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de jeunes filles, d'enfants, qui tous fondaient en larmes. La foule était grande; elle se pressait dans les rues et sur les toits des maisons. Quand le corps fut arrivé à l'église du château et qu'on l'eut déposé au pied de la chaire, on cntonna des cantiques funèbres, et Pomeranus prononça un discours qu'il interrompit souvent par des larmes et des sanglots. Il compara Luther à l'ange de l'Apocalypse, et rappela la prophétie de Huss au milieu des flammes, et la voix du « martyr » qui annonçait la venue du docteur Martin. Il parla de la mort chrétienne, des souffrances, de la maladie de Luther, et des vœux qui s'étaient échappés de ses lèvres à demi fermées, et dont le Seigneur hâterait l'accomplissement. Il montra la main de Luther écrivant sur la muraille : « Vivant, j'étais pour toi la peste; mort, je serai pour toi la mort; » et il comptait, joyeux, les jours qui restaient encore à la papauté!

Mélanchthon le remplaça, et retraça dans un long discours les travaux de « l'apôtre de l'Allemagne. »

Les chants recommencèrent. Quand ils eurent cessé, on descendit le corps dans le caveau fraîchement ouvert en face de la chaire; puis le caveau fut fermé et scellé, et recouvert d'une plaque de cuivre où l'on avait gravé l'inscription latine qui suit :

Martini Lutheri S. Theologiæ doctoris corpus h. 1. s. e. qui anno Christi MDXLVI, xп Cal. Martii Eyslebii in patria S. M. O. C. V. ann. LXII M II D X1.

L'année suivante Wittemberg assiégé fut pris. CharlesQuint voulut voir le tombeau du réformateur. Les mains

Dr. Franz Volkmar Reinhard's sämmtliche Reformationspredigten, t. III, P. 441.

Mélanchthon avait proposé pour la tombe de son maître l'inscription sui

vante :

Qui Christum docuit purè et bona plurima fecit
Lutheri hâc urna molliter ossa cubant.

croisées sur la poitrine, il lisait l'inscription, lorsqu'un de ses officiers lui demanda la permission d'ouvrir la tombe et de jeter au vent les cendres de l'hérétique. L'œil du monarque s'enflamma.

« Je ne suis pas venu, dit-il, pour faire la guerre aux morts; j'ai bien assez des vivants. >>

Et il quitta le temple.

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Détresse de Catherine Bora. Sa mort. Souvenirs de Luther à Eisleben, à Erfurt, etc., etc.

Les princes réformés oublièrent bien vite la veuve de Luther après quelques années, Catherine Bora, délaissée, manquait de pain pour nourrir ses enfants. Elle était réduite à mendier quelques aumônes pour la veuve du réformateur; mais ses prières ni ses larmes n'étaient entendues. Mélanchthon, dans une lettre à son ami Justus Jonas, se lamente sur la dureté des grands de la terre. << Ils s'élèvent contre nous, dit-il, ou nous oublient! Un seul a pris pitié de nous, c'est le roi de Danemark, qui vient d'envoyer une petite somme à la veuve du bienheureux1. »

Il paraît que la pitié du monarque se lassa bientôt. Une lettre de Pomeranus adressée à Christiern III resta sans réponse: elle était bien pressante, cependant. « Que votre Majesté daigne jeter les yeux sur le sort d'une pauvre veuve qui n'a pas de quoi nourrir et élever ses enfants; nous l'en

Epist. 93, Just. Jonæ.

conjurons au nom de Luther, dont le souvenir vivra éternellement1. >>

Catherine résolut alors d'émouvoir le cœur du prince. Elle lui écrivit une lettre où, reconnaissante du secours de cinquante thalers qu'elle en avait reçu il y avait peu d'années, elle appelait de nouveau la charité du roi sur le sort d'une veuve que les malheurs du temps avaient réduite à la dernière misère, et qui n'avait pas de pain pour nourrir sa famille.

Cette lettre, qui porte la date du 6 octobre 1550, ne fut pas plus heureuse que celles de Mélanchthon et de Pomera nus2. Catherine se rappela douloureusement la prophétique parole de Luther sur l'abandon où les princes laisseraient ce qu'il avait de plus cher au monde.

En 1547, Wittemberg fut assiégé par les troupes de l'empereur Charles-Quint. Bora était malade et souffrait de la faim personne ne vint lui donner du pain, qu'elle demandait. La peste la força de quitter la ville où reposaient les cendres du docteur.

En 1552, le jour de la Saint-Thomas, on affichait à la porte de l'église paroissiale de Torgau l'avis suivant.s du recteur Paul Eber :

gné

<< Catherine Bora vient de mourir. Cette noble dame était réservée à toutes sortes d'afflictions. Ce fut pour elle une grande peine de ne pouvoir ni assister son époux dans sa dernière maladie, ni lui fermer les yeux, ni lui rendre les derniers devoirs... Vint la guerre, qui la força de s'exiler, et un fléau plus douloureux pour son cœur, l'ingratitude de ses concitoyens. La peste la surprit, et, pour échapper à la mort qui la menaçait, elle, pauvre veuve, prit ses enfants et partit pour un autre pays. En route, ses chevaux s'effarouchèrent; le char qu'elle montait fut renversé; elle

↑ Relat. manusc. omnis ævi, Joannis Petri de Ludewig. 2 Danisch. Vibt., p. 160.

tomba dans une mare d'eau, où la peur, plus encore que la chute, détermina bientôt une maladie qui, au bout de trois semaines, la mit au tombeau. Pendant tout le temps

que dura sa maladie, elle se consola en Dieu et dans sa parole, soupirant doucement après une autre vie, recommandant ses enfants au Seigneur, et conjurant l'Esprit-Saint de rétablir cette unité d'enseignement, objet des efforts de son pieux époux, et qui, depuis sa mort, avait été si malheureusement troublée.

«L'enterrement aura lieu aujourd'hui à trois heures; nous prions donc vivement nos paroissiens de se rassembler en la demeure de la veuve; dans la rue qui aboutit au château, pour rendre à cette digne femme les derniers devoirs1. »

Les restes de Catherine reposent dans l'église paroissiale de Torgau. Une pierre les recouvre, sur laquelle la compagne de Luther est représentée de grandeur naturelle, tenant en main `une Bible ouverte. Au-dessus de la tête, à droite, sont les armes de Luther; à gauche, celles de sa femme, un lion dans un champ d'or, et dans le heaume une queue de paon. Sur les quatre bandes, on lit en langue allemande cette inscription:

« L'an 1552, le 20 décembre, s'est endormie dans le Seigneur, à Torgau, la veuve du docteur Martin Luther. Katharina de Bora2. »

Les Petites Affiches d'Altona du 15 novembre 1837 contenaient une annonce sous le titre des Orphelins de Luther. « Ce sont les enfants de Joseph-Charles Luther, né à

Meyer, in Intimationibus Wittemb., anno 1553.-Nas, t. I, Scriptorum publicè propositorum. Wittemberg, p. 441.

2

Anno 1552, den 20sten December, ist in Gott selig entschlafen allhier zu Torgau, Herrn Dr. Martini Lutheri selige Wittwe, Catharina von Bora. Bredow, dans l'Almanach (Minerva) de 1813, a donné une notice détaillée sur la vie de Catherine.

Cette pierre tumulaire a été gravée dans le livre de Juncker: Ehrengedächtniß Lutheri, p. 247.

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