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à la vieille ville qui, à part le réseau assez entortillé de ses rues, n'offre pour l'archéologue ou pour l'amateur de pittoresque, qu'un intérêt secondaire. Au centre, s'élèvent de curieuses petites halles en bois. Tout près de là, l'église modernisée mérite sans doute une visite, mais non une description. Cependant, nous devons signaler à l'intérieur, le maître autel, du dix-huitième siècle, construit en pierre de la Douée ou de Saint-Romain, comme tant d'élégantes cheminées de l'époque, et un lutrin de 1739, sur le pied duquel se lit cette singulière devise: « Ici, je repose pour chanter les louanges de Dieu. Dieu ne bennira pas les chicaheur (sic). »

» Notre petite caravane s'éparpille et erre à l'aventure. On visite l'hôtel de ville, l'hôpital où nous admirons deux émaux du dixseptième siècle. Nous nous arrêtons sur les places publiques devant la statue du président Carnot, devant celle de son grandpère Lazare. On sait que celui-ci fut élève du collège, puis du petit séminaire d'Autun dont il suivit le cours de philosophie, vers 1770, et qu'à la fin de cette année, le futur organisateur de la victoire se faisait déjà remarquer par une soutenance de thèse retentissante.

>> Un moment dispersés, nous nous retrouvons autour de la table de l'hôtel Sainte-Marie, avec la promesse d'un après-midi mieux rempli. Après le déjeuner, très gai comme de coutume, on se serait volontiers attardé dans le bien-être des causeries. Mais le signal du départ pour la Rochepot est donné. De suite, notre groupe s'émiette; les moins valides partent en voiture, les plus pressés en bicyclette, le plus grand nombre à pied; l'on va d'un bon pas, alertes, l'esprit curieux, de belle humeur. A certains cependant, la route de Moulins à Bâle qui court le long de collines aux molles ondulations, aux cultures uniformes, aurait pu paraître. un peu longue, si ce jour-là des bandes de vendangeurs disséminées dans les clos voisins et les lourds charretins que nous rencontrons portant des rondes débordantes de raisins n'étaient venues animer la mélancolie habituelle de ces coteaux solitaires. Nous parvenons au point culminant du chemin. A ce moment apparait soudain à nos yeux ravis, se détachant sur le pâle azur du ciel, à une distance d'un kilomètre environ, la blanche silhouette du château restauré par M. Carnot, étincelante sous

le soleil de midi. Devant nous l'horizon est maintenant tranquille, le paysage calme et recueilli. Un pieux artiste, contemporain des grands bâtisseurs du quinzième siècle, aurait-il pu rêver un cadre plus beau pour quelque scène mystique?

Nous rencontrons bientôt quelques maisons modernes, les premières du village; un peu plus loin, de vieux logis groupės le long de ruelles étroites et tortueuses, au pied de la roche que couronne la masse hautaine du château, naguère lui-même désolé, encore plus délabré que les pauvres masures qu'il dominait, mais alors presque aussi imposant dans ses derniers vestiges qu'au temps de sa splendeur sous les Pot et les Montmorency. Il appartenait à l'héritier d'un nom également illustre de rallumer dans la demeure abandonnée le foyer depuis longtemps éteint. En effet, notre collègue M. le capitaine Sadi Carnot n'a rien épargné pour restituer au château son ancienne physionomie, et pour y recueillir les souvenirs épars qui se rattachaient à son glorieux passé.

» Du village au château, la côte est un peu raide. Nous voici bientôt devant la porte, au milieu des chantiers remplis de nombreux ouvriers. M. Carnot nous attendait là. Avec la plus parfaite bonne grâce, s'improvisant immédiatement notre cicerone, il nous conduit à quelques pas de là, sur une petite éminence, à l'endroit même où s'élevait le château primitif. A celui-ci un autre succéda dès le douzième siècle, construit sur l'étroit plateau, situé un peu plus bas, à l'extrémité du rocher abrupt. Complètement remanié par Regnier Pot, trois siècles plus tard, modernisé dans la suite en quelques parties, ruiné par la Révolution, c'est ce même château du chambellan de Philippe le Hardi que nous avons devant les yeux, rétabli aussi exactement que possible en son état présumé du quinzième siècle.

