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tendre des plaintes amères1; mais l'électeur Jean ne les écouta pas. « Personne au monde n'a moins de souci de l'Évangile, écrivait tristement Mélanchthon à son ami Myconius, que ces princes qui s'en sont déclarés fastueusement les protecteurs. » Et essuyant ses yeux noyés de larmes : « Combien nous avons eu tort, ajoutait-il, de faire entrer la théologie chez les princes! Je n'ai jamais formé de plus ardent désir que de sortir au plus tôt de leurs demeures funestes 3. >>

Les querelles intestines troublaient le repos des communes : partout dans les nouveaux presbytères, l'orgueil, la convoitise, l'ambition. Chaque cité un peu importante avait son pape luthérien*. Osiander, à Nuremberg, se faisait remarquer par son faste et son intolérance. Il lui fallait, à lui et à son ami, des revenus d'évêque. On leur avait d'abord alloué cent écus d'or, ils en demandèrent cent cinquante; leur logement était splendide, leur table royale. Ils n'étaient pas contents: ils exigèrent deux cents écus d'or annuels". Un des ministres de Nuremberg, Thomas Vénatorius, faillit perdre sa place pour s'être permis quelques sages remontrances sur les scandaleuses exigences de ses collègues ".

Luther an den Churfürsten Johann, de Wette, t. II, p. 245. 2 Melanchthon Myconio, Corpus Reform., t. II, p. 259.

3 Valdè peccavimus quòd in aulam importavimus theologiam ; quare nihil in vitâ ardentiùs optavi ut me quamprimùm ex his aulicis deliberationibus prorsùs vel cum magno meo incommodo expediam. — A Veit Dietrich. Corp. Reform., t. II, p. 259.

• Allenthalben streben sie nach Einfluß und Macht : fast jede Stadt und jeder Ort hat seinen lutherischen Papst. — Karl Hagen, I. c., p. 187.

5 Sunt apud nos concionatores bini qui sub initium centum aureorum stipendio ac victu lauto pro se et famulis sunt professi; cæterum, quùm vidissent se jam populo persuasisse, centum quinquaginta exegerunt, ac paulò post ultra habitationem propriam et victum splendidum, ducentos petiere aureos, aut se abituros sunt minati. Pirkheimer Phrygio, Strobel, Beiträge, t. I, p. 495.

"Quibus vero cauponationem verbi hanc obscoenam displicere sensere,

Osiander aimait la représentation. Il ressemblait en chaire à un comédien ses vêtements étaient du drap le plus fin, ses doigts ornés de bagues'.

La plupart des prédicateurs nouveaux montaient en chaire sans s'être préparés, et disaient tout ce qui leur venait sur les lèvres : l'inspiration se refroidissait-elle, ils s'amusaient alors à décrier ou leurs collègues ou leurs paroissiens. « Nos ministres, disait Mélanchthon, ne songent qu'à servir leurs petites passions: c'est le triomphe de leurs vanités colériques qu'ils cherchent partout 3. »

Qu'étaient devenues ces lettres, dont Dalbert, Scultet, Albert, Lang, prenaient un soin si pieux, dans leur diocèse, avant la réforme? Elles étaient ou négligées ou proscrites. Il faut un moment écouter les lamentations de quelques-uns des disciples de Luther, sur le délaissement universel des sciences, provoqué par toutes ces luttes sociales et religieuses que le nouvel Évangile promenait en Allemagne. C'est Éoban Hess (Hessus) qui déplore avec ses amis la chute des études classiques; c'est Glareanus qui reproche aux théologiens de son école d'abandonner l'an

in eos egregiè declamârunt. Venatorius noster nullo victu, sed centum aureorum stipendio tantum concionatur, vir profectò bonus et eruditus, cui quoque multa quùm displicerent, nec is ob ingenii bonitatem dissimulare sciat, quibusdam admodum est exosus, et ni hucusque amici prohibuissent, jampridem ob multam causam esse exautoratus. - Ibid.

Bucer. Zwinglio, 13 aug. 1527. Epist. Zwinglii, t. II, p. 81. — Voyez Liter. Museum, t. II, II' partie, p. 184-95.

* Kommen sie unvorbereitet auf die Kanzel, so sagen sie was ihnen in das Maul kommt; und haben sie sonst keinen Stoff, so werfen sie sich aufs Schimpfen. - Luther an Balth. Thöring, 16 juil. 1528.- De Wette, t. III, p. 352. Voir de curieuses révélations de Luther, sur le sacerdoce réformé, dans ses lettres à Hausmann de Zwickau, 1529, de Wette, t. III, p. 482; à Juste Jonas, 1529, ib., p. 469, à Hausmann et Cordatus, 1529, ib., p. 489. Nostri sic indulgent iracundiæ, ut videantur gloriæ suæ inservire. Melanchth. Balt. Thoring, Corpus Reform., t. I, p. 995. Coban Heß an Jakob Micyllus, sept. 1525. Epist. famil. Marb., p. 42. - Au même, 1526, ib. — A Jean Groning, 1 août 1552.

