Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pouvaient obéir à un décret si hostile aux vérités évangéliques, et ils en appelèrent du concile général à l'empereur et à tout juge non suspect. Ce jour-là les réformés reçurent. le nom de PROTESTANTS, qu'ils adoptèrent comme un nom glorieux'.

La diète avait demandé et voté des subsides pour la guerre contre les Turcs: les catholiques apportèrent de l'or, les protestants en refusèrent; mais l'or des catholiques n'était pas assez abondant pour arrêter Soliman. Sest deux cent mille hommes s'avancèrent donc dans la Hongrie, et, le 26 septembre 1529, allèrent planter leurs échelles contre les murailles de Vienne. C'est une tache ineffaçable pour le protestantisme que le lâche abandon de ses frères. En présence d'un péril qui menaçait la croix de Jésus, tout dissentiment eût dû cesser. La patrie était en danger, le nom chrétien allait être effacé et l'islamisme triompher, si derrière ces murailles battues en brèche n'avaient combattu des cœurs généreux. Honneur à ces chef's vaillants, Philippe, comte palatin, Nicolas de Salm, Guillaume de Regendorf, et à cette population de vieillards, de femmes et d'enfants qui, en proie à la famine, aux maladies, à la peste, car tout se réunissait pour les accabler, ne désespérèrent pas du ciel, et chassèrent jusqu'à Constantinople l'armée de Soliman! Après Dieu, ils durent ce succès à leurs bras, car l'empereur, l'empire et ses princes les avaient abandonnés. Une voix, celle de Luther, avait crié Paix aux Turcs! qui avait été plus forte que la voix de la patrie en pleurs et de la croix du Christ. Que le lecteur prononce entre les réformés et les catholiques! qu'il dise dans quelles veines coulait le sang chrétien!

:

Le jour même où Soliman comptait changer en mosquée l'église de Saint-Etienne, les députés de la minorité en

Sleidan, lib. VI.

traient dans le camp de Charles-Quint, alors à Bologne, et lui présentaient leur protestation1.

« Dieu vous jugera, dit l'empereur vous avez refusé le secours de vos bras et de votre argent à vos princes assiégés, et vous avez violé une loi fondamentale de l'empire2. >>

Et il les congédia en leur promettant d'aller bientôt avec toutes ses forces régler les affaires d'Allemagne3.

Il y a dans Luther des instabilités que les historiens catholiques constatent avec soin, sans en sonder les causes. Ainsi, au sujet de la guerre contre les Turcs, s'attachentils à décrier ses mobiles opinions, afin de faire le procès à cet esprit saint dont il se disait l'organe argument scolaire, admirable sur les bancs d'un couvent! Mais ces antilogies annoncent autre chose que la misère ou le désespoir d'une intelligence.

En 1520, Luther affiche sur les murs de l'église de Tous-les-Saints que les Turcs sont des instruments de la colère de Dieu; que se révolter contre eux, c'est désobéir à la Providence'. Il va son chemin et continue d'enseigner cette doctrine, que ses adversaires traitent d'absurde.

n'a

En 1521, il ne veut pas qu'on donne une obole pour repousser ces ennemis de notre foi, qui valent mieux, à son sens, que les papistes, et ce n'est pas sa faute si le Danube pas porté jusqu'à Pesth les cadavres catholiques. Mais en 1528, dans son traité de Bello turcico3, qu'il adresse au landgrave de Hesse, comme il flagelle « ces misérables histrions, demi-hommes, demi-démons, qui s'en vont sur les places publiques, dissuadant le peuple de

1 Hist. Hung., lib. X.

2 Guicc., lib. XIX.

3 Ibid.

* Præliari adversùs Turcas est repugnare Deo visitanti iniquitates nostras. De Bello turcico, Landg. Hes IV. Ienæ, p. 450 ad 431 a b.

prendre les armes contre les Ottomans, et qui enseignent dans les carrefours qu'un chrétien ne peut porter l'épée ou exercer de magistrature politique! » justement ce qu'il proclamait sur les toits hier encore dans son livre de la Magistrature séculière1!

Tout ceci est facile à expliquer :

Jusqu'en 1528, Luther avait besoin d'occuper la maison d'Autriche, son implacable ennemie. Les troubles sont une bonne fortune pour Luther. La guerre des paysans entravera l'exécution de l'édit de Worms, et lui servira à répandre ses doctrines, à soulever les populations, à changer la liturgie, à remuer les couvents, à exciter la convoitise des moines, à faire parler le « démon de la chair. >>

L'empereur en Italie, Luther peut travailler sans crainte à son œuvre; que Charles retourne en Allemagne, Luther doit s'inquiéter. Donc voici le moment pour lui de formuler son code politique, où on lira : qu'un chrétien ne peut, sans péché, porter le glaive, ou exercer une magistrature séculière. Si le prince, pour l'exécution de ses édits, a recours à la force, il n'y aura plus aux yeux du réformateur que des bourreaux et des martyrs les bour

De Magistratu seculari, t II. Ienæ, 189.

