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portefaix du marché de Wittemberg n'aurait osé écrire, Georges de Saxe sentit le rouge lui monter au front, et il se plaignit en soldat à l'électeur Jean de cet attentat de Luther. L'électeur se couvrit la figure et réprimanda vivement son protégé, qui cette fois eut le courage de mentir et de renier la lettre.

Or l'original, tout entier de la main du moine, repose entre deux blancs feuillets aux archives historiques de Weimar.

Nous avons sous les yeux, en traçant ces lignes, de belles pages écrites par C.-H.-L. Pœlitz, de Leipsick, sur l'esprit de liberté que développa la réforme.

« Salut, ò sainte liberté ! s'écrie le docteur. C'est pour toi que combattirent les apôtres; pour toi que les martyrs répandirent leur sang; pour toi qu'élevèrent la voix Arnold de Brescia et Pierre de Vaud; pour toi que Jean Huss monta sur le bûcher; pour toi que Luther fut mis au ban de l'empire 1! >>

M. Politz n'a donc pas entendu les cris que poussent à la fois les sacramentaires, les anabaptistes et toutes les sectes qui demandent à Luther cette liberté de conscience qu'il a promise au début de son apostolat ?

Les anabaptistes, las d'attendre, viennent de se décider à faire prévaloir, les armes à la main, le « Verbe divin » que Wittemberg veut étouffer.

1 Die Aehnlichkeit des Kampfes um bürgerliche und politische Freiheit in unserm Zeitalter. 30 oct. 1817.

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Chassés d'Augsbourg sans avoir pu se faire entendre, ils se répandent en Westphalie. -Munster les accueille. Rothmann trouble la ville par ses prédica

Son portrait. Melchior Hoffmann.

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tions. Jean de Leyde est proclamé roi de Munster.— Désordres qu'excitent les anabaptistes dans cette ville. - Ils y établissent la communauté des biens. Siége de la place par l'évêque Waldeck. Prise de Munster. - Supplice des prophètes. David Georges ou Joris. L'anabaptisme accuse Luther des maux qui ensanglantent l'Allemagne.

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Anabaptistes, zwingliens, luthériens, carlstadiens, bucėriens, s'étaient donné rendez-vous à la diète d'Augsbourg'. Les anabaptistes étaient les plus ardents: le jour même de leur arrivée, sans en avoir obtenu la permission des sénateurs, qui presque tous penchaient pour Luther, ils avaient établi des conférences où ils proposaient un insolent défi aux dissidents. Un luthérien l'ayant accepté : « De qui as-tu reçu mission de prêcher? demanda-t-il à l'anabaptiste. De qui? reprit l'anabaptiste; tu ne con

1 Mesh., liv. V, cap. xv, xvII, etc. Senatus enim ferè totus Lutheranus. Ib.

nais donc pas le livre où ton maître dit qu'il a lu toute sa vie? Or qu'est-il écrit dans ce livre inspiré? que la charité chrétienne est un titre suffisant pour prêcher sa parole. >>

L'anabaptiste, pour prouver que les luthériens n'avaient pas ce gage dont parle l'apôtre, se mit à tracer un tableau satirique des mœurs réformées. Il représentait les disciples du nouvel Évangile escaladant les couvents pour en enlever les nonnes, faisant liesse avec elles dans les cabarets, se gorgeant de viande, de vin, et rompant leur vœu de chasteté à chaque taverne qu'ils rencontraient. La populace riait.

Mais le luthérien saisissait le moment où la multitude se taisait pour répondre à son adversaire1:

« Apôtre d'iniquité, tu calomnies saint Paul, tu blasphèmes l'Evangile. Sans doute tout chrétien doit pratiquer les œuvres de charité; mais tout chrétien n'est pas appelé à annoncer la parole divine. Il faut, pour la répandre, d'autres titres et une autre mission que la sainteté des mœurs et l'amour du prochain.

-La vocation, sans doute, reprenait l'anabaptiste; je te comprends; mais dis-moi de qui tu la tiens.

:

Des magistrats c'est d'eux que nous avons reçu le droit de publier l'Evangile.

