Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

sonder des profondeurs où nul œil n'ose plonger, de rejeter l'autorité des siècles, les enseignements des Pères, la doctrine invariable des évêques, et de croire tout ce qu'elle veut. Mais aujourd'hui il lui coupe ses ailes; il la fait tomber du ciel et l'étend sur un autre lit de Procuste. Essayet-elle de remuer, Luther l'accuse de révolte et de désobéissance, prêt à la renier comme une mécréante. C'est le libre examen qui a produit les sacramentaires; et ces sectaires venus à Augsbourg pour demander la liberté de conscience, on les violente, on veut leur imposer un formulaire; n'est-ce pas là de l'autorité1? Au moins dans le catholicisme l'intelligence n'a pas de peine à obéir, dès qu'elle croit que l'esprit de Dieu repose dans le pape, image vivante de Jésus sur cette terre. Et que penser d'une symbolique à l'instar de la confession d'Augsbourg, tracée sur parchemin, et que Mélanchthon travaille, fait, défait, polit, corrige, remet sur le métier, transmet à Luther, qui la reprend, la revoit, l'enfle, l'amoindrit, l'émonde, la rapièce, pour l'expédier par le premier courrier à son disciple, qui la proclame l'œuvre de la réforme, la manifestation de la vérité et l'inspiration du Saint-Esprit ? Singulier évangile, qui ne ressemble pas à lui-même, car, reproduit cinq fois dans l'espace d'un demi-siècle, cinq fois il a paru avec des variantes nouvelles ; « jusqu'à ce qu'après six remaniements successifs il acquière l'ampleur d'une botte ou d'un manteau polonais où le bon Dieu et le diable trouveraient à se cacher aisément 3. 3 >>>

1 Philipp Nicolai in seiner Verantwortung an Petrum Plancium, p. 288, 289, 408.

[ocr errors]

* Andreas Musculus, luthérien, disait au colloque de Hertzberg : — que la Confession avait changé douze fois de figure. Daß die Augsburgische Confession wohl zwölfmale seye geändert worden. Calvin la nommait un brandon de discorde. Ep., fol. 524.

Und dadurch zu einem polnischen Stiefel und weiten Mantel geworden, hinter welchem der liebe Gott und der Teufel gar bequem sich vergraben könnte. Henke, cité par Honinghaus, Das Resultat n., p. 476.

Aujourd'hui, tout ce qu'il y a d'intelligences logiques dans les deux communions protestante et réformée repousse les livres symboliques.

« Les confessions, a dit récemment M. de la Harpe, sont contraires au principe de la réformation. Le principe de la réformation, c'est la liberté, le droit de faire un choix, le droit de mettre la Bible au-dessus de l'autorité des hommes une confession de foi, c'est le pape '. »

L'œuvre de Mélanchthon est donc jugée: étudions un moment celui qui prit tant de peine à l'écrire 2.

Première séance du conseil de Lausanne, 1857.

* La question religieuse portée en 1530 à la diète d'Augsbourg est longuement traitée dans les ouvrages suivants :

Vermahnung an die Geistlichen, versamlet auf dem Reichstag zu Augsburg, ann. 1530. Martin Luther. Wittenberg, in-4°, 1530.

Confessio exhibita Cæsari in comitiis Augusta, ann. 1530. Psalın. 119: Et loquebar de testimoniis tuis in conspectu regum, et non confundebar. Eine Ermahnung Reimens-Weis, an unsern allergnädigsten Herrn Carolum, Römischen Kayser, Ferdinandum Seiner Majestät Bruder, König zu Hungern und Behem, alle geistliche und weltliche Churfürsten und Fürsten des heil Römischen Reichs, den löblichen Bund zu Schwaben, alle geift- und weltlich Obrigkeit, damit ihnen Gott, der Allmächtige, in diesen jezt angehenden und fürgenommenen kayserlichen Reichstag und concilio zu Augsburg den heil. Geist, das Wort Gottes zu erhalten, geben und senden wolle, mit Anzeigung der Heil. Schrifft gar hüpsch, lieblich, andächtig zu lefen und zu hören. 1530.

Ein kurzer Auszug aus dem päpstlichen Rechten, Decret und Decretalen, in den Articuln, die ungefährlich Gottes Wort und Evangelio gemäß sind, oder zum Wenigsten nicht widerstreben. 1530.

Auf den deutschen Außzug übers Decret, von unbenannten. Leuten gemacht, Antwort D. Joh. Cochlei, ad senatum Lipsiensiem. Dreßden, 1530.

Ad Carolum Roman. imperatorem, fidei Huldrichi Zwinglii ratio. Ejusdem quoque ad illustrissimos Germaniæ principes Augustæ congregatos epistola. Tiguri.

Abschied des Reichstags zu Augsburg, anno 1530 gehalten. Mayng, 1531. Römischer kayserlicher Majestät Ordnung und Reformation guter Polizey in heil. römischen Reich 27., 1550 zu Augsburg aufgericht Maynz, 1534.

CHAPITRE XV

MÉLANCHTHON

Melanchthon à l'université de Wittemberg. Portrait du professeur. Son genre de vie. Luther devine Mélanchthon. Son opinion sur les commentaires de son protégé. — Mélanchthon au lit de sa mère mourante. Ses doutes et ses défaillances. Maladie de Luther à Smalkalde. - Mélanchthon à Haguenau. Influence de Mélanchthon sur la réforme. Ses opinions philosophiques.

