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croît encore, parce que je vois dans votre retour à la santé un signe de la miséricorde de Dieu sur notre petit troupeau. >>

En 1540, Mélanchthon partit pour Haguenau. Il tomba malade à Weimar. Avant de quitter Wittemberg, il avait consulté les astres1; les astres étaient restés muets, mais il eut un songe et rêva qu'il mourrait en chemin. Il fit donc son testament. Luther n'y était pas oublié. « Je remercie le digne docteur Martin Luther de m'avoir enseigné la doctrine évangélique; je le remercie surtout de toutes les preuves d'amour dont il n'a cessé de me combler jusqu'à ce jour je veux que tous les miens l'honorent comme un père, car personne mieux que moi ne sait de quel courage héroïque, de quelle force d'âme, de quelles merveilleuses vertus Dieu l'a doué que tous l'aiment, l'honorent et croient en lui de tout leur cœur, comme je l'ai toujours fait. »

A la première nouvelle du coup qui venait de frapper son ami, l'électeur monte en voiture: Luther voulut l'accompagner. En entrant dans la chambre du malade, un spectacle affreux vint frapper les regards du réformateur : les

yeux de l'agonisant étaient voilés, sa raison éteinte, sa langue glacée; il avait perdu connaissance. Luther prit à part l'électeur et lui dit en levant les yeux au ciel : « Voyez donc comme le diable a gâté notre ouvrage! » Pendant que le prince cherchait sur la figure livide du moribond quelque signe d'espérance, Luther s'était tourné vers la fenêtre, avait joint les mains et prié. Son oraison finie, il revint vers son ami, lui prit la main, et, se penchant à son oreille « Allons, Philippe, murmura-t-il, du courage, tu ne mourras pas; Dieu pourrait t'ôter de cette terre; il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et

1 Herenschmid, Vit. Luth., cap. xi.

qu'il vive. Il ne t'abandonnera ni ne te délaissera; il ne voudra pas que la peste ou le désespoir triomphe de toi, mon bon ami. Allons, ne te laisse pas aller au découragement, ne te suicide pas; tourne-toi vers le Seigneur, qui donne la vie et la mort 1. » Alors, au dire de quelques historiens qui ne croient pas aux miracles opérés par l'intercession des saints, Dieu exauça la prière de son serviteur: Mélanchthon ouvrit les yeux, recouvra ses sens, se leva sur son séant et prit la main du docteur. « J'allais mourir, racontait-il, si Luther ne fût venu m'arracher des bras du trépas2. » Luther aussi croyait à un miracle opéré en cette occasion par la toute-puissance de la prière. « C'est que la prière, disait-il, fait de véritables prodiges; de nos jours, n'a-t-elle pas ressuscité des morts, et moi, et ma Kétha, et maître Philippe Mélanchthon? Miracle de peu d'importance, si vous voulez, que de délivrer le corps de ses souffrances, mais qu'il ne faut pas taire dans l'intérêt des âmes faibles. » Il serait difficile de concilier la puissance que Luther accorde à la prière avec le fatalisme qu'il professe dans son traité de servo Arbitrio. Comment, dans son système, quelques mots murmurés à voix basse arrêteraient-ils ce destin inexorable, cette nécessité qui presse et pousse l'homme de sa main de plomb, à qui rien ne résiste, et qui viendrait se briser contre la pierre du tombeau ? Qu'est devenu son double anthropomorphisme

1 Unschuldige Nachrichten, t. XXV, p. 559.

Qui nisi ad me venisset, mortuus essem. Herrnschmidt, 1.

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C.

3 Das Kirchen-Gebet thut große Mirakel. Es hat zu unserer Zeit drei von Todten auferweckt: mich der ich oft bin todt krank gelegen; meine Hausfrau Ketha die auch todt krank war, und Magistrum Philippum Melanchthonem, welcher Anno 1540 im Winter todt krank lag. - Tisch-Reten. Eisleben,' fol. 456, 496.

Voyez encore le chapitre : Vom Gebet, Tisch-Reden, p. 207 et suiv., où le docteur, dans un temps de sécheresse, demande au Seigneur de faire pleuvoir, et sur-le-champ est exaucé.

Eben dieselbige folgende Nacht darnach kam ein sehr guter fruchtbarer Regen.

