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BR 325 A q

1856

v. 3

HISTOIRE

DE LUTHER

CHAPITRE PREMIER

DISPUTE DE LUTHER AVEC CARLSTADT

1524.1525

L'extinction de la guerre des paysans n'a pas rendu la paix à Luther. - Nouvelles disputes qui naissent du principe du libre examen. — Réapparition de Carlstadt. - Pamphlets divers qu'il écrit pour ruiner la symbolique wittembergeoisc. Naissance du sacramentarisme. — Luther, à léna, prêche contre les prophètes.-Défi porté par Carlstadt à Luther. Dispute des deux théologiens sur la cène à l'auberge de l'Ours noir. - Luther à Orlamunde, où il retrouve Carlstadt. Aux prises avec un cordonnier. Il est chassé d'Orlamunde. - Carlstadt a donné le signal de nouvelles révoltes contre Luther. -- Hardiesses du rationalisme.

La révolte des paysans était comprimée : le château avait vaincu la chaumière; mais tout n'était pas fini pour Luther. Sur le sang de cent mille rustres versé dans l'Al

Rusticorum res quievit ubique, cæsis ad centum millia, tot orphanis factis reliquis verò in vitâ sic spoliatis, ut Germaniæ facies miserior nunquam fuerit. - Epistola Lutheri ad Briesmann, in Act. Boruss., t. I, p. 800.

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lemagne, flottait le code du libre examen que le moine saxon avait apporté aux peuples teutons, et qui devait entretenir incessamment les factions religieuses ou politiques. Carlstadt, soldat aussi couard que piètre théologien, un moment s'était mêlé en Franconie parmi les révoltés, qu'il avait abandonnés au premier coup de canon, en se débarrassant de ses habits de guerrier, de sa cape de paysan et de son chapeau de feutre1, pour reprendre son premier métier de pamphlétaire. Noircir du papier était sa vocation; jeter de l'encre à la tête de Luther ou de ses disciples, sa joie et son amusement. Il écrivait la nuit et le jour et imprimait lui-même les élucubrations de son cerveau malade. Il venait de publier deux dissertations destinées à combattre les doctrines de l'école wittembergeoise : l'une sur le péché, l'autre sur la résignation chrétienne 3.

Dans la première il traite de la volonté divine. A Dieu il donne deux volontés : la volonté de l'éternité, la volonté du temps; l'une opère le bien, nous illumine et nous attire au Christ; l'autre opère le mal et s'accommode aux penchants du cœur. Qui parvient à accomplir la volonté de l'éternité ne peut vouloir que ce que Dieu veut. Ce n'est jamais par la pratique extérieure qu'on obéit à la volonté de l'éternité. Dieu est un esprit, c'est donc en esprit qu'il doit être servi; c'est à l'essence et non à l'écorce de la lettre qu'il faut s’attacher la lettre est un tombeau*.

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Dans son second opuscule, il poursuit son argument

1 Bensen, der Bauernkrieg in Ostfranken, p. 79.

* Von Mannigfaltigkeit des einfältigen einigen Willen Gottes: Was Sünd sei. Andreas Bodenstein von Carlstadt. Ein neuer Lay.

3 Was gesagt ist, sich gelassen, und was Wort Gelassenheit bedeute, und was in Heiliger Schrift begriffen.

Gott ist ein Geist, deshalben muß sich die geschaffene Creatur mit und durch den Geist mit Gottes ungeschaffenen Geist vereinen. Demnach mag und soll ein Jeder den Geist des Buchstabens, und nicht die Rinden oder Schalen des Buch. stabens ergründen.

spiritualiste et s'élève avec force contre la foi luthérienne. Il soutient que la foi ne peut exister sans l'amour : la foi sans l'amour est une foi de cadavre, une foi de papier; la foi, comme l'amour, ne doit jamais procéder de la crainte du châtiment, et ni l'une ni l'autre ne doivent aspirer à la récompense.

