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Ils l'accusent d'avoir lâchement abandonné la cause du pauvre pour soutenir le riche, de s'être montré sans pitié pour l'opprimé, d'avoir déserté l'esprit vivifiant du pur Evangile pour prêcher une lettre qui tuerait à la fois l'intelligence et le corps. Ces plaintes ont je ne sais quoi qui va droit au cœur, parce qu'elles tombent de la bouche d'hommes trompés par les belles théories de liberté qu'affichait autrefois le moine saxon, et qui portent dans l'exil le châtiment de leur foi aveugle à l'apôtre de la Germanie1.

Ces dissensions tendaient de plus en plus à absorber le principe catholique. D'autres éléments désorganisateurs mis en œuvre par Luther allaient hâter la chute de l'autorité en Allemagne, éléments tout humains, à savoir la sécularisation des couvents, le mariage des moines, la spoliation des biens du clergé, voir civil sur le spirituel.

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l'usurpation du pou

Etudions rapidement leurs funestes influences2.

M. Alexandre Weill a écrit dans la Phalange (1845) plusieurs articles remarquables sur la guerre des paysans, où le rôle de Luther, dans cette lutte, est fort bien apprécié.

2 L'histoire du développement de l'esprit de secte après la défaite des paysans et l'exil des prophètes appartient beaucoup plus à l'histoire générale de la réforme qu'à la biographie de Luther. Indiquons quelques livres curieux à consulter sur les variations du protestantisme à cette époque : — Nehr, Beiträge zur Kirchengeschichte von Windsheim. 1801. — Jäck, Materalien zur Geschichte von Bamberg, t. III. - Falkenstein, Chronik von Schwabach. Will, Geschichte der Wiedertäufer in Nürnberg. Winter, Geschichte der Wiedertäufer in Baiern.

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CHAPITRE II

SÉCULARISATION DES COUVENTS ET MARIAGE DES MOINES

-1524-1525

Comment Luther s'y prit pour légitimer l'exil des moines. - Désordres produits dans les couvents par les écrits du réformateur contre le célibat. Les moines défroqués se mettent au service des imprimeurs. Ce sont des auxiliaires actifs pour la réforme. - Froben de Bâle. - Carlstadt. Bigamies monacales. - Ce qu'en pense Luther.

La sécularisation des moines fut une des grandes mesures imaginées par le réformateur pour tuer le catholicisme : elle entraînait nécessairement la spoliation des cou

vents.

Parmi les réformés, quelques âmes timorées cherchaient dans les livres saints des textes pour apaiser le cri de leur conscience, et légitimer leurs attentats contre la liberté individuelle et morale. Un ange semblait tenir la Bible ouverte à cette page où Dieu défend la violence. Elles consultèrent Luther; voici la question qu'elles lui adressaient :

« On dit qu'il est défendu de forcer les consciences; ce

pendant nos princes ne chassent-ils pas les moines de leurs couvents? >>

Voici la réponse du casuiste1:

« Oui, il ne faut contraindre personne à croire à nos doctrines nous n'avons jamais violenté la conscience; mais ce serait un crime de ne pas s'opposer à ce que notre enseignement fût profané. Repousser le scandale, ce n'est pas offenser la liberté. Je ne puis forcer un fripon à devenir honnête homme, mais je puis l'empêcher de mal faire. Un prince ne peut pas contraindre un voleur de grand chemin à confesser le Seigneur; toutefois, il y a une potence pour les malfaiteurs.

Mais les juifs qui blasphèment le Seigneur, ne les tolérons-nous pas?

-Les juifs n'appartiennent ni au corps ecclésiastique ni au corps séculier. Ce sont des captifs parmi nous, et nous ne les laisserions pas blasphémer en notre présence le Seigneur notre Dieu. Un fripon pendu à un gibet peut bien se répandre en outrages contre ses juges; qui pourrait l'en empêcher? Mais nos moines veulent être de utroque jure, blasphémer à la face du soleil, et en avoir le droit! Ils auraient envie de ressembler aux juifs, de n'appartenir ni au Christ ni à César, de se proclamer ennemis du Christ et de César, et nous devrions souffrir que, dans leur synagogue, ils blasphémassent le Seigneur tout à leur aise, et tant qu'il leur plairait! » Il continue:

<«< Ainsi, quand nos princes doutaient si la vie monacale et la messe privée sont une offense à Dieu, ils auraient été coupables de fermer les couvents; mais, dès qu'ils ont été illuminés, et qu'ils ont vu que la vie de couvent et la messe sont une insulte à la Divinité, ils auraient été

Ob die Fürsten recht daran gethan, daß sie nicht haben dulden wollen das Klosterleben und die Messe. — Luther's Werke. Witt., t. IX, p. 455.

coupables de ne pas employer ce qu'ils avaient reçu de pouvoir à les proscrire; car il est écrit: Tu aimeras Dieu de tout ton cœur et de toutes tes forces. >>

Les princes obéissaient pieusement à Luther.

