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glise à ce prédicant furieux; mais à côté du temple était un charnier, où, à l'aide de quelques planches vermoulues, Rothmann a bientôt improvisé une chaire, du haut de laquelle il se met à tonner contre les images. A peine le prêtre avait-il terminé son dithyrambe, que ses auditeurs se précipitent dans les églises, dont ils brisent les autels. Mais Rothmann avait été séduit surtout par Zwingli.

C'était un véritable fanatique du sens tropique révélé au curé d'Einsiedeln. Pour décrier le dogme catholique, il mêlait dans un même plat du pain et du vin, dont il faisait une sorte de potage qu'il distribuait à ses communiants. Un jour, pour prouver que le corps du Christ n'est pas sous les espèces du pain et du vin, il prit une hostie qu'il brisa et foula aux pieds, en s'écriant : « Où donc sont la chair et le sang? Si Dieu était là, vous le verriez s'élever de terre, et se poser sur l'autel '. >>>

Ordinairement, le soir, Rothmann et quelques-uns de ses disciples se réunissaient dans les jardins du syndic Wigger, pour discuter les articles de la symbolique nouvelle qui devait régir la Jérusalem céleste, dont Dieu allait livrer l'empire à son prophète. Parmi les auditeurs était la femme du syndic, qui se prit d'une véritable passion pour Rothmann, qu'elle épousa après avoir empoisonné son mari 2.

1 Anfangs hatte er Semmel und Wein in eine große Schüssel gethan, und die Communicanten daraus zugreifen lassen. Nachmals hielt er das Abendmahl mit Oblaten, war aber so eifrig dabei die Lehre von der leiblichen Gegenwart zu widerlegen, daß er wohl die Oblaten zerbrach und mit den Worten zur Erde warf Seht, wo ist hier Blut und Fleisch? Wenn das Gott wäre, würde er sich wohl von der Erde aufheben und an den Altar stellen. — Dopii, Wahrhaftige Historie wie das Evangelium zu Münster angefangen 1556.

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2 Habebant conjugem mirabilem quæ cœpit insanire amore Rothmanni, quapropter et virum veneno interemit. Locorum communium collectanea à Johanne Manlio excerpta, p. 483. — M. Ranke, dans le tome ill de son Histoire de la Réformation, p. 557, note, trouve une grande analogie entre la doctrine religieuse que Rothmann professe dans son : Von tidliker und irdischer Gewalt, et celle que Robespierre proclamait le 8 juin 1794.

Cependant quelques anabaptistes chassés de diverses parties de l'Allemagne vinrent se réfugier à Munster; c'étaient des disciples de Melchior Hoffmann, le prophète de Souabe, qui promenait depuis quelque temps ses folies extatiques en Belgique et en Hollande1. Ils eurent plusieurs conférences avec Rothmann, qui, vaincu par leurs arguments, ou peut-être irrité contre Luther, qui venait de condamner les troubles de Munster, se convertit à l'anabaptisme, dont il devint l'un des apôtres les plus fervents. Mais cette nouvelle apostasie fit tort à sa fortune. Jean Bockelson, tailleur à Leyde, et Jean Mattys, brasseur à Harlem, arrivés tout récemment à Munster, et qui se vantaient hautement d'un commerce intime avec la Divinité, devinrent bientôt l'idole de la populace. Comme Hoffmann, de retour depuis quelques semaines à Munster, avait la parole facile, ornée, qu'il improvisait, et connaissait assez bien les livres saints, Bockelson, qui prit bientôt le nom de Jean de Leyde, le choisit pour son orateur et son secrétaire. Henri Rulle, moine de Harlem, donna le signal de ces scènes d'épilepsie où les malheureux habitants de Munster devaient voir si longtemps des manifestations divines. Il se roulait à terre, se tordait les bras, rugissait, écumait, et de ses lèvres souillées de bave appelait le Christ le Christ, au dire des fanatiques, ne tardait pas à descendre du ciel. La crise cessait, et le démoniaque annonçait que Dieu venait de lui apparaître, et que le moment était venu de faire pénitence. Faire pénitence, c'était démolir les églises, raser les monastères, briser les images, fondre les vases sacrés pour en distribuer le produit aux pauvres; piller les riches, et hâter le règne de la Jérusalem céleste, où les enfants de Dieu partageraient le même pain et la même femme. Un autre prophète tomba bientôt

Ranke, 1. c., t. III, p. 531.

la face contre terre, et, du ruisseau où il se roulait, annonça que Dieu ordonnait au peuple de Munster de se choisir pour chef Jean de Leyde; et Munster eut son monarque1.

Jean de Leyde eut bientôt une maison royale; devant lui marchaient deux jeunes gens de famille, l'un portant la couronne, l'autre l'épée nue de Sa Majesté sur la place publique s'élevait un trône couvert de drap d'or où elle s'asseyait pour rendre justice.