:

2 Quòd in Germaniâ quosdam audiat inveniri futiles et ineptos concionatores qui populum ab armis contra Turcam capiendis dehortentur : quosdam verò ad eam insaniam provectos, ut dicant, non licere portare gladium christianis, vel politicum gerere magistratum : quin Germaniæ populum adeò ferum et agrestem esse, semidæmones et semihomines ut non desint qui Turcarum adventum desiderare videantur. Op. Luth. Ienæ, t. IV,

p. 430-431. Ulenberg, Vita, etc., p. 350.

Ne ullâ ratione sequamur eos principes catholicos vel ad pugnandum, vel ad contribuendum contrà Turcam. Quandòquidem Turca decuplò prudentior est et justior quàm nostri principes. Wittemb., t. IX, fol. 197.

Quemadmodùm et gladii jurisve civilis præsidio nemo christianus uti, vel politici judicis officium ad justitiam administrandam implorare possit aut debeat; imò quisquis id facit, quisquis litigat in judicio, sive de bonis temporalibus controversia sit, sive de honore, eum (asserit) non christianum, sed sub Christi nomine gentilem esse vel infidelem. Ienæ, t. II, fol. 189. De Magistratu seculari.

reaux, on devine que ce sont les juges; les martyrs, les révoltés.

Sa doctrine grandit. Elle a conquis des villes, des duchés, des électorats, des royaumes. Il faut bien au nouveau culte une police, c'est-à-dire un glaive. Nous venons de voir qu'il voulait l'ôter de toute main chrétienne; aujourd'hui il en arme ses magistrats. L'Ecriture se ploie à ses caprices. Comme elle lui avait tour à tour dénié et octroyé le purgatoire, la prière pour les morts, la confession et la messe, elle lui rendra l'épée qu'elle lui avait retirée. Voilà sa société constituée et son glaive levé, dont il menace à la fois et le Turc et le mauvais chrétien qui ne veut pas combattre l'infidèle.

En 1521, c'est un crime de donner une obole pour faire la guerre aux Turcs: il avait besoin des Turcs.

En 1528, damnation à ces orateurs de tabagie qui détournent le peuple de s'armer contre les infidèles : il avait peur des Turcs.

En 1522, porter un glaive ou s'en servir, c'est renverser les lois constituantes d'une société chrétienne : il avait peur du glaive.

En 1528, le glaive est un attribut chrétien du pouvoir : il avait besoin du glaive1.

Il disait des Turcs: Le Turc est à Rome, ainsi que nous le démontre la prophétie de Daniel; mais il ne régnera pas au delà de deux cents ans. — Tisch-Reden, trad. par M. Brunet, p. 60.

J'aimerais mieux avoir les Turcs pour ennemis que les Espagnols pour protecteurs. Ib., p. 68.

Quelqu'un s'écriait : Que Dieu nous préserve des Tures! - Non, dit Luther, il faut qu'ils viennent nous châtier, et ils nous secoueront d'importance. Ib.,

p. 68.

CHAPITRE VII

CATHERINE BORA

Origine de Catherine Bora. -Son portrait par Werner et par Kraus. - Luther fut-il heureux en ménage?

Caractère de Bora. Scènes d'intérieur.

Catherine de Bora ou de Bore 1, issue, du côté maternel, de la noble famille de Haubitz, naquit le 29 janvier 1499. Ses parents étaient pauvres; elle fut mise, à vingt-deux ans, au couvent de Nimptschen, de l'ordre de Saint-Bernard, près de Grimma, sur la Mulde, le 4 avril 1521. Il paraît que la vie claustrale ne convenait guère à la jeune fille, qui, s'étant vainement adressée à ses parents pour sortir du couvent, eut l'idée d'intéresser en sa faveur le docteur de Wittemberg. Catherine avait su gagner huit autres religieuses, ennuyées comme elle des austérités de la commu

Ce nom est écrit dans le Dictionnaire de la noblesse (Adels-Lexicon), Bora, Borrha, Borna et Borne, p. 196. — Le vieux poëte allemand Nicolas Menck, cordonnier de son métier, a chanté la jeune fille sous le nom de Bora :

Cathrin von Bora bin ich genannt,

Gebohren in dem Meißner Land.......

« ZurückWeiter »