Et moi, du choix de nos églises; nos églises ne valentelles pas tes magistrats?... Ouvre donc notre livre commun, lettre morte pour toi, et pour nous lettre de vie : où donc as-tu lu que le Christ ait conféré aux hommes du pouvoir le droit de députer des apôtres et de leur dire : Allez, prêchez, répandez la parole de vie, au nom du Christ, le sauveur des hommes? >>

1 Tous ces arguments furent répétés depuis dans une dispute qui eut lieu en 1532 à Strasbourg entre les luthériens et les anabaptistes. - Voyez Bullinger, Adversus anabaptistas, lib. II, cap. x....

Alors l'anabaptiste s'inspirait, levait les yeux, se recueillait, puis, d'une voix de prophète, annonçait qu'il venait au nom de l'Éternel. En songe, le Seigneur lui avait dit : « Réveille-toi, prends la route d'Augsbourg; voici que je serai avec toi dans le chemin, que je te précéderai comme autrefois l'étoile lumineuse précédait les mages. Je mettrai la sagesse dans ta bouche; tu prêcheras ma parole au peuple de la ville impériale; j'amollirai les cœurs, et des ruisseaux de miel couleront de tes lèvres. >>

Ordinairement quelques hommes d'armes envoyés par le sénat mettaient fin à cette scène religieuse. L'anabaptiste descendait de chaire et allait ameuter plus loin le peuple.

Ailleurs, un autre prédicant venu de Munster convoquait ses auditeurs à une conférence en plein vent. C'était un des mille théologiens nés au soleil de cette nouvelle Sion des temps modernes, que saluaient dans leurs rêves tous ces sectaires dont Luther avait troublé le cerveau. Fanatiques qui voulaient jouer le rôle du Saxon, se disaient prophètes, et se conféraient les noms d'Elie, d'Enoch, de Moïse; pauvres malades dont la Captivité de Babylone avait égaré la raison; intelligences sans études, sorties tout à coup de la foule où elles devaient mourir, et qui, perverties par la lecture de livres hérétiques, se croyaient appelées à régénérer le monde.

Véritable Thébaïde du désert avant l'apparition de Luther, dormant tranquille sous la houlette de ses pasteurs', Munster était tout à coup devenue une ville de trouble, de désordres, inquiète, tourmentée de son obscurité, et aspirant à imiter Wittemberg. Elle était riche, commerçante, et cultivait avec assez de succès les lettres humaines. Son université avait jeté quelque éclat dans le monde savant.

Meshovius, lib. VI.

Elle aimait l'antiquité, la Grèce surtout, dont elle avait interprété ou élucidé les poëtes. C'était toute sa passion, jusqu'au temps où ses portes s'ouvrirent à des disciples du Saxon; alors cette cité demi-grecque, demi-latine par ses mœurs et ses instincts, se jeta dans la dispute théologique, et ses professeurs abandonnèrent l'étude de Cicéron et d'Homère pour commenter les livres saints. Dieu sait combien dans ces saints livres ils trouvèrent de choses nouvelles que n'avaient jamais enseignées nos prêtres! Donc toutes les divinités classiques s'en vont de Munster à la fois, comme les hirondelles au printemps, mais pour n'y plus revenir; et à leur place une scolastique pointilleuse y vient troubler le repos des écoliers, des maîtres et du peuple.

C'est le moment où apparaît un prétendu restaurateur de la parole évangélique. Bernard Rothmann, desservant de Saint-Maurice-hors-des-Murs, avait commencé depuis quelque temps à prêcher les doctrines de Luther. Le sénat, qui redoutait la parole entraînante de l'orateur, lui donna l'ordre de quitter la ville et d'aller à Cologne étudier la théologie, qu'il n'avait guère pratiquée. Rothmann partit, emportant une somme assez forte qu'il avait reçue pour achever ses études, et qu'il dépensa sur la grande route. Il prit le chemin de Wittemberg, où il vit fréquemment Luther. De retour à Munster, il rentre dans son église, et recommence ses conférences religieuses, cette fois pour attaquer beaucoup moins la doctrine que la personne du prêtre catholique. Le franciscain Jean de Deventer avait prêché le jour de Saint-Lambert sur le purgatoire : au sortir du sermon, Rothmann ameute les passants contre le religieux, qu'il traite de mécréant et de fils de Satan. L'évêque l'interdit, mais Rothmann se rit publiquement des menaces du prélat, et se met à tracer trente articles symboliques que tout chrétien doit adopter s'il veut gagner le ciel. Le curé de Saint-Maurice fait fermer les portes de l'é

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