Le 27 février, les anabaptistes s'étaient réunis à l'hôtel de ville. Pendant qu'ils priaient à genoux, le prophète paraissait plongé dans un profond sommeil; tout à coup Jean de Leyde se réveille, et, jetant un regard effaré sur la multitude, déclare que Dieu vient de lui révéler sa céleste volonté. « Arrière les enfants d'Ésau! s'écrie-t-il, l'héritage du Seigneur appartient aux enfants de Jacob. » Alors la multitude, comme si elle eût reçu un message d'en haut, crie d'une seule voix : « Arrière les enfants d'Esaü ! » et tous les anabaptistes descendent précipitamment les degrés de l'hôtel de ville, enfoncent les portes qu'on fermait sur leur passage, et chassent devant eux tous ceux qui refusent de se faire rebaptiser. Kersenbroik, témoin oculaire de ces affreuses violences, accomplies au moment où un chaud soleil venait de faire fondre la neige qui couvrait le sol, nous montre de pauvres petits enfants donnant la main à leurs pères, des mères qui tenaient dans les bras leur nouveauné, des vieillards appuyés sur leur bâton, auxquels on ar rachait à la porte de la ville leur dernier liard, leur dernier morceau de pain 2.

Les anabaptistes étaient maîtres de Munster.

Un édit parut qui enjoignit, au nom du Christ et de son Evangile, de raser toutes les églises. Le peuple obéit. On

Menzel, Neuere Geschichte der Deutschen, t. II, p. 52.
Kersenbroik, Historia anabaptistica, ms.

Gatrou, Hist. des Anabaptistes, liv. II.

vit une multitude qui se disait pleine de l'esprit de Dieu sc ruer sur les portes des temples, les briser à coups de hache, incendier les orgues et les chaires, traîner les statues et les tableaux sur la place publique, où un vaste brasier les réduisait bientôt en cendres, tirer les reliques de leurs châsses, jeter au vent les os des anciens martyrs, boire dans les vases sacrés, et finir, à la lumière des cierges allumés, par accomplir dans le saint lieu le précepte donné à nos premiers pères, de croître et de multiplier.

Ce jour de profanation, Munster fut surnommé la nouvelle Sion, et un rescrit, affiché par ordre de Jean de Leyde, décida qu'il n'y avait désormais qu'un livre nécessaire au salut, la Bible, et qu'il fallait brûler tous les autres comme inutiles ou dangereux. Deux heures après périssait dans les flammes la bibliothèque de Rodolphe Lange, presque toute composée de manuscrits grecs et latins 1.

Après cette double victoire sur les vivants et sur les morts, les anabaptistes songèrent à s'organiser. Un ordre du prophète, affiché et crié dans toutes les rues, enjoignait à chaque habitant d'apporter à l'hôtel de ville tout ce qu'il possédait d'or et d'argent on obéit sans murmurer. Personne ne pouvait plus rien posséder en propre dans la nouvelle société tous les biens étaient communs, la femme était considérée comme un trésor dont chaque membre avait la jouissance. Les titres de serrurier, de tailleur, de cordonnier, se donnaient comme des charges honorifiques. A midi et le soir de vastes tables étaient préparées où l'on mangeait en commun. A chaque table étaient attachés à tour de rôle un frère et une sœur qui servaient les convives, pendant que du haut d'une chaire en bois on faisait lecture de la Bible 2.

1 Meshovius.

Catrou, Hist. des Anab., liv. V, p. 101.

2 Ordinatio politici regiminis à 12 senioribus recens introducta (§ 9). Ut in rebus administrandis legitimus servetur ordo, præfecti hujus rei, officii

Cependant quelques vieux restes de bourgeoisie essayèrent, sous la conduite d'un orfévre nommé Mollenhoch, d'organiser une opposition aux prophètes. Ils eurent d'abord quelques succès; mais le peuple, les ouvriers surtout, qui avaient goûté des douceurs d'une vie sans travail, se réunirent, attaquèrent et défirent, après une lutte sanglante, les partisans de Mollenhoch. La vengeance du prophète fut terrible. Knipperdolling fut chargé du rôle de bourreau chaque matin il coupait la tête de quelques vaincus'.

Mais Dicu prit enfin pitié de sa vieille Église de Munster. Elle avait pour évêque un homme jeune encore, plein d'un male courage, au besoin prêt, comme son chapitre lui en faisait une loi, à revêtir la lance du soldat pour défendre la foi de ses ouailles. A la vue de ces prélats allemands armés de pied en cap, et que nous rencontrons si souvent dans l'Allemagne féodale, chevauchant sur un cheval de bataille, notre surprise est grande. Cet étonnement cesserait si nous avions étudié la constitution de l'empire germanique nous saurions alors qu'à la voix du chapitre l'évêque, qui, dans ces temps éloignés, bénissait et se battait, avait dans ses écuries un cheval toujours sellé, des armes toujours prêtes, pour défendre jusqu'à l'effusion du sang les droits de ses administrés. Le nouvel évêque était le comte de Waldeck, qui vint mettre le siége devant Munster.

Les assiégés, qui se croient illuminés d'en haut, obéissent à Jean de Leyde comme à un autre Moïse. Jean de Leyde les réunit sur la place publique, et, leur présentant un morceau de pain :

sui memores, ejusdem generis fercula usi hactenus, fieri consuevit singulis diebus fratribus sororibusque in disjunctis et disparatis mensis modesti et cum verecundiâ sedentibus apponent. Kersenbroik, p. 218.

Pœnæ executio Knipperdollingo committitur, qui singulis diebus aliquos pro arbitrio suo productos et tandem ad unum omnes capite plectit. — Kersenbroik, 1. c.

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