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plupart quelque intérêt historique. En effet, ses salons sont un musée qu'on peut habiter ou une demeure où l'on peut apprendre. Les glaces sont d'ancien verre de Venise au riche cadre italien. La pendule, du temps de Henri II, est un exemple curieux et élégant d'ouvrages les plus anciens dans ce genre; les bustes sont des marbres antiques; les livres, placés sur la table, sont des manuscrits du moyen âge, aux radieuses enluminures. Mais le vrai musée, c'est une grande pièce, suivie d'une longue galerie, l'une et l'autre remplies de trésors de l'antiquité jusqu'au seizième siècle, et des pièces les plus précieuses des époques gauloise et galloromaine. Tous ces trésors ont été réunis comme objets d'étude ou pour répondre à un sens historique ou artistique, mais jamais dans un but de luxe vulgaire. Quoique l'Antiquaire eût beaucoup de vastes fauteuils recouverts de tapisserie ou de velours, je ne l'ai jamais vu qu'assis sur un tabouret de bois, sans dossier ni coussin. »

Après ce rapide coup d'œil, les voyageurs se mettent en route pour the Mount. Ils s'arrêtent à Monthelon et visitent, en passant, le vieux château habité par sainte Jeanne de Chantal » et qui est encore à l'extérieur tel qu'il était de son temps. » L'Anglais note la galerie ouverte, qui dessert l'étage supérieur, où il peut être agréable de stationner par une belle soirée d'été mais qui offre moins d'agrément quand sifflent, l'hiver, les vents froids du Morvan. Le logis lui parut même si attrayant, avec sa situation au milieu des prairies, sur le bord d'une jolie rivière, en face de montagnes boisées, qu'il avait eu l'intention de le louer si son inconfortabilité et la disposition défectueuse des appartements ne l'eussent dissuadé de donner suite au projet.

La petite église de Monthelon, du style roman le plus pur, comme toutes celles de la région, donne lieu au voyageur étranger de faire quelques observations de la plus grande justesse. Il remarque que ce style, simple et grave,

est celui qui est le mieux adapté à une église de village, quand on n'a pas beaucoup d'argent à dépenser, cas le plus fréquent. Il regrette avec raison que ces vieilles églises romanes soient en train de disparaître, car toutes les fois qu'elles tombent en ruines (et il n'y a rien de plus commun à une ancienne construction), le curé saisi d'un zèle mal entendu, s'empresse de jeter bas l'édifice et de le remplacer par un monument du style le plus flamboyant et aussi le plus fragile, quand l'argent est court, ce qui est le cas le plus ordinaire. Les deux amis s'accordent pour déplorer la destruction de ces bonnes petites églises romanes si bien ajustées à leur destination. En effet, l'union de la chaumière, qui existe depuis un nombre égal de siècles, avec la petite nef romane, est si naturelle que le paysan se sent autant chez lui dans l'une que dans l'autre, bien plus à son aise que dans une église tout battant neuf, qui semble avoir été ramassée on ne sait où, qui n'a été associée à aucun des actes de son existence et qui ne lui rappelle rien. Il se sent étranger dans le moderne édifice dont il lui arrive trop souvent d'oublier le chemin. Rien, au contraire, ne satisfait aussi pleinement l'esthétique qu'une abside comme celle de Monthelon, dans sa simple et forte rusticité. Le prêtre a beaucoup plus de prestance sous la voûte du petit sanctuaire que sous les arceaux des cathédrales. Dans celles-ci l'effort ne réussit qu'à moitié. L'homme n'est pas de taille à lutter contre de telles hauteurs. Aperçu des tribunes, il produit l'effet d'une souris courant sur un plancher. Mais les églises ne sont pas les seules victimes. Les vieux villages disparaissent aussi et cèdent la place à des constructions d'une désolante vulgarité. L'accord se rétablit ainsi entre eux au préjudice du pittoresque et du goût. Les uns seront bientôt aussi laids que les autres.

Au milieu de ces échanges d'impressions et de ces épanchements, on arrive au hameau de Méchet où les voyageurs remarquent un étang qui a été desséché par un singulier

TOME XXXII.

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phénomène de végétation par l'invasion de cette plante aquatique que les savants appellent Trapa natans et à laquelle, avec un peu de bonne volonté de leur part, ils auraient pu, sans dommage, conserver son nom représentatif de cornuelle ou de châtaigne d'eau. Mais est-ce la peine d'être savant si c'est pour parler sans mystère? Il paraît que quand une fois cette plante vorace a pris pied dans un étang elle y pullule jusqu'à l'extinction dudit étang. Il paraît aussi que si, après de nombreuses années de culture, l'étang est remis en eau, la cornuelle, peu rancunière, reparaît aussitôt et reprend possession de son domaine. C'est elle qui a le dernier mot.

