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- A la vôtre, dit Carlstadt. Mais cela est bien convenu, sous condition que vous ne tourmenterez plus mes pauvres imprimeurs, et que, l'affaire vidée, vous ne mettrez aucun obstacle au nouveau genre de vie que je veux embrasser; car, notre querelle terminée, je veux vivre en labourant la terre.

LUTHER. Ne craignez rien, je laisserai en paix vos imprimeurs, puisque c'est moi qui vous provoque à m'attaquer; je vous ai donné un florin pour ne pas m'épargner; plus l'attaque sera vive, plus je serai content de vous '.

CARLSTADT. Que Dieu vous soit en aide, je tâcherai de vous contenter. >>

Cela dit, ils se touchèrent la main et se séparèrent *.

Luther quitta léna et partit pour Cala, où la population venait de briser le crucifix; Luther en ramassa les débris, puis il monta en chaire et prêcha sur les prophètes et sur l'obéissance aux magistrats.

Il prit ensuite la routé de Neustadt, et arriva le 24 août à Orlamunde, où il était attendu avec impatience. Il avait envoyé Wolfgang Stein au bourgmestre de la ville, pour le prier de convoquer le conseil et les citoyens, afin de conférer avec eux selon qu'ils en avaient manifesté le désir.

Le bourgmestre sortit, accompagné des magistrats, pour recevoir et complimenter le docteur aux portes de la cité. La figure du moine était sévère et presque colère. Il n'ôta pas son bonnet carré pour saluer ses hôtes, et se contenta d'incliner légèrement la tête. Le bourgmestre allait le haranguer, mais il l'interrompit sous prétexte qu'on aurait

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1 Il est évident que Luther manqua à sa parole: l'école protestante en convient.

- Ienæ,

* Ulenberg, Vita et res gesta Martini Lutheri, cap. x, fol. 229–242. Ulenberg, 1. c., p. 243. - Op. Luth. Witt., t. IX, p. 214. t. I, p. 466.

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le temps de discourir au prétoire. Luther entra à Orlamunde, dans un char que suivaient de chaque côté les magistrats et les conseillers.

Au prétoire, le bourgmestre reprit sa harangue, remercia Luther, au nom du conseil et du peuple, de ce qu'il avait bien voulu venir les visiter, et le pria de prècher la parole de Dieu.

Luther répondit qu'il n'était pas venu à Orlamunde pour prêcher, mais pour conférer avec le conseil et le peuple au sujet de quelques lettres qu'il avait reçues.

On se mit à table, on fit venir de la bière. Luther et les assistants échangèrent, suivant la coutume allemande, de nombreux toasts. Le bruit de l'arrivée de Luther s'était répandu dans la ville. On vit bientôt accourir une foule de citoyens qui désiraient voir et entendre le docteur de Wittemberg. Les uns et les autres le priaient de prêcher, car, disaient-ils, «nous savons que nous vous sommes suspects, et que vous accusez notre foi; montez donc en chaire, et, si votre parole est une parole de vérité, nos yeux se dessilleront et nous confesserons nos erreurs.

Je ne suis pas venu pour prêcher, » dit Luther. Et, tirant de sa poche une lettre qu'il avait reçue le 17 du mois : « Dites-moi, demanda-t-il, de qui est ce cachet?

- Ce sont les armes de la ville, répondit le bourgmestre. -Cette lettre, reprit Luther, n'est-elle pas de Carlstadt, qui, sans doute, pour mieux me tromper, aura mis le sceau d'Orlamunde?

C'est bien la lettre, ajouta le bourgmestre, que nous vous avons adressée, je la reconnais. Carlstadt n'en a pas écrit ou dicté une syllabe, et le sceau de la ville est trop bien gardé pour qu'on puisse soupçonner qu'il s'en soit emparé 1. >>

Ulenberg, 1. c., p. 244 et suiv.

Opera Lutheri. Ienæ, t. II, p. 266.

Luther, impatienté, ouvrit la lettre et en fit lecture. <«< La paix de Dieu par le Christ notre Sauveur. Cher frère, à son retour de Wittemberg, André Carlstadt, notre pasteur, nous a appris que du haut de votre chaire vous invectiviez contre nous et nous représentiez comme des es- ́ prits de désordre et d'erreur, bien que vous ne nous ayez jamais visités ou entendus. Vos écrits prouvent que notre pasteur ne nous a pas trompés. Dans l'un de vos pamphlets, dans celui que vous adressez aux princes saxons, ne menacez-vous pas de votre mépris ceux qui, fidèles au précepte de Dieu, ne veulent ni de muettes idoles, ni d'images païennes? Chrétiens que vous peignez sous des couleurs que vous avez bien pu trouver dans votre cerveau, mais jamais dans l'Ecriture. Nous qui sommes les membres du Christ et la vigne du Père, nous ne saurions regarder comme la chair de Jésus celui qui, au lieu de nous reprendre dans un esprit de charité, nous déchire de ses poignantes ironies!

