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La doctrine de Zwingli avait le double avantage de ne pas révolter les sens, et de froisser beaucoup plus le dogme catholique que l'impanation luthérienne. Or la haine du papisme était le grand argument de Zwingli contre la présence réelle.

«Misérable argument, dit Luther. Niez donc alors l'Écriture; car nous l'avons reçue de la papauté! ridicule folie le Christ parmi les Juifs trouva des scribes et des pharisiens, et il ne rejeta pas tout ce qu'ils enseignaient. Avouons que dans la papauté il y a des vérités de salut, oui, toutes les vérités de salut dont nous avons hérité; car c'est dans la papauté que nous trouverons les vraies Écritures, le vrai baptême, le vrai sacrement de l'autel, les vraies clefs qui remettent les péchés, la vraie prédication, le vrai catéchisme qui renferme l'Oraison dominicale, les articles de foi, les dix préceptes, j'ajoute le véritable christianisme1!» Noble aveu que fait ici Luther et qui devrait

nicæ. - Hoc est corpus meum quod do vobis animo edendum, sicut panem ore Petrus Martyr, in Tractatu de Eucharistià. — Hoc est corpus meum panis Campanus à Luthero notatus in confessionc de Eucharistiâ. - Hoc est mysticum corpus meum, seu Ecclesia sanctorum redempta meo corpore: Bulling., in Tractatu de Ecclesiâ, Sacramentis; Calvinus, in cap. v ad Ephes. Hæc cœna est tessera et arrhabo corporis mei : Stancarus. Hoc est corpus meum in divinitatem transformatum : Schwenckfeld. - Hoc est corpus meum si fides adsit, hypotheticè Melanchth.

Sacramentarii verum panem et vinum habere volunt in despectum papæ, arbitrantes se hoc pacto rectè subvertere posse papatum. Profectò frivolum est hoc argumentum suprà quod nihil boni ædificaturi sunt. Hoc enim pacto negare eos oporteret totam quoque Scripturam sacram et prædicandi officium hoc enim totum nimirum à papâ habemus. Stultitia est hoc totum. Nam et Christus in gente judaicâ invenit Pharisæorum abusus : non tamen proptereâ rejecit quod illi habuerunt et docuerunt. Nos autem fatemur sub papatu plurimum esse boni christiani, imò omne bonum christianum, atque etiam illinc ad nos devenisse. Quippè fatemur in papatu veram esse Scripturam sacram, verum baptismum, verum sacramentum altaris, veras claves ad remissionem peccatorum, verum prædicandi officium, verum catechismum, ut sunt Oratio dominica, articuli fidei, decem præcepta. Dico insuper in papatu veram christianitatem esse, imo verum nucleum christianitatis esse De rebus Eucharistiæ controversis per Cl.

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nous réjouir, si demain, placé en face des catholiques, le moine n'était prêt à renier les paroles dont il foudroie Zwingli.

Il fut un temps où Luther aurait voulu se servir de l'argument de haine si familier aux zwingliens, c'était quand il écrivait : « Il y a cinq ans, si Carlstadt, ou un autre, eût pu me démontrer qu'il n'y a que le pain et le vin dans le sacrement, il m'aurait rendu un grand service: cela aurait fait un fameux pouf à la papauté; mais il n'y a rien à faire ; le texte est trop formel1. »

Ainsi ce sont quelques minutes dans l'éternité, c'est une horloge qui a sonné trop tard, c'est un caprice, un moment de mauvaise humeur, qui pour Luther a décidé d'un dogme. En rejetant la présence réelle, il aurait fait un pouf au papisme; cette idée fait sourire Luther.