Après cette digression sur le danger de la cornuelle (qui lui eût supposé une perfidie aussi noire ?) on rencontre la tour de Vautheau. Ici une nouvelle halte s'impose. J'ai peine à croire que le vieux donjon ait jamais prévu qu'il serait un jour offert en pâture aux imaginations britanniques mais tout arrive en ce siècle. L'auteur observe d'abord que « la seule tour qui reste se trouve dans cette rare et heureuse condition d'être en bon état, sans que rien ait été gâté pour les yeux ni par le temps ni par de malencontreuses réparations. Les autres parties du château sont en ruines. Mais la tour elle-même est un bijou parfait, riche de sa propre beauté. » Quand elle émerge de sa fourrure de lierre et de sa ceinture de châtaigniers séculaires, l'œil éprouve une satisfaction sans mélange. Dans le voisinage un vieux puits, un pigeonnier, sans pigeons, avec sa lanterne en coupole soutenue par des colonnettes, des étables aux murs bas et aux toits immenses, tout cela semble endormi depuis plusieurs siècles. On éprouve le désir de s'étendre à leur ombre et de partager leur sommeil, dans l'espérance que quelque rêve ranimera ce passé éteint. L'Antiquaire, lui, a formé un autre projet : celui de louer la tour, d'y transporter ses plus beaux meubles. anciens et de lui donner ainsi une vie et un lustre qu'elle

n'eût sans doute jamais au temps de ses rudes possesseurs. Elle fût devenue pour lui un gîte d'étape entre Autun et le Beuvray, pour y passer la nuit, entendre le vent dans les vieux arbres et se croire transporté à quatre siècles en arrière. Ce dessein de poète et d'artiste était aussi un rêve, et non le seul de ce genre qu'il ait formé.

Comme tout château qui se respecte, celui de Vautheau a sa légende sa wivre, serpent mystérieux qui garde des trésors non moins mystérieux. Chaque nuit, la wivre sort de son souterrain pour venir boire à la fontaine. Elle dépose alors le diamant qu'elle porte sur le front: talisman précieux qui rendra son ravisseur maître du trésor ou victime du monstre, selon qu'il sera plus ou moins leste dans son opération. Ce jour-là il faisait très chaud. Le voyageur but à la fontaine, mais la wivre ne se montra pas. Il perdit ainsi l'occasion de s'enrichir..... ou d'être dévoré. Bien des personnes, dit-on, ont vu la wivre, mais aucune n'a eu la témérité de tenter l'aventure.

Sans autres haltes, on arrive enfin à Saint-Léger-sousBeuvray, « vieux village au milieu d'un très beau paysage. »> Ici, tout est disposé pour la séduction d'un peintre, tel que l'auteur, qui ne peut détacher son regard du tableau qu'il a sous les yeux maisons groupées sans ordre dans un cadre de châtaigniers au tronc puissant; au bas, l'étang de Poisson, semblable à un petit lac; au dessus, le Beuvray étageant ses croupes forestières; tout lui rappelle quelque coin de l'Écosse ou du pays de Galles. Le châtaignier surtout, « de tous les arbres le plus grandiose et le plus pictural », obtient ses préférences. Mais l'Antiquaire, qui ne perd aucune occasion de déplorer « la dégoûtante destructivité de ses contemporains, » lui raconte que, depuis un certain nombre d'années, les plus beaux de ces vieux arbres ont disparu sous la hache meurtrière et il montre tristement du doigt les coteaux, aujourd'hui dénudés, que jadis des familles de frères géants couvraient de

larges ombres. Mais, pour lui, qui n'a pas vu ce verdoyant passé, il subsiste encore, autour du Beuvray, bien des coins privilégiés qui n'ont pas encore été dégradés par la hache du bûcheron et la hideuse truelle du maçon moderne. Que nos pèlerins de l'art, cependant, ne se découragent pas. Dans quelques centaines d'années, quand le temps qui, lui aussi, est peintre, aura passé, ces bâtisses seront devenues chenues à leur tour; elles auront perdu leur crudité vulgaire et, sous une couleur plus douce, le paysage retrouvera sa noblesse passée. Mais qui lui rendra l'arbre? Quelle main restituera au sol frissonnant sa fourrure forestière ? Après une demi-heure de contemplation, on se remet en route en devisant sur les loups qui ont autrefois ravagé la contrée et qui, eux aussi, ont disparu, comme tant d'autres choses, mais l'extase ne faiblit pas. A chaque tour de roue, la vue change, sans rien perdre de son attrait. Durant l'ascension, l'œil n'est offensé par aucun contresens; rien n'a gâté l'œuvre de la nature croupes boisées, prairies qui forment autant de clairières, ruisseaux dans le fond, avec un soleil de juin, qui donnait à tout cela l'aspect «< d'une Arcadie disposée pour le rêve d'un poète. »

Cependant, le soleil gagne sur l'horizon et il faut hâter le pas pour arriver au sommet avant la nuit. Tout en devisant sur les routes et les changements que leur établissement apporte dans les habitudes de la population, on se trouve au col où il faut se séparer de la voiture et confier ses bagages à un véhicule et à un attelage appropriés à la dernière étape. Pendant que s'opère le changement, la conversation reprend de plus belle. C'est encore l'architecture qui en fait les frais. Les deux amis se demandent pourquoi les ignorants constructeurs de ces chaumières, paysans sans aucunes lettres, ont obtenu des effets si intéressants à l'œil, tandis que, dans nos villes modernes, des architectes instruits et habiles ne produisent que des œuvres affligeantes qui forcent l'artiste à fermer les yeux ou à les porter ailleurs.

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