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qui est beau pour un ancien capitaine de cavalerie et des gardes du corps. » 1

C'est à cette date que Gabriel Bulliot conçut la pensée d'édifier au sommet de Beuvray un oratoire dédié à saint Martin, sur l'emplacement même du temple paien dont il avait retrouvé les fondements. Le plan est tout fait dans son esprit, tel, à peu près, qu'il fut plus tard réalisé; mais ce n'est pas tout de l'avoir dans la tête : les appuis nécessaires au succès doivent être recherchés. Où les trouver? Il s'en est ouvert à son ami, Mer Landriot, archevêque de Reims, prélat bien en cour2, en le priant de recommander l'entreprise à la piété et à la munificence de l'impératrice : « J'en profite pour lui dire, en riant, de demander à l'impératrice cinq ou dix mille francs pour relever l'oratoire de saint Martin, qui protégera d'autant le prince impérial. S'il prend la chose au sérieux, moi aussi. Je lui ai seulement recommandé de me désigner pour architecte. L'édifice sera en deux parties, dont un porche ouvert, avec bancs en pierre, pour abriter les bergers; il remplacera le manteau de saint Martin pour eux; puis une petite cave basse au fond de laquelle on verra, par des meurtrières, un basrelief du saint. Le tronc sera en dedans, de manière à recevoir les offrandes par la meurtrière. La porte s'ouvrira pour la fête de saint Martin et pour le premier mercredi de mai. Je n'ai pas voulu plus de dix mille francs dans la crainte de ne pas rester assez Gaulois je serais tenté de donner dans la fantaisie, tandis que la modicité de la somme obligera à supprimer les détails superflus. Voilà une belle occasion pour entonner l'antienne de mon projet. Si peu que l'archevêque s'y intéresse autant que moi, il ne peut manquer de réussir. » 3

1. Du 28 juin 1869.

2. L'archevêque avait prêché avec succès un carême aux Tuileries, et le camp de Châlons, qui était dans son diocèse, lui donnait souvent l'occasion d'approcher le souverain.

3. De juin 1869.

L'archevêque prit la chose tout à fait au sérieux et promit

son patronage:

MON CHER AMI,

Reims, 27 juin 1869.

Pourquoi votre lettre ne m'est-elle arrivée plus tôt? Le mardi 22, j'étais au camp et j'aurais pu parler à l'empereur de votre projet, et peut-être aurais-je réussi. Ces sortes d'affaires ne peuvent guère se traiter, ou du moins se commencer que de vive voix, et je ne prévois pas qu'une occasion doive se présenter prochainement pour moi de voir l'empereur ou l'impératrice. Du reste, votre idée me semble très belle bâtir sur le Beuvray un oratoire de Saint-Martin me semble une œuvre digne de la générosité et de la religion de l'impératrice.

:

Veuillez croire, mon cher ami, à tous mes affectueux sentiments. J.-B., arch. de Reims.

On sait quels événements firent obstacle au concours espéré et ajournèrent, en même temps, l'exécution du projet qui dut se pourvoir d'autres ressources. Mais on est encore aux heures sereines ou regardées comme telles. Peu aperçoivent l'orage prochain et ceux-là font l'effet d'une importune Cassandre. Les visiteurs affluent, de plus en plus nombreux, au Beuvray : les uns attirés par la beauté du vaste horizon; les autres, par l'intérêt des fouilles; le plus grand nombre, par le simple désir de faire une belle partie de campagne. Mais l'air de la montagne est capiteux; tous ne résistent pas à ses effets: « Le convoi a passé près de ma baraque, et j'ai vu une pauvre dame bien humiliée de l'état de son mari qui, pour le moment, n'appartenait pas à une société de tempérance. Aussi les dames ont-elles glissé sans échanger aucun propos avec le druide de Bibracte, qui comprenait mieux que jamais les vertus de la fontaine dont tous ne s'étaient pas contentés. »1

Tous les visiteurs n'étaient pas dans le même cas. L'un d'eux, séduit par le projet d'élever une chapelle en l'hon

1. Du 6 juillet 1869.

» On

neur de saint Martin, prédit le succès: « Soyez sûr, dit-il, que votre oratoire sera rebâti. 1 pense si cette encourageante prophétie fut accueillie avec transport.

Un autre visiteur, le peintre Hanoteau qui s'est si souvent, dans ses tableaux, inspiré des sites et des horizons du Morvan, vint surprendre Gabriel Bulliot au Beuvray, le 1er septembre, avec trois personnes de sa famille. Vite on organise un campement sommaire pour hospitaliser les nouveaux venus. La tâche était ardue et on s'en tire avec peine en comptant plus sur l'indulgence des visiteurs que sur l'abondance du mobilier et l'ampleur du logis. Il fallait offrir le gîte « à deux messieurs et à deux demoiselles, cas assez scabreux à Bibracte. » Aussi l'hôte ajoute-t-il avec assez de vraisemblance : « Je n'ai jamais été dans un cas aussi grave. 2 » La bonne humeur des uns et des autres résolut toutes les difficultés. Toujours prodigue, l'artiste acquitte son hospitalité en inaugurant l'Album de Bibracte par un beau dessin petit Marcel à Bibracte, avec un peu du lequel figurent l'Antiquaire, penché sur fils de l'artiste vu de dos. Ce précieux dessin, daté du 1er septembre 1869, a été depuis retiré de l'album et mis sous verre, afin d'assurer sa conservation. Le lendemain, avant son départ, l'aimable peintre offre encore à l'Antiquaire le dessin de l'étrier un croquis à la plume, de la Pierre de la Wivre. On ne pouvait s'acquitter plus royalement.