Les sacramentaires ne se contentaient pas de répandre leur dogme par la prédication orale; ils publiaient des écrits où la présence réelle était niée avec une habileté d'argumentation qui ébranla un moment et mit en péril la foi d'Erasme. Les luthériens comprirent le danger, et l'un d'eux, Brenz, fit imprimer, pour réfuter l'opinion zwinglienne, le Syngramma, qui parut d'abord en latin, fut traduit ensuite en allemand par Bugenhagen, et publié avec une préface de Luther3. Cette œuvre théologique est écrite avec modération; le style et la pensée en sont calmes, l'argumentation serrée, et la gravité de la matière tempérée par une ironie de bon goût. « Luther veut qu'on se

de Sainctes, episcopum Ebroicensem in Normaniæ provinciâ. Parisiis, 1575. - Voyez Op. Luth. Ienæ Germ., fol. 408, 409.

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18 feb., Joh. Agricolæ. - Seckendorf, lib. II, seet. vi, § 11.

• Zwingli loua d'abord l'éloquence et le style du Syngramma. Etwas Eloquenz und Sprachenkenntniß mag ihm nun wohl nicht abzusprechen seyn;

défie d'une secte qui a plusieurs corps comme la bête de l'Apocalypse; l'un représenté par Carlstadt, qui bâtit son système sur le touto de la version grecque; l'autre, par Zwingli, qui veut que l'est latin soit traduit par signifie; le troisième par OEcolampade, qui prétend que la réalité n'est qu'une image, et que le corps n'est que la figure du corps'. >>

« Dites à Luther qu'il se trompe, écrivait OEcolampade. Luther crie au blasphème. Dites-lui qu'homme il peut se tromper. Luther se lamente et gémit: mais, très-cher frère, jamais tu ne nous convaincras que le Saint-Esprit soit enchaîné à Wittemberg pas plus qu'à Bâle, à ta personne pas plus qu'à celle d'un autre2. >>>

Zwingli s'est plaint amèrement des attaques du luthéranisme, dans un écrit allemand qu'il publia vers la fin de 1526. « Voyez-les donc, disait-il, ces hommes qui ne sont ce qu'ils sont que par la parole, et qui veulent aujourd'hui la bâillonner dans la bouche de leurs adversaires, chrétiens comme eux ! Ils crient que nous sommes hérétiques, qu'on ne doit pas nous écouter; ils proscrivent nos livres, ils nous dénoncent aux magistrats; n'est-ce pas comme le pape autrefois, quand la vérité voulait lever la tête3 ? »

La discussion ne se renfermait plus dans la chaire, elle

lettre à Ecolampade citée par Hess, Vie d'Ecolampade, p. 123. Quelques semaines plus tard, il appelait ceux qui avaient travaillé avec l'auteur : Tenebriones, triviales episcopulos; et Brenz, ingratum animal. Ibid.

Dans une lettre à Bellican et Urb. Rhegius (ad Theobaldi Bellicani et Urbani Rhegii epistolas responsio Huldrichi Zwingli, in-4°, Tig., 1526), Zwingli dit nettement que le Syngramma a été écrit sous le souffle de Satan : Ut illorum halitus Satanam ubique spirat.

Op. Luth. Jenæ, t. III, p. 284 b. gramma un Antisyngramma, qui parut à Bâle.

Ecolampade opposa au Syn

2 Decolampad., Antwort auf Luther's Vorrede zum Syngramma.

3 Eine klare Unterrichtung vom Nachtmahle Christi durch Huldrichen Zwingeln, Tütsch, als vormals nie, um der einfältigen Willen, damit sie mit niemands Spizfündigkeit hintergangen mögen werden. Zürich, 1526.

était descendue dans les livres, tout aussi violente que celle de Luther contre le catholicisme; et, comme le moine de Wittemberg avait livré au diable son adversaire, Zwingli, pour dernier argument, donnait Luther à Satan; le zwinglien appelait le Luthérien mangeur de chair divine, Gottesfleischeffer ou théophage; le luthérien nommait le disciple de Zwingli sacramentaire1.

Le landgrave de Hesse, qui craignait de nouveaux troubles pour son malheureux pays, écrivit aux deux chefs de secte pour les inviter à un colloque à Marbourg. Luther refusa d'abord, mais il céda bientôt aux instances de Mélanchthon, et accepta l'entrevue. Le prince avait désigné le 23 septembre pour l'ouverture des conférences.

