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lation sur ce cas indécis par la loi, comme Moïse consulta Dieu sur l'héritage des filles de Salphaad, sur l'homme qui amassoit du bois au jour du sabbat, et sur plusieurs autres questions, touchant lesquelles il n'y avoit rien d'écrit. Quoiqu'elles fussent moins importantes que celle du sacerdoce ne l'eût été, Moïse ne crut pas pouvoir dire : Il est indubitable. Au contraire, il douta humblement, et attendit la décision expresse d'en haut.

Si M. Jurieu veut encore revenir à ces premiers nés qui offroient les sacrifices avant la loi de Moïse, deux choses doivent l'arrêter; l'une, qu'il y a une extrême différence entre le culte de la loi de nature, où les familles étoient libres d'offrir une portion de leurs biens à Dieu par les mains de leur chef auquel ils appartenoient, et un culte public que Dieu institue dans une loi écrite. Ce que les hommes font d'eux-mêmes peut être fait comme ils le jugent con→ venable; mais ce que Dieu institue solennellement dépend uniquement de son institution, et ne dépend point du choix des hommes : tout ce qui leur reste à faire, c'est d'obéir sans raisonner; et de n'outrepasser jamais le pouvoir que l'institution leur accorde.

L'autre remarque à faire, est que si les aînés des familles étoient sacrificateurs sous la loi de nature, M. Jurieu n'est point en droit de supposer que cette disposition si sage et si digne de Dieu ne venoit pas de lui. Sans doute dans ces temps, où les visions célestes étoient si communes parmi les justes, Dieu avoit fait voir qu'il approuvoit ce culte; et ce n'est point à nous à en donner des preuves, comme nous en demandons à M. Jurieu de ce qu'il avance; car

quoique nous ayons raison de lui demander des preuves littérales de ce qu'il attribue à la loi écrite par Moïse, il auroit tort de nous demander quelque chose d'écrit pour les circonstances du culte sous la loi de nature, qui n'a jamais été écrite. Enfin il est certain que le détail du culte pratiqué sous cette loi de nature n'étant ni écrit ni connu à notre siècle, M. Jurieu ne peut en tirer aucun avantage.

Pour les prophètes dont les Protestans nous opposent le ministère, nous répondons que plusieurs d'entre eux étoient lévites ou prêtres, comme Samuel et Jérémie, et que ceux qui ne l'étoient pas, prouvoient leur ministère extraordinaire par l'accomplissement de leurs prophéties et par leurs miracles. La règle qu'ils donnoient eux-mêmes pour connoître les vrais prophètes, étoit de voir si leurs prédictions s'accomplissoient. Leurs œuvres toutes divines rendoient témoignage d'eux.

Mais quoiqu'ils eussent une mission si miraculeusement autorisée, ils n'étoient pourtant donnés au peuple que pour l'exhorter et le consoler. Le ministère ordinaire n'étoit point interrompu. Jamais ils n'entreprenoient de le redresser en faisant de nouveaux prêtres; jamais ils ne songèrent à combattre la doctrine que la Synagogue enseignoit alors. Ils condamnèrent seulement, de concert avec elle, l'idolâtrie et les autres égaremens où heaucoup de particuliers tomboient contre leur propre foi. Que les réformateurs protestans nous montrent une mission aussi miraculeuse que celle des prophètes. Encore faudra-t-il qu'ils se contentent, comme eux, de travailler simplement à la réformation des abus, des

vices et des erreurs des particuliers, sans contredire le corps de l'Eglise sur les points de foi, et sans changer l'ancien ministère.

