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Luther, pauvre enfant, mais là-haut ta couche sera bien meilleure ! >>

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Le peuple, qui se pressait dans le cimetière, prenait part à la douleur du père, et cherchait à le consoler en disant « Pauvre ami, vous souffrez bien! Merci de votre pitié, répondait Luther, merci ; j'ai dépêché un ange vers le ciel, un bel ange; je vous souhaite à tous une pareille mort, et à moi aussi. — Amen, »> reprit un assistant... A quoi le docteur Martin Luther répondit : « La chair est chair et le sang est le sang; de la joie intérieurement, au dehors de la tristesse; c'est la chair qui pleure et se plaint. >>

D'autres s'approchaient pour l'encourager. « Non, non, je ne suis pas triste, disait le docteur, mon bel ange est au ciel. » Des ouvriers venaient chanter sur le bord de la tombe « Que Dieu ne se ressouvienne plus de nos iniquités passées. Seigneur, Seigneur, ajoutait Luther, ni de nos péchés du jour ni de nos péchés du lendemain. >>

:

Au moment où le fossoyeur jetait de la terre sur la bière « Voilà, s'écria le docteur, la résurrection de la chair ma fille est au ciel corps et âme, c'est l'ordre et la promesse de Dieu; de quoi nous plaindrions - nous? N'est-ce pas sa volonté qui s'accomplit? Nous sommes les enfants de l'éternité, j'ai enfanté une sainte au Seigneur.»

Quand la bière eut été recouverte de terre, on plaça sur la tombe.une petite pierre qui portait le nom de la jeune fille, son âge et le jour de sa mort, et une sentence tirée des livres saints. Plus tard, lorsque Luther put se remettre au travail, il composa, pour placer sur le cippe funèbre, cette inscription latine, si pleine de douce mélancolie et de résignation à Dieu :

Dormio cum sanctis hic Magdalena Lutheri

Filia, et hoc strato tecta quiesco meo;
Filia mortis eram, peccati semine nata,

Sanguine sed vivo, CHRISTE, redempta tuo.

« Moi, Madeleine, la fille de Luther, je dors ici avec les saints, et je repose dans ma couche: enfant de la mort, engendrée du péché, mais rachetée par le sang immortel du Christ1. >>

Nous avons cherché cette tombe dans le cimetière de Wittemberg, et nous ne l'avons pas trouvée.

Cette mort frappa Luther au cœur. Il la regarda comme un avertissement du ciel; c'était un autre coup de foudre le premier lui avait enlevé son ami d'enfance, le jeune Alexis; le second lui ravissait la joie de ses vieux jours, une fille adorée. A partir de cette époque, le moindre de ses billets est empreint d'une indéfinissable mélancolie: l'aile de la mort s'étend sur toutes ses pensées.

A la réception d'une lettre de l'électeur qui lui promet de longs jours encore, il secoue la tête et répond à son noble ami: «La cruche est allée bien souvent à la fontaine, elle finira par se briser 2. »

Un jour qu'il prêchait, il tira les larmes des yeux de tous les assistants en leur annonçant sa fin prochaine : « Le monde est soûl de moi, disait-il, et je suis soûl de lui : le divorce se fera bientôt. C'est un voyageur qui dit adieu à son hôtellerie. »

Depuis longtemps, il avait voulu régler ses affaires de famille. Enfermé dans sa cellule, il écrivit son tes

tament.

« Moi, Martin Luther, docteur, par les présentes signées de ma main, je donne et lègue à ma chère femme Catherine, pour en jouir sa vie durant et suivant son bon plaisir :

1 Tisch-Reten, P. 495-196.

Der Krug ist zum Brunnen getragen worden, und wird auf einmal brechen.

1° ma petite propriété de Zeilsdorf, telle que je l'ai achetée, meublée et agencée; 2o la maison de la fontaine (zum Brunnen), dont j'ai fait acquisition sous le nom de Wolf; 3° mes gobelets, mes joyaux, mes bagues et chaînes, mes joyaux d'or et d'argent, qui peuvent valoir environ mille gouldes...

« Je fais ces dispositions :

« 1° Parce qu'elle m'a toujours aimé et chéri, qu'elle s'est toujours conduite en digne et honnête femme, et que, par une grâce particulière du Seigneur, elle m'a donné et m'a élevé cinq enfants, encore vivants, que Dieu con

serve;

<«< 2o Afin qu'elle se charge d'acquitter mes dettes, si je ne le puis avant ma mort, lesquelles peuvent bien s'élever à quatre cent cinquante gouldes, et peut-être davantage;

« 3o Et surtout parce que je veux qu'elle ne dépende pas de ses enfants, mais ses enfants d'elle, suivant le précepte de Dieu...

« Je prie tous mes bons amis de servir de protecteurs à ma chère Kétha, de la défendre contre les mauvaises langues qui l'accuseraient de garder pour elle de l'argent caché au détriment de mes pauvres enfants; car, à l'exception desdits gobelets et joyaux, j'affirme que je n'ai trésor d'aucune espèce. Cela est bien facile à comprendre; car il n'est pas un petit grain de mes revenus qui n'ait passé en bâtisses, en achats, en entretien de ménage, et c'est même une grande bénédiction du ciel que j'aie pu suffire à tous mes besoins sans faire d'autres dettes.

«< ........................... Je demande enfin que, si je n'ai pas employé dans ce testament les formules de droit, on veuille bien reconnaître ici la main d'un homme suffisamment counu au ciel, sur la terre et dans les enfers, et à qui on doit foi beaucoup plus qu'à aucun notaire. Si Dieu a bien voulu se fier à moi, pauvre créature toute chargée de souillures et

de péchés; s'il m'a donné d'annoncer l'Évangile de son cher Fils; s'il m'a béni dans ma fidélité; si, grâce à moi, beaucoup d'âmes ont embrassé cet Évangile et m'ont tenu pour son apôtre, malgré les excommunications des papes, des empereurs, des rois, des princes et des moines, et la colère du diable, on peut bien croire à mon témoignage dans ces dispositions de si peu d'importance, surtout quand ma signature est si connue. J'espère qu'il suffira qu'on puisse dire : Ceci est de la main de Luther, notaire de Dieu et témoin de son Evangile 1. »

Seckendorf, lib. III, p. 651.

CHAPITRE XXI

TENTATIONS ET DOUTES

Le doute, la plus cruelle des tentations auxquelles Luther est en proie. - Prostration psychologique du docteur. Révélations à ce sujet, extraites de ses lettres

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De toutes les souffrances que Luther endura, la plus cruelle, ce fut le doute. Il y a comme deux grandes époques dans l'existence du réformateur, l'une qui part du jour où nous le voyons afficher ses thèses sur l'église de Tous-les-Saints, à Wittemberg, et se continue jusqu'à la révolte de Carlstadt, son premier apôtre; l'autre qui commence au berceau de l'anabaptisme et finit à Augsbourg. Dans la première moitié de cette vie de combats sans relâche, il n'a pour adversaires que des « papistes, » et, comme d'avance il les a damnés dans ce monde et dans l'autre, il ne s'émeut guère de leur critique ou de leurs arguments; ce sont autant de mauvais anges. Dans l'autre période, il a pour antagonistes ses fils mêmes, ceux qu'il croit avoir engendrés à son Christ. C'est seulement alors que le doute, avec ses angoisses de corps et d'âme, vient le

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