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l'effet d'un ouvrage militaire. Les gros murs dont vous avez trouvé les fondations, devant et derrière, ne peuvent être que ceux d'un castellum, et le temple était la tour qui s'élevait au milieu.

Je vous serre les mains affectueusement, etc.

J. QUICHERAT.

On est heureux d'entendre ces paroles de la vraie science et de la vraie France. Jules Quicherat, on le voit, n'était pas de ces esprits disposés aux abdications et à l'oubli. L'histoire avait enseigné au vaillant éditeur du Procès de Jeanne d'Arc qu'il y a une patrie, qu'un peuple se relève toujours quand il prend le contre-pied des erreurs et des folies qui ont causé sa ruine et que, de nos jours, la France pouvait avoir raison de l'Allemand comme elle avait triomphe de l'Anglais au temps de Charles VII.

Les deux amis ne s'entendaient pas moins en patriotisme qu'en archéologie et pas ne fut besoin d'un plus long discours pour convaincre un laborieux, comme Gabriel Bulliot, de la nécessité de se remettre à l'ouvrage et à la recherche de nos origines. Les épreuves, comme les joies d'ailleurs, ont leur terme, et le meilleur remède est encore la reprise du travail. Aussi, dès l'été de 1872, Gabriel Bulliot remontait-il au Beuvray pour poursuivre l'exploration entreprise depuis 1865. Celle-ci fut particulièrement fructueuse. Elle porta sur le sacellum auquel succéda l'oratoire chrétien érigé à la suite des prédications de saint Martin dans le pays Éduen 1. Cette campagne tira, en outre, son principal éclat de la découverte d'un atelier d'émaillerie et de plusieurs objets en bronze émaillé que l'inventeur a soigneusement décrits: découverte bien faite pour exciter la

1. Le Temple du mont Beuvray, fouilles de 1872-1873, dans les Mémoires de la Société Eduenne, t. IV, p. 107.

2. L'Art de l'Émaillerie chez les Éduens avant l'ère chrétienne, d'après les découvertes faites au mont Beuvray (en collaboration avec Henry de Fontenay, pour la partie technique). Id., t. III, p. 439. Tirage à part, in-8°, de 44 pages. Autun.

surprise et la curiosité. Aussi donna-t-elle lieu à une vive. controverse. Sa nouveauté avait, en effet, trouvé quelques esprits incrédules et rebelles qui se refusaient à admettre le fait1; la production et l'examen des objets recueillis dissipèrent la confusion qui avait pu naître à ce sujet.

Le Beuvray ne l'occupait pas si exclusivement qu'il n'ait encore trouvé le temps de porter ailleurs son regard, toujours éveillé, d'archéologue à qui rien n'échappe. La découverte du sacellum auquel avait succédé l'oratoire dédié à saint Martin 2, le conduisit au mont de Sene, près de Santenay, où avait existé un temple consacré à Mercure 3. Il y avait, en effet, intérêt à comparer ces deux édifices qui disparurent dans les mêmes circonstances, à la suite des prédications de saint Martin.

De même, ses fréquentes excursions en Charollais le portèrent à explorer les ruines romaines, situées au lieu de Colonne, en la paroisse de Saint-Aubin. 4: lieu fertile en découvertes de monnaies, tant gauloises que romaines, de vases en bronze, d'intailles, de marbres, de poteries et de tuiles, dont les débris couvraient plus de vingt hectares.

Mais ces travaux n'étaient pour lui que des hors-d'œuvre qui servaient de déversoir au surcroît de son activité, sans le distraire, un seul instant, du Beuvray demeuré l'objectif de ses investigations. Chaque année, une nouvelle fouille augmentait l'étendue et l'intérêt des découvertes. Celle de 1876 lui permit de déterminer l'emplacement d'un forum gaulois, situé autour du temple 5. Son exploration s'étendait aussi au delà des limites de l'oppidum. La voie romaine, tendant d'Autun à Saint-Honoré et dont un embranchement

1. Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. XXXIV, p. 43 et 134. 2. L'Ex-Voto de la Dea Bibracte, dans Mémoires de la Société Éduenne, t. III, p. 259.

3. Le Temple du mont de Sene, à Santenay (Côte-d'Or.) Id., p. 139.

4. Colonne, dans les Mémoires de la Société Éduenne, t. V, p. 485.

5. Fouilles du mont Beuvray, le Forum, dans Mémoires de la Société Éduenne, t. VI, p. 113.

tendait au Beuvray, se rattachait trop directement au sujet pour rester étrangère à son examen. Il lui consacra donc une étude spéciale qui donna lieu à la reconnaissance du tracé et à la constatation de l'existence de plusieurs Karres destinés à la protection et à l'hospitalisation des voyageurs. 1