C'était la première fois que Luther et Zwingli, ces deux apôtres de l'Allemagne, comme les appelaient leurs disciples; ces deux enfants de Satan, comme ils se nommaient l'un l'autre, allaient se trouver en présence: Zwingli, orateur froid et compassé, dialecticien sans saillies, théologien sans entrailles, en face de Luther, à la parole de flamme. Pour qu'il n'y eût rien en lui de papiste, Zwingli portait une espèce de sagum gaulois, avec un baudrier, d'où pendait une longue rapière. C'est sous ce costume qu'il vint à Marbourg.

Afin d'arriver au colloque tout bardé d'arguments, Luther voulut instituer un progymnase où quelques-uns de ses disciples joueraient le rôle de Zwingli et d'OEcolampade, qui devait accompagner le ministre à Zurich. C'étaient Vitus Théodore et Hermann', tous deux rompus aux

'Seckendorf, 1. c., lib. II.

- Lingke, 1. c., p. 180.

Myconius, Reformationsgeschichte, p. 90.

2 Opera Lutheri. Ienæ, t. II, fol. 460.— Lettre au landgrave, 23 juillet. Ulenberg, 1. c., p. 350.

3

Lutheri Op. Ienæ, t. I, p. 367; Wittemb., t. IX, p. 288.- Historia rei sacramentariæ ab Hospiniano, pars altera, fol. 109 et seq. Genevæ, 1681. Hospinien est un sacramentaire fanatique qui traite fort mal Luther, et le

disputes scolastiques, qui furent battus complétement par leur maître, et s'avouèrent vaincus avec une abnégation d'amour-propre qu'on n'allait pas trouver dans les sacramentaires, moins encore dans Zwingli que dans OEcolampade, qui flottait incertain dans ses croyances, prêt à abandonner le type de son maître, s'il eût pu se rétracter sans trop de honte aux yeux de ses coreligionnaires. Moine de Sainte-Brigitte, dont il avait quitté le capuchon sans pouvoir en secouer la poussière, OEcolampade était un esprit fin, délié, mais ergoteur, qui croyait beaucoup plus à l'infaillibilité d'Aristote qu'à celle de Zwingli, et qui sou?fla à Érasme tout ce qu'il savait d'hébreu, « fort peu, » dit Richard Simon1.

OEcolampade avait publié à Bâle l'explication des paroles de l'institution de la sainte cène, suivant les anciens auteurs, et il y avait dans son ouvrage une si douce éloquence, que les élus mêmes, si Dieu l'eût permis, eussent été séduits 2.

Luther amena avec lui Philippe Mélanchthon, Justus Jonas et G. Creuziger; Zwingli, OEcolampade, Martin Bucer et Gaspard Hédion, qu'il prit en passant à Strasbourg. André Osiander partit de Nuremberg, Jean Brenz, de Halle, et Étienne Agricola, d'Augsbourg, pour assister au colloque. Tous ces théologiens se trouvèrent réunis pour la première fois chez le landgrave, où l'ancien curé d'Ein

représente, dans tout le cours de son ouvrage, comme un homme sans foi et sans conscience.

'Histoire critique du Nouveau Testament, in-4°, p. 41. Lope Stunica, savant Espagnol, a relevé les fautes nombreuses où Ecolampade a fait tomber Erasme.

Exortum est novum dogma, in Eucharistiâ nihil esse præter panem et vinum. Id ut sit difficillimum refellere fecit Ecolampadius, qui tot testimoniis, tot argumentis eam opinionem communivit, ut seduci posse videantur etiam electi. — Erasmus, Mich. Budæ, episc. Ligonensi, epist. 766, ed. Cler L'ouvrage d'Ecolampade a pour titre De genuinâ verborum Christi significatione: Hoc est corpus meum.

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