Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

CHAPITRE V

INFLUENCES MORALES ET LITTÉRAIRES DE LA RÉFORME

Accusations d'intolérance, d'obscurantisme, de mensonge, qu'Erasme porte contre les réformateurs. Il n'a pas tout dit. -- - Funestes influences de la réformation sur les mœurs et les lettres, avouées par Luther, Mélanchthon, Pirkheimer, etc.

Il y eut un moment en Allemagne où, l'erreur triomphant, on put dire à haute voix, sans crainte de contradiction, que la réforme avait ennobli l'homme, épuré la société, et ressuscité les lettres; que Luther devait être béni comme un envoyé du ciel, parce qu'il avait régénéré l'entendement, agrandi la sphère de l'intelligence, et détruit la superstition. Alors aucune voix à Wittemberg n'eût osé, ainsi que nous l'a dit Cochlée, repousser ces calomnies contre le catholicisme, qui n'avait pas d'imprimerie pour les réfuter. Trois siècles après, ces mêmes mensonges étaient couronnés en plein Institut, et le livre où ils étaient déposés, et qui outrageait à la fois la vérité et le goût, était proclamé une œuvre de philosophe et d'artiste.

Aujourd'hui, qui voudrait signer l'écrit de M. Charles

Villers? Quelques années ont fait justice de ses admirations et de ses paradoxes!

De même au temps de Luther. Après la mort d'Erasme, quand les colères religieuses commençaient à s'apaiser, parut la correspondance du philosophe, publiée par Froben de Bâle, fort peu soucieux, du reste, des dogmes catholiques, et justice aussi fut faite des folles prétentions de la réforme. Cochlée eût été suspect, Erasme ne saurait l'être écoutons-le donc, ce roi des intelligences :

:

« J'aime à entendre Luther nous dire qu'il ne veut pas qu'on dépouille de leurs revenus les prêtres et les moines qui n'ont pas de quoi vivre. A Strasbourg, peutêtre 2; mais ailleurs?..... Il y a de quoi rire, vraiment: à qui veut quitter le froc on donne la nourriture: aille au diable qui veut le garder! Riez donc encore en les entendant protester que leur intention est de ne faire de mal à personne... Qu'est-ce à dire? Est-ce ne pas faire de mal que de chasser les chanoines de leur collégiale, les moines de leur monastère, de dépouiller de leurs richesses les évêques et les abbés 3?

[ocr errors]

Nous ne tuons pas ! Mais à qui la faute? A ceux qui prudemment prennent la fuite! Et les pirates non plus ne tuent pas, si on ne leur résiste!

[ocr errors]

Nous laissons vivre en paix au milieu de nous nos ennemis. — Qu'appelez-vous vos ennemis ? tous les catholiques? Et nos évêques et nos prêtres, les croyez-vous en sûreté au sein de vos cités? Si vous êtes si doux, si tolérants, pourquoi donc tant d'émigrations? pourquoi ces concerts de plaintes qui s'élèvent jusqu'au trône?

In pseud.-evangelicos, lib. XXXI, ep. 47. Lond. Flesher. Érasme se trompe Capiton, à Strasbourg, occupait le presbytère de Saint-Pierre-le-Jeune, d'où le curé avait été chassé.

3 Autre erreur Sickingen et les gantelets de fer mutilaient et tuaient des moines et des prêtres.

[ocr errors]

«<- Il leur est permis d'habiter parmi nous, sous la sauvegarde du droit des gens. Oui, si tu ne viens à nos leçons, tu ne recevras rien; veux-tu bien tel jour de l'année ne pas aller en pèlerinage! Veux-tu bien ne pas entendre la messe, ni communier dans une chapelle catholique, ou je te mettrai à l'amende ! Si, au temps de Pâques, tu ne t'approches de notre sainte table, crains le jugement du sénat!

((- Plus que personne au monde nous abhorrons les dissensions... tout notre désir est de conserver la paix avec les puissances de la terre... Mais alors pourquoi renverser les temples qu'elles ont élevés?