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tiquité païenne et de faire parade de leur ignorance1; c'est Cuspinien qui, désolé de voir que Nuremberg, autrefois la ville des artistes, ne pense plus qu'au poivre et au safran2, écrit à Pirkheimer : « Je vous le dis en vérité, et je suis prophète, encore un peu de temps, et le culte des lettres s'éteindra. J'avais espéré que vos patriciens auraient quelque souci des sciences antiques; mais je m'étais trompé. Je vais dormir comme Épiménide : je veux jeter au feu toutes mes poétiques inspirations. Votre gymnase élevé par Mélanchthon ne restera pas longtemps debout3. >>

Mais c'est ce pauvre Mélanchthon qui souffre dans ses plus chères affections, lui qui a voué aux lettres tant de sympathie et qui les voit s'exiler de Wittemberg! Les querelles religieuses les en ont chassées. Aux yeux des théologastres qui règnent en maîtres dans cette ville de disputes, le professeur d'humanités n'est plus qu'un pédant dont ils se moquent hautement*. Chaque jour Melanchthon perd quelqu'un de ses écoliers. Autour de sa chaire ne se pressent plus comme autrefois des jeunes gens avides d'écouter la parole de ce grand maître; l'électeur oublie de lui payer ses revenus. « Triste temps, s'écrie le rhéteur, où Homère lui-même serait contraint de mendier des auditeurs! Mon pauvre ami, j'avais un moment espéré de les ramener sur les bancs déserts de l'université, aux douces harmonies de la seconde Olynthienne : quoi de plus mélodieux que cette parole de Démosthènes? mais je ne le vois que trop, notre âge est sourd à ces accents. C'est à peine si de ma chaire j'aperçois autour de moi quelques

1 Glareanus à Pirkheimer, 5 septembre 1525. — Op. Pirkh., p. 316, 317. Hess à Sturziades, p. 137; à Mycillus, ib., p. 50. Quid enim hic agamus inter tantùm mercatores?

25 janv. 1827.- Op. Pirkh., p. 227.

Hic enim et quidem à nostris amicis indignissimè tractor. Non libet câ de re scribere. Camerario, nov. 1526.

rares disciples qui n'ont pas voulu m'abandonner par déférence pour leur maître : je leur sais bien bon gré de leur piété filiale1. >>

1 Nunc tantus est contemptus optimarum rerum, ut nisi gratis offerantur et quidem prælegantur à peritis, mendicare Homerus auditores cogatur... Speravi me suavitate secundæ Olynthiacæ invitaturum esse auditores ad Demosthenem cognoscendum. Quid enim dulcius aut melius eâ oratione cogitari potest? Sed, ut vides, surda est hæc ætas ad hos auditores retinendos. Vix enim paucos retinui auditores qui mei honoris causâ deserere me noluerunt, quibus propter suum erga me officium habeo gratiam. Strobel, 1. c., t. II, p. 184, 187.

Nous recommandons à nos lecteurs le beau tableau littéraire de l'Allemagne avant la réformation, tracé par Carl Hagen dans sa Deutschlands litterarische und religiöse Verhältnisse im Reformations-Zeitalter. Erlangen, 1851, t. I. Ils verront quel éclat jetaient à cette époque les universités d'Allemagne, avec quel succès commençaient à être cultivées les lettres, quels généreux efforts faisait le clergé catholique pour répandre les lumières. Encore une fois, M. Carl Hagen n'est pas catholique.

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Le célibat de Luther. - Prévision des catholiques touchant le mariage du docteur. Luther répond à Argula qui le presse de se narier. Motifs qui, peut-être, ont déterminé Luther à différer d'écouter Argula. Sa lettre à l'archevêque de Mayence. Comment il se venge du cardinal qui refuse de se marier. Hymen inattendu de Luther. Lettre de Justus Jonas à ce sujet. Douleur de Mélanchthon. Chants de joie des moines catholiques. - Épithalame d'Emser. - Caricature de Conrad Wimpina. Lettres d'Erasme à Mauch d'Ulm et à Nicolas Éverard, président du haut conseil de Hollande, sur la maternité précoce de Catherine. Témoignages d'autres écrivains. — Controverse sur l'accouchement de Bora. Rétractation d'Érasne. Ce qu'on doit en penser. Le mariage

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de Luther jugé par Henri VIII. — Influence de cet hymen monacal.

Pour les intelligences que Luther avait séduites, toute chance de retour au catholicisme n'était pas perdue. Entraînées d'abord par cet amour des nouveautés auquel le cœur de l'homme s'abandonne si facilement, elles s'arrêtaient, et, tout étonnées de leur chute, se relevaient et s'armaient du doute comme d'un miroir. Ainsi firent Staupitz, Miltisch, Crotus et tant d'autres dont Luther cachait

1 Ego soleo dissimulare et celare, quantùm possum, ubi aliqui nostrûm

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