>> Cependant notre petite troupe est impatiente d'en commencer la visite. A la suite de M. Carnot, nous nous approchons de la barbacane qu'il a eu l'heureuse surprise de découvrir, et qu'on est aujourd'hui en train de relever; elle nous révèle par sa forme combien minutieuses furent les précautions alors prises pour rendre difficile l'accès de la porte. Au fronton de celle-ci sont placées, comme il est naturel, les armoiries de Regnier Pot, le chef de la famille, qui donna au château de la Roche-Nolay son nom depuis célèbre. Du passage de la tour de la porterie, nous

pouvons déjà juger du goût qui a présidé à la restauration, par le soin avec lequel ont été remises en place les pierres de la construction ancienne qu'on a pu retrouver. Dans cet ensemble ressuscité, pas un détail, on le sent, qui n'ait été étudié avec amour. Mais nous n'avons pas le loisir de nous livrer à un examen approfondi ; nous envahissons bientôt la cour intérieure. Les uns admirent la vue qui de là s'étend sur le village; les autres se groupent autour du puits, surmonté d'une sorte de baldaquin en fer forgé, aux formes élégantes, travail presque comparable à l'œuvre du même genre des ferronniers du quinzième siècle, à l'hôpital de Beaune. Quelques instants après, nous nous pressons de nouveau autour de M. Carnot qui, avec une inlassable bienveillance, nous fait connaître les dispositions du château telles qu'elles étaient autrefois, telles qu'elles seront plus tard, une fois achevés les travaux en cours d'exécution. Nous regrettons de ne pouvoir donner de ces érudites explications qu'un résumé succinct:

«En 1893, date des premiers travaux entrepris à la Rochepot, » les ruines du château ne laissaient plus voir que la gaine d'un >> colombier carré, relié par de hautes murailles à deux tours >> rondes. Seule l'une de ces tours possédait intact son appareil cylindrique; l'autre était coupée en biais jusqu'à mi-hauteur. » Entre elles, un amas de ruines encombrait le front de gorge, » à l'emplacement des fossés.

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» Le premier travail consista à rendre habitable la grosse tour » ronde, par la réfection complète de sa tourelle d'escalier dont » toutes les marches avaient été arrachées. Il fallut ensuite débar» rasser le sol de l'ancienne cour, exhaussé de deux mètres par » les débris de toute sorte; le déblayage en dura deux ans. Enfin » des fouilles entreprises à l'extérieur firent retrouver successi»vement la double ligne de défense de la gorge, puis le fossé du pont-levis et, en dernier lieu, contre toute attente, une barbacane » extérieure qui avait eu son rempart écrété et ses souterrains » comblés avant la fin de la construction de l'ouvrage.

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» Sur ces données désormais certaines, il ne restait plus qu'à » consolider, réparer ou rebâtir conformément aux anciennes » traces et dans l'esprit de la construction exécutée au quinzième » siècle par Regnier Pot. C'est ce travail, dirigé par M. Charles

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» Suisse, architecte en chef des monuments historiques, qui a fait >> revivre la seconde tour ronde, puis la tour de la porterie avec sa » barbacane et le bâtiment trapézoidal bâti au quinzième siècle, » sur la chapelle construite en 1128. Les anciens fossés, comblés >> par les décombres, ont été vidés et font maintenant bien appa>> raître la hauteur de l'escarpe.

» Les deux autres faces du triangle jadis formé par le château » ont gardé l'aspect de ruines, mais les murailles en ont été » reprises en sous-œuvre et mises à l'abri de tout accident.