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du bien et du mal? Le voilà donc encore une fois infidèle à ses doctrines! Si son appel à la tradition, dans sa dispute avec les sacramentaires, est une victorieuse réfutation de son principe du libre examen, sa prière au lit de mort de Mélanchthon est tout un livre contre son serf arbitre.

Mélanchthon a rendu peu de services à la réforme comme théologien, et beaucoup comme écrivain. Augusti a remarqué que les luthériens lui empruntèrent une partie de leur terminologie. Il faudrait bien se garder cependant d'exagérer l'influence que le professeur exerça sur les lettres. On s'est trompé quand on a dit que le premier en Allemagne il comprit l'utilité des livres élémentaires à l'usage de l'étudiant. Nous avons vu que les gymnases catholiques, dirigés par des moines, étaient tous en possession, avant la réforme, de grammaires et de lexiques grecs et latins. Qu'on loue son amour pour l'antiquité, mais que ce ne soit pas aux dépens de la vérité. Notre cœur s'est plus d'une fois ému aux accents passionnés dont le professeur de Wittemberg saluait le triomphe des Muses; mais, longtemps avant lui, le docteur Eck, le grand antagoniste de Luther, s'écriait à la vue de cette sainte flamme qu'il contribuait à allumer : « Heureux siècle où l'ignorance est refoulée dans ses ténèbres, où le sophisme tombe sous les coups impitoyables du ridicule, où tant d'œuvres latines, grecques et hébraïques renaissent à la lumière, où se montre aux regards cette pléiade littéraire formée d'Erasme, de Wimpheling, de Pirckheimer, de Cuspinien, de Peutinger, de Beatus Rhenanus, de Henri Bebel: oh! combien nous sommes heureux de vivre dans un siècle d'or comme le nôtre1! >>

Mélanchthon avait étudié à Tubingue, avec Stadianus,

Niederer, Nachrichten zur Kirchen- und Gelehrtengeschichte, t. III, p. 44.

la philosophie d'Aristote. Il conçut le projet de l'introduire à Wittemberg. On ne connaissait à cette époque à l'université de cette ville que l'Exposition de maître Pierre Tartaret'. Mélanchthon n'admet pas sans restriction le célèbre axiome: Nihil est in intellectu, quod non prius fuerit in sensu il croit avec Platon que les images que les sens fournissent à l'esprit sont seulement les causes occasionnelles qui développent les idées générales. Il reconnaît l'existence de trois âmes, l'âme raisonnable, l'âme sensitive, l'âme végétative. Ses arguments en faveur de l'immortalité de la substance incorporelle sont empruntés en partie à l'harmonie morale du monde : les arguments métaphysiques lui semblent de peu de valeur pour prouver l'immatérialité de la pensée. Il donne à l'astrologie le nom de destinée physique. Son opinion fortifia singulièrement la foi que le peuple avait alors à cette prétendue science 2.

1 Expositio magistri Petri Tartareti super summulas Petri Hispani, cum allegatione passuum Scoti, Doctoris subtilissimi.

Histoire de la Philosophie, par Buhle, trad. par Jourdan, t. II, p. 424 et suiv.

CHAPITRE XVI

POLITIQUE DE LUTHER

- 1551 ET SUIV.

Ligue de Schmalkalde.

Luther poursuit la diète d'Augsbourg de ses écrits. Son Avertissement aux Allemands, auquel Mélanchthon met une préface. Comment expliquer les hardiesses de Luther? Un anonyme répond à Luther. Le moine lui réplique. — Sa théorie sur le droit de résistance. Ses lettres à l'abbesse de Rissa. L'anabaptisme se révolte et prend les armes.

Les efforts de Mélanchthon pour donner la paix à l'Église d'Allemagne avaient échoué contre les instincts de Luther. C'était à l'instigation du réformateur que Philippe de Hesse avait quitté subitement Augsbourg, malgré les ordres de l'empereur. Les protestants confiaient leurs destinées aux mains de ce prince, dont l'histoire a flétri le caractère : héros de taverne, tout fier de son épée quand le danger est loin de lui, et perdant la tête dès que le péril est à ses côtés '. C'est sous ces auspices que fut conclue la ligue de Schmalkalde offensive et défensive des princes réformés,

1 Reformations-Almanach, 1817, p. 411 et suiv.

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