Mais c'est dans sa théorie en deux parties sur l'eucharistie, pamphlets d'une extrême virulence, qu'il s'étudie surtout à ruiner l'impanation de Luther.

Dans l'un il cherche à démontrer que c'est une grossière erreur de croire que la participation à la cène puisse opérer la rémission des péchés la foi seule, unie à l'amour, peut réconcilier le pécheur avec Dieu. Si le sacrement opérait la rédemption, il s'ensuivrait que le sang du Christ répandu sur la croix n'a été d'aucune utilité à l'humanité déchue. On ne saurait accorder à du pain et à du vin le pouvoir de relever l'homme de sa déchéance1.

Dans l'autre il examine les paroles de l'institution de la cène. Si l'on s'en rapportait, dit-il, à l'exégèse de Luther, le Christ, au lieu de son sang pour racheter l'homme, n'aurait donné qu'un pain fait de la main d'un boulanger. Le Christ a parlé au futur et non pas au présent. Au repas eucharistique il n'avait pas encore répandu son sang ce qu'il a dit ne se rapporte donc pas à la cène. S'il avait voulu énoncer que son corps est réellement sous les espèces du pain et du vin, il se serait expliqué en termes clairs et formels, surtout si l'on admet qu'il a voulu faire un article de foi de sa présence dans le pain et le vin.

Il est inutile de relever tout ce qu'il y a dans cette déduc

1 Von dem widerchriftlichen Mißbrauch des Herrn Brod und Kelch. Ob der Glaube in das Sacrament Sünde vergöbe, und ob das Sacrament ein Arrabo oder Pfand sei der Sünde Vergebung.

2 Ob man mit Heiliger Schrift erweisen möge, daß Christus mit Leib, Blui und Seele im Sacrament sei.

tion de faux et de ridicule. Luther eut raison d'en rire, sans se dissimuler pourtant que le trope de son professeur avait de grandes chances de succès en Allemagne et surtout en Suisse. « Vous ne sauriez croire, écrit-il à Amsdorf, combien le dogme de Carlstadt fait de progrès1. » Reinhard, à léna; le curé de Cala; Strauss, à Eisenach, le prêchaient publiquement; à Wittemberg il avait fait de notables conquêtes; Nuremberg l'avait adopté; à Heidelberg, Martin Frecht l'enseignait, mais avec quelques précautions oratoires; plus hardis, Capiton, Bucer et Othon Brunfels, à Strasbourg, se ralliaient à l'opinion de l'archidiacre. A Zurich, Zwingli, après avoir connu l'exégèse carlstadienne, allait transformer en dogme la présence figurative du Christ dans le sacrement". Tous ces désordres intellectuels éclataient au milieu de la guerre des paysans contre leurs seigneurs. L'activité merveilleuse de Luther n'est pas un moment en défaut. Pendant que le canon tonne, il fulmine ses manifestes contre les révoltés, et se promène de ville en ville pour étouffer les germes d'une hérésie menaçante.

Au moment où une folle étude du texte sacré découvrait à Carlstadt le sens caché des paroles de la cène, un ange, comme on sait, en révélait le mythe à Zwingli. Alors naquit la secte des sacramentaires, qui nient la présence réelle dans le sacrement eucharistique, et l'oblation en chair et en sang du corps de Jésus-Christ dans la communion. Si les conditions de l'intuition de la vérité sont telles que les exige Luther, il faut admettre le témoignage de Zwingli.

1 Luther's Briefe, octob. 1824. - De Wette, t. II, p. 557. 2 Ibid., ib.

Melancht. Spalatino, decemb. 1524. Corpus Reform., t. I, p. 369, Nosti vulgus. Et hoc dogma arridet sensui communi.

Martin Frecht an Wolfgang Richard in Ulm, 1524, in Beefenmayer's Sammlung von Aufsägen, p. 182.

5 Oecolampad an Zwingli, 21 nov. 1524. - Ep. Zwingli, t. I, p. 369.

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