M. Jurieu compte encore comme un exemple qui nous est contraire, celui de Jésus-Christ et de ses apôtres, qui, n'ayant point reçu l'ordination judaïque, prêchoient dans les synagogues sans que le peuple juif si cérémonieux s'y opposât. Mais que veut-il prouver par là? que les Juifs croyoient que tout particulier pouvoit s'ériger en pasteur au préjudice du ministère ordinaire? Il n'oseroit leur imputer cette doctrine. Il doit donc reconnoître que c'étoit quelque autre raison qui faisoit qu'on écoutoit JésusChrist et ses apôtres dans les synagogues. Pour JésusChrist, ses miracles le faisoient regarder comme un prophète. Un grand prophète, disoient-ils (1), s'est élevé parmi nous. Pour les apôtres, nous ne voyons pas qu'on leur ait indifféremment déféré la parole. Saint Paul et saint Barnabé, qu'on laisse parler (2), avoient quelque chose de particulier. L'un étoit lévite; l'autre, nourri aux pieds de Gamaliel, s'étoit acquis une grande autorité dans les synagogues, et pouvoit même être docteur de la loi. Tout cela entre dans la mission ordinaire. Mais n'est-il pas naturel de croire que quand il n'étoit question que de chercher le sens de l'Ecriture, ou de s'édifier les uns les autres par quelque exhortation, le grand prêtre ou le président de la Synagogue invitoit les personnes éclairées, surtout les étrangers, à communiquer à l'assemblée ce qui les édifioit? Quel rapport avoit cette fonction de charité avec le ministère sacerdotal? (1) Luc. vII. 16. — (2) Act. XIII. 15.

Cet usage convenoit fort aux apôtres, dont les miracles et les vertus ne montroient rien que de prophétique et d'extraordinaire. Les peuples en étoient frappés. Les prêtres et les docteurs mêmes vouloient les examiner et les éprouver jusques à ce que la Synagogue les eût absolument rejetés. Mais enfin la liberté qu'on leur donna de parler, pour savoir s'ils étoient de vrais prophètes extraordinairement suscités, ne peut montrer qu'on déférât le ministère de la parole, et moins encore celui du sacrifice, à tous ceux qui entreprenoient l'exercice du ministère sacré.

CHAPITRE XIII.

Des exemples de l'histoire ecclésiastique.

M. Jurieu nous objecte qu'à la naissance de l'Eglise les disciples dispersés «< alloient çà et là annonçant la » parole de Dieu. Il n'y a pas d'apparence, ajoute-t-il, » que tous ces dispersés eussent reçu l'ordination. » Remarquez que l'histoire sacrée fait seulement entendre que cette dispersion servit à répandre l'Evangile, parce que les dispersés le publièrent. Elle ne dit pas que tous l'annoncèrent : il suffit qu'un grand nombre d'entre eux l'ait fait. Et comment M. Jurieu sait-il que tous ceux qui le firent n'étoient point ordonnés? Si on dispersoit maintenant dans des pays infidèles les peuples catholiques qui composent nos églises, sans doute nos chrétiens dispersés annonceroient çà et là Jésus-Christ: mais s'ensuit-il que le peuple usurperoit la fonction de nos pasteurs? Non. Cette expression

expression seroit véritable dans toute la rigueur de la lettre, pourvu que nos pasteurs, dispersés avec leurs peuples, prêchassent l'Evangile dans les nations infidèles où ils seroient réfugiés. On dit communément : Les catholiques disent la messe tous les jours. Il ne s'ensuit pas que tous les catholiques la disent: cette expression signifie seulement qu'elle est dite tous les jours chez les catholiques par ceux qui sont prêtres. De plus, comment peut-on nous objecter ce qui est conforme à nos principes et à notre usage le plus vulgaire? Selon ces principes et cet usage, les simples laïques ont pu annoncer la parole de Dieu dans les lieux où ils se réfugioient. Il ne faut point être pasteur parmi nous pour catéchiser : des laïques, et même des femmes, le font tous les jours. On peut encore insinuer la religion dans des conversations familières: mais ce qui demande, selon nous, l'imposition des mains, c'est la prédication solennelle de l'Evangile dans la célébration des mystères, comme les anciens pasteurs la pratiquoient. C'est le ministère de la parole, joint à l'administration des sacremens. Ce ministère, composé de toutes ces fonctions, étoit-il exercé par les chrétiens dispersés dont parle M. Jurieu? Demandons-le à M. Jurieu lui-même. « Nous ne savons, dit-il, s'ils administrèrent des sa» cremens. Peut-être ne le firent-ils pas. » Puisqu'il n'en sait rien, pourquoi donc ose-t-il opposer des faits si vagues et si incertains selon lui-même, à des preuves si précises et si convaincantes que nous donnons de notre doctrine? Après cela, M. Jurieu n'allègue plus contre nous que les exemples tirés du sixième livre de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe. FÉNÉLON. II.

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