Reuchlin écrivait, en 1518, à Mélanchthon :

« Je t'envoie la lettre de notre cher prince, tout entière de sa main, et où il te marque une si vive bienveillance. Je ne te parlerai pas en poëte. Je vais faire le devin et me servir des paroles que Dieu adresse à son serviteur Abraham : « Va, quitte ta patrie et tes amis, et la maison « de ton père; et pars pour le pays que je te montrerai. Je « veux t'élever sur un grand peuple, te bénir et te faire un « nom glorieux. » (Genèse, xu.) Voilà ma prophétie, voilà mes espérances, mon cher Philippe. Allons, du courage, envoie-moi tes hardes à Stuttgard. Là nous verrons ce dont tu auras besoin à Wittemberg; cela me regarde. Si tu m'en crois, tu iras d'abord en passant par Pforzheim embrasser

ta mère, et, après avoir dit adieu aux tiens, tu viendras me trouver. Mais ne t'arrête pas en route, de peur que la place ne t'échappe. J'ai répondu que tu allais arriver. Et, afin que tu saches quel cas on fait de toi à la cour, je t'envoie une lettre de Spalatin, l'ami du prince; c'est tout ce que j'ai de plus pressé à t'écrire. Je le répète, fais un paquet de toutes tes hardes et expédie-le-moi à Stuttgard; mais encore une fois le plus tôt possible. C'est bien entendu : d'abord à Tubingue, pour voir tes amis, puis chez ta mère, puis à Pforzheim, pour embrasser Augustin et ma sœur, et puis ici à tire-d'aile. Les princes sont chose changeante. Du courage, ne fais pas la femme. Personne n'est prophète dans son pays. Je t'embrasse. - Stuttgard, la veille de la SaintJacques. JOH. REUCHLIN1. »

C'était une bien belle lettre que Reuchlin adressait à son cousin Mélanchthon, qui n'avait pas encore vingt-deux ans, et que Frédéric l'électeur appelait pour professer les langues anciennes à l'université de Wittemberg. Schwartzerde, dont Reuchlin avait grécisé le nom3, monte à cheval et part pour Nuremberg, où il se lie d'amitié avec Bilibad Pirkheimer, noble jeune homme tout rempli d'amour pour les belleslettres. Il arrive bientôt à Leipsick. A Leipsick il trouve Mosellanus, le suppléant de Richard Crocus dans la chaire de la langue grecque, et fait connaissance d'Andréas Franz Kamitz, adolescent de hautes espérances, et qui plus tard

Dr. Franz Volkmar Reinhard's jämmtliche zum Theil noch ungedruckte Reformations-Predigten, 11° part., p. 11 et suiv.

2 Il était né à Bretten, petite ville du Palatinat, le 16 février 1497. A la maison de ville de Bretten on lit l'inscription suivante :

Bretta, quod egregii patria es præclara Philippi,

Hoc satis ex uno nobilitatis habes.

5 Reformations-Almanach, 1817, p. 24. - Mélanchthon se nommait: Pullisolus, à pullus, Schwartz, et solum, Erde. Il ne signe que Melanthon. Heumann, de Causâ cur Philippus Melanchthon fuerit creatus doct. theologiæ. Gottinga, 1757.

fut conseiller du duc Georges-Henri et de l'électeur Maurice. Il était le 25 du mois d'août 1518 à Wittemberg. Peu de jours après, il prononça son discours d'ouverture. Il avait pris pour sujet de l'Amendement des études scolaires, de corrigendis adolescentiæ Studiis. Il fut disert et abondant. Luther, qui l'écoutait, l'interrompit souvent par des murmures d'approbation. Mélanchthon s'annonçait comme réformateur. Il en voulait à la vieille scolastique, à la forme usée de l'enseignement, aux traditions du passé. Dès ce jour une sympathie secrète attira l'une vers l'autre ces deux âmes si bien faites pour s'entendre.

Bientôt la vaste salle de l'université ne put contenir les auditeurs qui se pressaient pour écouter la parole du maître1. On y voyait des comtes, des barons, des margraves, des princes, des chevaliers. Mélanchthon expliquait tour à tour les comédies d'Aristophane, les discours de Démosthènes, Hésiode, Homère, Théocrite, Thucydide et Apollonius. Il était fier de son titre de professeur. « L'existence d'un professeur, disait-il à Joh. Sturm, n'est pas aussi brillante que celle d'un courtisan. Mais comme elle est plus utile, comme elle sert bien mieux l'humanité! O sainte profession qui nous fait connaître la nature de Dieu, les devoirs de l'homme et les merveilles de l'intelligence*! >>

On fut tout étonné à Wittemberg en voyant ce frêle jeune homme qui tenait les yeux baissés à terre, avait le menton nu, le teint pâle, et la voix si faible, qu'on avait de la peine à l'entendre. Qu'on se représente, dit un de ses contemporains, «< un adolescent tout maigre, tout étique, caché dans une ample robe de professeur, aux manches pendantes; un écolier auquel on aurait à peine donné quinze ans, et qui, à la promenade, allait tout au plus à l'épaule

1 Heerbrand's Leichenrede auf Melanchthon.

2 Reinhard, 1. c., t. II, p. 15.

111.

15

« ZurückWeiter »