Cet ensemble de travaux archéologiques, la découverte de l'emplacement et des restes de Bibracte, cette contribution de premier ordre apportée à l'ethnographie gauloise, avaient depuis longtemps éveillé l'attention. Les pouvoirs publics, toujours difficiles à émouvoir en l'absence de sollicitations et qui ne s'intéressent guère aux travaux désintéressés, se montrèrent enfin disposés à reconnaître un mérite que bien d'autres avaient reconnu avant eux. Il y avait, de leur côté, un point d'honneur à ne pas demeurer indifférents au vœu public et à donner leur haut encouragement aux efforts accomplis. La récompense vint d'ellemême sans que celui qui en était l'objet l'ait aucunement sollicitée. Sa modestie se fût d'ailleurs d'autant moins prêtée aux démarches que les distinctions ne comptaient à ses yeux que quand elles s'offraient comme le prix du travail et non comme le résultat de l'importunité. S'il restait inactif en cette cause, ses amis se montraient plus zélés et l'un d'eux, Jules Quicherat, put enfin annoncer à Gabriel Bulliot que le but de leurs efforts était atteint. Nous citerons cette lettre qui place la récompense obtenue sous un patronage aussi compétent et qui met en même temps en lumière la rare absence de toute intervention personnelle :

Paris, 17 février 1876.

Monsieur et cher Collègue,

J'ai la satisfaction de vous annoncer, si vous ne l'avez pas appris déjà d'autre part, que la section d'archéologie du Comité vous propose au ministre pour la décoration de la Légion d'honneur. Comme

1. Les Karres de la voie romaine de Saint-Honoré au pied du Beuvray. Id., p. 283.

jusqu'ici j'ai toujours vu les propositions de ce genre favorablement accueillies, je me persuade qu'il en sera de même cette fois, et que je puis vous faire cette confidence sans vous exposer à une déception. J'ai la confiance aussi que cette récompense, loin de refroidir votre zèle pour les importantes recherches que vous avez entreprises, ne fera que l'attiser et le rendre plus ardent, si cela est possible. A vous, votre bien dévoué et affectionné collègue.

J. QUICHERAT.

La proposition présentée par le Comité eut son effet, et, au congrès réuni à la Sorbonne, au mois d'avril suivant, Gabriel Bulliot reçut la croix de la Légion d'honneur, moins des mains d'un ministre indifférent, que des suffrages de Jules Quicherat et de ses collègues du Comité des travaux historiques, au milieu des applaudissements des délégués de Paris et des départements. Loin d'être le signal du repos, cette distinction ne fut pour Gabriel Bullio que l'invitation à multiplier ses efforts et à accroître sa tâche.

En même temps qu'il obtenait cette distinction méritée, Gabriel Bulliot travaillait à la réalisation d'un rêve qui n'avait pas cessé d'occuper son esprit : c'était de relever, sur le sommet de Beuvray, l'antique oratoire consacré au souvenir de saint Martin. Il ne lui suffisait pas de fouiller le sol pour en exhumer les vestiges de Bibracte. La tâche lui eût paru trop étroite si une pensée chrétienne ne l'eût pas accompagnée et relevée un peu au-dessus des questions d'histoire et d'archéologie. Nous avons vu plus haut que, dès 1851, il avait sollicité et obtenu le concours de la Société française pour la conservation des monuments historiques, dans le but de faire réédifier la vieille croix dont le vent et les orages avaient depuis longtemps dispersé les débris 1. Mais l'œuvre lui paraissait incomplète

1. V. plus haut, § 3.

tant que l'oratoire lui-même n'aurait pas été relevé à la place qu'il avait occupée. Ses instances, véritables prédications, jointes à ses sacrifices personnels, eurent bien vite triomphe de l'indifférence et de l'oubli qui s'attache aux anciennes traditions. La première pierre du nouveau sanctuaire avait été posée le 7 août 1873 par Mgr Landriot, archevêque de Reims; en 1876, l'édifice était achevé et il fut béni par Mgr Perraud, évêque d'Autun, le 9 septembre, en présence des membres du Congrès scientifique dont la session se tenait alors à Autun. C'était bien le lieu et l'occasion de rappeler les luttes soutenues par saint Martin contre le paganisme. C'est ce que fit l'éloquent orateur que l'Académie française et le Sacré Collège devaient bientôt appeler dans leurs rangs. La lutte n'a pas cessé; elle se poursuit toujours, non moins ardente, non moins obstinée qu'au temps de saint Martin, entre le christianisme longtemps victorieux et le paganisme renaissant. Puisse-t-elle se terminer, comme au quatrième siècle, par la victoire de la civilisation chrétienne!

A la même époque, un projet plus vaste et plus difficile hantait son esprit comme une obsession: c'était de constituer à la Société Éduenne un établissement personnel, fixe et propre à assurer l'indépendance et la stabilité de son existence. Le problème était difficile à résoudre. Tout autre que Gabriel Bulliot eût hésité avant de s'engager dans une voie aussi nouvelle, hérissée d'autant d'obstacles, semée de nombreux écueils. Les objections ne manquaient pas et se faisaient jour avec une vivacité qui eût découragé tout autre que lui. Il avait, dans ce but, jeté les yeux sur les dépendances de l'hôtel que le chancelier Nicolas Rolin avait possédé et habité à Autun : dépendances assurément bien dégénérées de leur illustre origine et présentant alors le lamentable aspect de quelque noble personnage tombé dans l'indigence et conservant à peine, sous ses haillons, quelque trace de son opulence passée. Habitées par quelques

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