«<- Quand les princes commandent l'impiété, nous nous contentons de mépriser leurs ordres. Impiété ! vous voulez dire ce qui vous déplaît ? Mais vous oubliez donc que vous avez refusé à Charles-Quint et à Ferdinand les subsides nécessaires pour faire la guerre au Turc, d'après les conseils de Luther, qui chante à cette heure la palinodie? Est-ce que les évangélistes n'ont pas fait entendre ces cris étranges: <«< qu'ils préféreraient se battre pour le Turc «< non baptisé plutôt que pour le Turc baptisé, c'est-à-dire << pour l'empereur ?» N'y a-t-il pas de quoi mourir de rire ? Vous dites : « A celui qui vous frappe la joue droite pré« sentez aussitôt la gauche; à qui enlève la robe donnez la «< chemise... » Et moi j'en sais un qui a été jeté en prison pour un mot échappé contre vos prêtres, et un autre qu'on a été sur le point de mettre à mort... Je n'ai pas besoin de parler de la mansuétude de Zwingli. Si vous pratiquez si bien le précepte de l'Evangile, pourquoi cette nuée de pamphlets que vous vous jetez à la tête? Zwingli à la tête d'Emser; Luther à la tête du roi d'Angleterre, du duc

Le curé d'Einsiedeln disait au sujet de Félix Manz, l'anabaptiste : Qui iterum mergunt, mergantur. Limborch. Int., p. 71.

-

Georges de Saxe et de l'empereur; Jonas à la tête de Faber'; Hutten et Luther à la tête d'Erasme?

« Ces gens-là sément à pleines mains la calomnie. En voici un qui dit avoir connu un chanoine qui se plaint de ne pas trouver à Zurich le plus petit lupanar, tandis qu'avant la venue de Zwingli il y en avait de fort bien tenus et en grand nombre. J'ai montré au chanoine en question la page de la lettre, et il m'a affirmé en riant de pitié que jamais semblable propos n'était sorti de sa bouche. C'est avec la même candeur qu'ils reprochent à un autre prêtre de courir les femmes, quand moi, qui l'ai connu intimement, j'affirme, et tous ceux qui le connaissent rendront le même témoignage, qu'on n'a rien à lui reprocher, ni en paroles ni en actions. Ils en veulent au chanoine, parce que le chanoine a fort mauvaise opinion des sectaires; au prêtre, parce qu'inclinant d'abord pour leur doctrine, il s'est hâté de l'abandonner...

<< Ils m'en veulent à moi, parce que je ne cesse de dire que leur évangile refroidit l'amour pour les lettres; et ils me citent Nuremberg, où les professeurs sont largement rétribués. Soit; mais consultez les habitants, ils dirontque ces professeurs n'ont presque pas d'écoliers; que le maître est aussi paresseux pour professer que l'écolier pour assister à la leçon, en sorte qu'il serait nécessaire de salarier l'écolier autant que le maître. Je ne sais ce que produiront toutes ces écoles de villes et de bourgs, mais jusqu'à présent connaissez-vous quelqu'un qui en soit sorti avec une teinture des lettres ?

« Comment ne pas s'indigner en voyant ces hommes de nouveauté se comparer aux apôtres et au Christ; se vanter orgueilleusement d'annoncer le Seigneur, de proclamer la vérité, de répandre le goût des lettres, comme si parmi

Faber est connu par le livre: De Antilogiis Lutheri.

4.

nous on ne trouvait ni christianisme, ni science, ni évangile!... Écoutez-les parler des papes, des cardinaux, des évêques, des prêtres, des moines; à les entendre, ce sont des êtres de mauvaise vie, de doctrines sataniques. Ils célèbrent en termes magnifiques la pureté des mœurs, l'innocence, la piété de leurs disciples! comme si je ne pouvais pas citer telle de leurs villes où le libertinage, l'adultère, vont la tête levée; comme si Luther n'avait pas été obligé d'envoyer des missionnaires pour ramener tout un peuple qui se précipitait dans la licence; comme si le docteur n'avait pas confessé qu'il aimerait mieux retourner au joug antique des papistes et des moines que de faire cause commune avec ces hommes de dissolution; comme si Mélanchthon n'avait pas fait le même aveu, et OEcolampade aussi!... Écoutez-les vous dire qu'ils marchent à la lumière du Saint-Esprit. Mais cette lumière, quand elle illumine, elle brille dans les actes, dans l'oeil et sur le front de l'homme inspiré. Si Zwingli et Bucer sont tout remplis de ce souffle d'en haut, pourquoi parmi nous autres catholiques ne trouverions-nous pas de ces âmes privilégiées ? »

Voilà de nobles paroles que la vérité arrache à un écrivain qui s'était montré d'abord si favorable à Luther.

Et le philosophe n'a pas tout dit. Achevons le tableau, presque toujours en nous servant du témoignage de protestants contemporains.

Luther et Mélanchthon étaient partis de Wittemberg pour visiter les contrées d'où le catholicisme avait été chassé; mais quel spectacle s'offrit à leurs regards attristes! la plupart des paroisses qui avaient reçu la parole nouvelle manquaient de pasteurs. Dans les campagnes, les ministres évangéliques avaient à peine de quoi vivre. De retour de leur voyage, Mélanchthon et Luther firent en

1 Melanchthon Camerario. Corpus Ref., t. I, p. 881.

« ZurückWeiter »