<< Au nom de Dieu, nous vous en conjurons, ne flétrissez pas ainsi ceux qui ont été rachetés au prix du sang de Jésus, le fils unique de Dieu. — Voyez, direz-vous, ces disciples du Christ, qui ne peuvent pas supporter le moindre reproche, eux qui se disent les enfants de celui qui a tant souffert! Cela est vrai. Mais ne savez-vous pas, vous, que Jésus rudoyait énergiquement les scribes et les Juifs qui passaient pour justes, et qu'il a prié pour ses bourreaux? Nous sommes prêts, du reste, à rendre compte, partout où vous nous appellerez, de notre foi et de nos œuvres. En attendant, venez nous visiter; venez conférer avec nous, et, si nous nous trompons, retirez-nous de l'erreur par des paroles de douceur et de charité, au nom de Jésus et de la gloire de sa sainte Eglise. Répondez-nous dans un esprit de paix. Orlamunde, 17 août 1524. »>

« Vous voulez, dit Luther, que je vous dise en quoi vous

avez péché. C'est d'abord en donnant le nom de pasteur à Carlstadt, auquel ni le duc de Saxe ni l'académie de Wittemberg n'ont jamais reconnu ce titre.

Mais, dit un des conseillers, si Carlstadt n'est pas notre pasteur légitime, la doctrine de saint Paul est un mensonge, et vos livres une déception; car nous l'avons choisi et élu, comme le témoignent nos missives à l'académie de Wittemberg. >>

Luther ne répondit rien1; mais, passant à un autre endroit de la lettre :

« Vous avez pêché, en second lieu, en renversant les images et les statues. >>

Il allait continuer, quand entra Carlstadt, qui vint prendre place parmi les assistants après avoir salué Luther. «< Docteur, dit-il en le saluant de nouveau, avec votre permission, je viens me mêler à l'entretien.

C'est ce que je ne souffrirai pas, dit Luther.

- Comme vous voudrez, docteur.

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Non, non, vous êtes mon ennemi, mon adversaire, je vous récuse; ne vous ai-je pas donné un florin d'or?

- C'est vrai, docteur, adversaire et ennemi de quiconque prendra Dieu à partie et combattra contre le Christ et la vérité.

- Laissez-nous donc, reprit vivement Luther, nous n'avons pas besoin de vous ici.

- Mais n'est-ce donc pas une action publique? demanda l'archidiacre, et, si vous avez la vérité pour vous, pourquoi avoir peur de moi?

C'est que vous m'êtes suspect, reprit Luther, vous seriez juge et partie.

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Suspect ou non, je ne me constitue pas votre juge :

Ulenberg, 1. c., p. 247.

Op. Luth. Witt., t. IX, p. 214.

un ennemi, parmi vos adversaires, qu'est-ce que cela fait? >>

Alors Wolfgang Stein, se tournant vers l'archidiacre : « Docteur, lui dit-il, laissez-nous, de grâce, allez-vous-en. - Ètes-vous mon maître, dit Carlstadt, pour me parler ainsi? Montrez-moi les ordres du prince. »

Luther, impatient, fit signe à son cocher d'atteler les chevaux, et menaça de quitter Orlamunde si Carlstadt ne se retirait.

Quelques assistants entourèrent l'archidiacre, lui parlèrent bas à l'oreille, et Carlstadt quitta la salle.

Luther reprit alors son discours, et soutint que jamais, soit en chaire, soit dans ses écrits, il n'avait parlé des habitants d'Orlamunde, et qu'il avait bien autre chose à faire à Wittemberg que de s'occuper d'eux.

<< Cependant, dit le secrétaire de la ville, vous avez comparé, dans plus d'un libelle, à des esprits de ténèbres, ceux qui proscrivent les images; comment ne nous serions-nous pas reconnus, puisque nous avons renversé de nos mains les statues de nos temples? Vous mentez donc, docteur1?

- J'ai parlé en général, reprit Luther; il y a d'autres cités que la vôtre qui ont fait la guerre aux images; vous m'accusez à tort, votre lettre est insultante. Vous m'y déniez un titre d'honneur que les princes, les grands, le peuple et jusqu'à mes ennemis m'accordent. La suscription porte. Au docteur chrétien Martin Luther, et, dans le courant de la lettre, vous me traitez comme si je n'étais pas chrétien.

- Nos expressions sont polies et fraternelles, dit le bourgmestre.

Citez donc, ajouta avec emportement un homme du peuple, une seule expression outrageante!

1 Interim verò mendacium fuit quo nos tetigisti quando cum vertiginosis spiritibus nos conjungebas. - Ulenberg, 1. c., p. 249.

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