» L'ancien puits du douzième siècle, également déblayé, a » retrouvé sa profondeur de soixante-cinq mètres et son eau glacée. » Enfin les abords du château, fort encombrés jusqu'à ces dernières » années, commencent à se dégager et bientôt on verra le pied de » l'énorme roche qui supportait le donjon, et sous laquelle s'ouvre » une grotte profonde, dernière ressource des anciens défenseurs. »

>> Nous traversons rapidement les grandes salles et les chambres des tours. La bibliothèque, aménagée avec goût au-dessus de la chapelle, nous retient plus longtemps. Elle est éclairée par une large baie, décorée d'une éblouissante verrière, représentant à genoux Anne, dernière héritière des Pot, et son mari Guillaume de Montmorency; vis-à-vis, dominant l'immense salle, s'élève la statue du président Carnot. C'est dans ce sanctuaire élégant et sévère qu'ont été déposées les archives de famille; là aussi sont conservés de nombreux souvenirs relatifs à la Bourgogne et aux guerres de la Révolution; sur les rayons se voient exposés en bonne place quelques volumes reliés aux armes des derniers possesseurs. En les signalant à notre attention, en même temps que les fac-similés de documents précieux pour la Rochepot, notre aimable hôte, se prodiguant à nouveau, trace un croquis rapide de l'histoire de la forteresse. A notre grand regret, nous n'avons pu retenir de cette causerie savante que quelques noms très rares, que quelques dates éparses, du moins pour la période qui s'étend jusqu'au quinzième siècle.

» Vers l'an 1200, un prince de la maison de Bourgogne, Alexandre, frère puîné du duc Eudes III, était seigneur de la Roche-Nolay; il mourut en 1205. Il nous faut descendre jusqu'au 30 septembre 1286, pour trouver un autre seigneur de la Roche:

c'était un chevalier du nom de Guillaume, désigné alors comme exécuteur testamentaire de son frère Jacques, évêque d'Autun, celui-ci neveu et successeur sur le même siège d'un membre de cette même famille.

» A partir du quinzième siècle, la succession des maîtres du château est plus connue. De Louis de Savoie, prince de Morée, la seigneurie passa, le 15 septembre 1403, au restaurateur de la forteresse, Regnier Pot, qui, originaire d'une famille du Berry, fixée depuis plusieurs années déjà en Bourgogne, devint le chambellan de Philippe le Hardi, puis de Jean sans Peur. Son fils Jacques fut après lui possesseur du château, puis son petit-fils Philippe, le plus illustre de sa maison et l'un des. hommes les plus considérables de cette époque; à celui-ci, pour être vraiment grand devant l'histoire, il ne manqua peut-être qu'une grande âme. Filleul de Philippe le Bon, il fut comblé d'honneurs par ce prince et par Charles le Téméraire. Après la mort de ce dernier, tenu en suspicion par la cour de Bruges, il n'eut pas de scrupule à se laisser gagner à la cause de Louis XI qui, pour récompenser cette brusque volte-face, lui prodigua ainsi que son successeur titres et dignités. Au reste, orateur disert, il put obtenir le rétablissement du parlement de Dijon, supprimé par Louis XI; on sait aussi quel rôle prépondérant il joua aux États généraux de 1484, en se faisant, dans un discours célèbre, le champion des principes alors si nouveaux de la souveraineté nationale. Mais ce qui empêchera surtout sa mémoire d'être reléguée dans l'oubli, c'est le soin qu'il prit, suivant l'habitude du temps, de se faire élever de son vivant, probablement de 1477 à 1483, un somptueux mausolée dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste de l'église de Citeaux, où il fut inhumé. Il y était représenté le corps étendu sur une dalle, soutenue par huit deuils ou pleureurs, portant chacun au bras un écusson de ses alliances. » Ce tombeau, transporté à Dijon en 1793, fut d'abord déposé dans la cathédrale; acquis vers 1808 par le président de Vesvrotte, il resta entre les mains de ses descendants jusqu'en ces dernières années, époque à laquelle il entra au musée du Louvre. En diplomate toujours avisé, Philippe Pot s'efforça même de circonvenir l'opinion de la postérité sur le chanfrein de la dalle, qui porte le gisant primitivement doré, est gravée une

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