au complet. Dans le cas contraire, ils doivent les premiers donner l'exemple à tous les citoyens de l'empire (applaudissements).

La motion est accueillie, et alors:

L'Assemblée décrète qu'à l'avenir on ne donnera plus de congé jusqu'à nouvel ordre. A la suite de ce vote, M. Desplaces, député de Saône-et-Loire, donne sa démission.

Remplacé aussitôt par Baudot, premier suppléant, Charles Desplaces resta à Paris jusqu'au 14 août pour presser la liquidation d'une succession. Il partit ce jour-là pour Auxerre et descendit chez l'abbé du Crest, curé de Saint-Eusèbe 2, allié de sa famille. Il se proposait d'y séjourner trois mois, quand il reçut une lettre du procureur syndic de la commune d'Autun, qui l'invitait à revenir sans délai. Le 8 septembre, les officiers municipaux de cette ville avaient pris un arrêté lui enjoignant de se rendre à Autun dans son domicile, le 20 de ce mois au plus tard, « pour ne pas en désemparer et se présenter

1. Arch. parl., t. XLVI, p. 297.

2. Son passeport portait le signalement suivant: « Agé de 53 ans; taille de 5 pieds 2 pouces; cheveux et sourcils châtain clair; front élevé; les yeux gris; le nez long et effilé; bouche moyenne; menton long; visage long et maigre. »

chaque jour à la municipalité comme père d'émigré. » Son fils Pierre - Charles s'était engagé, en effet, dans l'armée de Condé. L'ex-député quitta Auxerre le 15 septembre, arriva à Autun le 20, et, après avoir été soumis pendant sept mois à l'ombrageuse surveillance de la municipalité, il se vit incarcérer comme suspect dans le courant d'avril 1793. Sa femme et deux de ses filles, Jeanne-Baptiste et Thérèse, partagèrent son sort. Cependant, comme Mme Desplaces était malade, on l'élargit provisoirement, au grand déplaisir des patriotes, dont la Sentinelle d'Autun exprima les sentiments en ce style de goujat qui lui était familier. 1

Le 7 novembre, Charles Desplaces fut transféré à la maison d'arrêt de Mâcon. Le comité révolutionnaire d'Autun ne l'y oublia pas, car, le 24 pluviôse an II (12 février 1794), à l'occasion d'une « taxe révolutionnaire à imposer sur les riches pour le soulagement des pauvres » et proportionnée non seulement à la fortune, mais encore « à l'incivisme de chaque individu », il le taxa à trois mille livres, « tant à raison de ses fonds que pour restitution de la moitié du vol qu'il a fait à la nation pendant qu'il était à la Législative. » Trois jours après, le district de Charolles le portait sur la liste supplémentaire des émigrés, inscrivant collectivement et sans préciser autrement « les frères Desplaces-Charmasse, fils de famille, possesseurs d'un fonds à Marcilly-laGueurce,» tout simplement parce que Charles Desplaces

1. On lit dans le numéro du 28 avril 1793 : « Il est bien étonnant qu'avec la faculté des miracles, il ne s'en soit pas opéré un en faveur de la souffrante Desplaces, sortie de la maison d'arrêt par prompte délibération du directoire. Le conseil de la commune, consulté, répond qu'il attend le rapport de son officier de santé sur la pétition qui lui avait été adressée par la malade; mais on n'avait donné au conseil que la matinée pour donner son avis, car le temps pressait; déjà le chirurgien Tripier avait déclaré que sa pharmacie ne lui fournissait plus de remèdes pour sa malade; déjà il n'en connaissait qu'un seul capable de conserver ses jours; ce n'était pas de rester à côté de son mari aussi détenu, la malade n'en a plus besoin; mais la malade se meurt si elle n'est pas rapprochée de ses chers enfants, et la Desplaces les éloigne, et la Desplaces fait émigrer un de ces enfants si nécessaires à ses jours. Quelle est cette logique?... »

et son frère Jean-Claude, ancien capitaine d'infanterie, avaient omis d'envoyer des certificats de résidence pour une propriété qu'ils avaient en Charollais. La bévue sautait aux yeux. Même reconnue, elle n'en eut pas moins de fâcheuses conséquences pour ceux qui en étaient l'objet.

Aux Ursulines de Mâcon, Charles Desplaces se trouva en nombreuse compagnie. La maison d'arrêt, à la fin de germinal, ne renfermait pas moins de cent quatre-vingt-quatorze détenus. L'ex-député y vit arriver beaucoup de ses concitoyens, Nicolas Changarnier, le futur député aux CinqCents, Jean-Baptiste-Lazare Pigenat, ex-président du tribunal d'Autun, Guillaume Bretin, qui lui avait succédé, Buffot de Millery, Moreau de Morcoux, etc., et aussi trois autres qu'attendait l'échafaud, l'évêque constitutionnel Gouttes, François Bacquelot, d'Étang, et Jean Milot, de Mesvres. La Terreur passa. Le 28 vendémiaire an III (19 octobre 1794), Charles Desplaces fut élargi par ordre du représentant Boisset; mais cette longue détention avait déterminé chez lui une maladie de langueur dont il ne se releva jamais.

Le 8 nivôse (28 décembre), l'administration du district de Charolles prononça sa radiation. Ce n'était qu'une mesure provisoire. Quand le coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) eut remis en vigueur les lois draconiennes rendues contre les émigrés, Charles Desplaces reçut l'ordre de quitter dans les quinze jours le territoire français. Il se retira, ainsi que son frère, en Suisse, séjourna six mois à Berne, et, grâce à quelques sacrifices d'argent, acquit l'autorisation de rentrer. Il fut le premier émigré auquel le ministre de la police accorda la faveur d'être seulement en surveillance. Il fallut encore beaucoup de démarches pour enlever la radiation définitive. Rubat, Guillemardet et Reverchon s'entremirent. « L'existence du nom de semblable homme sur la liste des émigrés, écrivait le premier, le 14 frimaire an VII (4 décembre 1798),

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