l'Entrée de mon mur gaulois, dans les fouilles, et le

Nous arrivons à l'année 1870. Dès le mois de janvier, Gabriel Bulliot s'inquiète. L'avenir lui paraît sombre et menaçant. Le changement opéré dans l'orientation de la politique lui semble le prélude d'un changement plus grand encore et il écrirait volontiers « le premier chapitre de la fin du monde. » 3

1. Du 27 août 1869.
2. Du 2 septembre 1869.
3. Du 9 janvier 1870.

C'est à peine si l'offre, qui lui est faite, d'une belle base de colonne en marbre blanc, d'un mètre de diamètre, trouvée dans la fondation d'une maison en construction, à Autun, a le don de l'arracher à ses sombres pressentiments. Il rêve aussitôt de disposer au milieu des massifs d'arbustes cette base, jointe à deux autres qu'il possède déjà, et d'établir ainsi autour de sa maison une sorte de jardin lapidaire. Au bout de peu de temps, le jardin eût sans doute compté plus de pierres que d'arbres; aussi n'obtint-il pas les suffrages escomptés et resta-t-il à l'état de projet.

Les pronostics, plutôt pessimistes, que lui inspire la situation politique, ne l'empêchent cependant pas de se rendre à Paris, comme chaque année, au mois d'avril. Là, il s'entretient assez longuement avec le récent ministre de l'instruction publique, M. Bourbeau que, chose étrange et nouvelle, l'exercice du pouvoir n'a pas rendu optimiste et qui « n'augure pas bien de la politique actuelle. 1» Les glas du régime, on le voit, se faisaient entendre dans les régions mêmes du pouvoir. Aussi n'est-il pas question d'audience impériale cette année : « Je ne demanderai pas d'audience à l'empereur, quoique M. de Reffye m'ait offert de la demander. L'empereur est tellement absorbé par la politique et les changements de ministres qu'il serait indiscret de l'entretenir de bibelots, en pareil moment. 2 » Il la remplace par un concert du Conservatoire qui lui donne une satisfaction plénière : « J'ai eu hier un merveilleux concert la Symphonie en la de Beethoven, un motet religieux de Sébastien Bach, sans accompagnement, à ravir, la Symphonie en ut mineur de Mozart, à renverser. 3 » Le concert valait mieux qu'un sermon entendu deux jours auparavant, et qui avait peu répondu à son attente. « J'ai passé la journée, hier, dans les sermons. A Saint-Thomas,

1. Du 14 avril 1870.

2. Du 18 avril 1870.

3. Idem.

l'abbé Bauer m'a tellement exaspéré les nerfs, mercredi dernier, que je fuis avec effroi les prédicateurs chers aux dames. Si j'ai entendu un instrument faux dans ma vie, c'est celui-là, et je n'en suis pas encore bien remis. Heureusement que j'ai eu depuis deux homélies sur la Passion qui, à part l'infaillibilité 1, les allusions politiques, le tribut à la démocratie, nous sommes peuple, surtout ici, des coups d'épaule d'un goût douteux, avaient au moins du sens et de la simplicité, deux raretés dans ce pays. 2

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Ses séjours au Beuvray, il l'avoue, son existence au milieu des gens sans affectations le rendent insensible au charme de la vie parisienne. Recueillons cette impression: « Jamais la population ne m'a offusqué à un pareil degré. Tout pose, du haut en bas. Personne n'est naturel, excepté les cochers de fiacre qui, à force de conduire les gens, sont blasés sur l'humanité et tiennent plus au pourboire qu'à l'admiration. Seuls, je crois, ils sont restés eux-mêmes, comme leurs équipages et leurs chevaux. » 3

Sermons, concert, critique ne lui font pas perdre de vue la question de Bibracte à laquelle il a attaché son nom. Il exerce à son égard une sorte d'apostolat ininterrompu et chaque occasion lui paraît bonne pour accroître le nombre des prosélytes. Telle était celle que lui offrit la Société française de numismatique, devant laquelle il fit une nouvelle conférence : « M. de Sauley y était et, après la soirée, il m'a dit qu'il était entièrement converti; après les fouilles, a-t-il ajouté, il ne me paraît pas possible de repousser l'attribution de Bibracte au Beuvray. 4» La recrue était de taille et le bénéficiaire pouvait, à bon droit, se montrer fier du résultat.

Dans le grand nombre des noms que cette correspon

1. Question agitée en ce moment au concile du Vatican.

2. Du 16 avril 1870.

3. Idem.

4. Idem.

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