Erasme, en Allemagne, à l'époque où parut le libelle de Luther contre le célibat, nous a laissé de curieuses révélations sur les désordres que cet écrit jeta dans les couvents, Il représente certaines villes de la Germanie sillonnées de déserteurs en capuchon, d'apostats nomades, de prêtres mariés, de moines faméliques et demi-nus, sautant, dansant, s'enivrant, demandant dans leurs prières du pain et une femme pour le reste de leurs jours; et de l'Evangile ne faisant pas plus de cas que d'un poil de leur barbe1. Des femmes, ils en avaient à foison; quand ils n'en trouvaient pas dans les couvents de religieuses, ils allaient en chercher dans des maisons infâmes. Que leur importait la bénédiction du prêtre? Ils se mariaient les uns les autres, et célébraient leurs noces dans des orgies où rarement les deux époux manquaient de perdre la raison.

<«< Autrefois, ajoute notre philosophe, on quittait sa compagne par amour de l'Evangile; aujourd'hui, on dit que l'Evangile fleurit quand un moine a le bonheur d'épouser une femme bien dotée. Tous, du reste, ne sont pas aussi heureux qu'OEcolampade, qui, pour mortifier sa chair, a pris une jeune fille riche et belle3. >>

Ces échappés de couvents épousaient ordinairement des religieuses.

On aurait eu peur, d'abord, de livrer à leurs embrasse

Amant viaticum et uxorem, cætera pili non faciunt. Ep. Erasmi, p. 637. Jean Paul les nomme zweidrittels Mönche.

* Nunc floret Evangelium, si pauci ducant uxores benè dotatas, p. 768. 3 Nuper Ecolampadius duxit uxorem, puellam non inelegantem; vult, opinor, affligere carnem. Quidam appellant lutheranam tragœdiam, mihi videtur esse comoedia; semper enim in nuptias exeunt tumultus. — Ep., p. 632.

ments des jeunes filles pudiques, ou qui auraient appartenu à d'honnêtes familles. Où trouver des mères assez effrontées pour donner leur enfant à l'un de ces moines qui, au dire de Luther lui-même, n'avaient rompu avec la continence que dans l'intérêt de leur ventre1? Du reste, bon nombre d'entre eux n'avaient pour se couvrir que l'habit de bure emporté du couvent. La plupart s'étaient mis au service d'imprimeurs ou de libraires. Malheureusement il y en avait qui savaient à peine lire, et qui, après avoir pendant plusieurs jours succombé à toutes les tentations de la chair, n'avaient plus de quoi vivre, et étaient obligés de demander l'aumône; c'était un trop rude métier, qui aurait fini par dégoûter le renégat de la vie des champs, et un spectacle qui eût fait honte à la réforme. Luther l'avait prévu, et, du bien des monastères, il avait fait plusieurs parts, dont une devait appartenir aux religieux sécularisés.

On pourrait croire que la réforme ne gagnait rien à ces honteuses désertions on se tromperait. Chaque apostasie enlevait, dit Plank, au catholicisme un instrument de prosélytisme qui, dans sa sphère d'activité, pouvait entraver les progrès de la révolte2. Sa foi reniée, l'apostat cherchait à se venger de ses frères, soit en les calomniant, soit en les poussant au parjure; il jouait parmi les âmes faibles le rôle d'espion et de tentateur : le mauvais moine se transformait en mauvais ange.

A cette époque, on les voit, réunis par bandes, attaquer les couvents de nonnes, et promener ensuite sous le bras les vierges qu'ils ont déshonorées. Érasme rencontra plus d'une fois sur son chemin des moines parés des dépouilles volées aux églises, chancelant sous les fumées du vin, et

1 Viele dieser Menschen werden bloß vom Bauche und von Fleischeslüsten getrieben, und bringen großen Gestank in den guten Geruch des Evangeliums. Menzel, Neuere Geschichte 2., t. I, p. 133.

2 Plank, 1. c., t. IV, p. 83. — Arnold, 1. c., 1. XVI, ch. vi, passim.

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