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tifiques qui ne nous apprennent qu'à voir les hommes tels qu'ils fe font faits, & méditant fur les premieres & plus fimples opérations de l'ame humaine, j'y crois appercevoir deux principes antérieurs à la raison, dont l'un nous intéresse ardemment à notre bien-être & à la confervation de nousmêmes, & l'autre nous infpire une répugnance naturelle à voir périr ou fouffrir tout être fenfible, & principalement nos femblables. C'eft du concours & de la combinaison que notre esprit eft en état de faire de ces deux principes, fans qu'il foit néceffaire d'y faire entrer celui de la fociabilité, que me paroiffent découler toutes les regles du droit naturel ; regles que la raison est ensuite forcée de rétablir fur d'autres fondemens, quand par fes développemens fucceffifs, elle eft venue à bout d'étouffer la nature.

De cette maniere, on n'eft point obligé

obligé de faire de l'homme un philofophe avant que d'en faire un homme; fes devoirs envers autrui ne lui font pas uniquement dictés par les tardives leçons de la fageffe ; & tant qu'il ne réfiftera point à l'impulfion intérieure de la commifération, il ne fera jamais du mal à un autre homme, ni même à aucun être fenfible; excepté dans le cas légitime où fa confervation fe trouvant intéreffée, il eft obligé de fe donner la préférence à lui-même. Par ce moyen, on termine auffi les anciennes difputes fur la participation des animaux à la loi naturelle ; car il eft clair que, dépourvus de lumieres & de liberté ils ne peuvent reconnoître cette loi; mais tenant en quelque chose à notre nature par la fenfibilité dont ils font doués, on jugera qu'ils doivent auffi participer au droit naturel, & que l'homme eft afsujetti envers eux à quelque efpece de devoirs. Il femble, en effet, que fi je

E

, que

fuis obligé de ne faire aucun mal à mon femblable, c'est moins parce qu'il eft un être raisonnable parce qu'il eft un être fenfible ; qualité qui étant commune à la bête & à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre.

Cette même étude de l'homme originel, de fes vrais befoins, & des principes fondamentaux de fes devoirs, eft encore le feul bon moyen qu'on puifle employer pour lever ces foules de difficultés qui fe préfentent fur l'origine de l'inégalité morale, fur les vrais fondemens du Corps politique, fur les droits réciproques de fes membres, & fur mille autres questions femblables, aufli importantes que mal éclaircies.

En confidérant la fociété humaine d'un regard tranquille & désintéressé, elle ne femble montrer d'abord que la violence des hommes puiflans &

l'oppreffion des foibles : l'efprit se révolte contre la dureté des uns, on eft porté à déplorer l'aveuglement des autres ; & comme rien n'eft moins ftable parmi les hommes que ces relations extérieures que le hafard produit plus fouvent que la fageffe, & que l'on appelle foibleffe ou puiffance, richeffe ou pauvreté, les établissemens humains paroiffent au premier coupd'œil fondés fur des monceaux de fable mouvant : ce n'eft qu'en les examinant de près, ce n'est qu'après avoir écarté la pouffiere & le fable qui environnent l'édifice, qu'on apperçoit la bafe inébranlable fur laquelle il eft élevé, & qu'on apprend à en refpecter les fondemens. Or, sans l'étude sérieufe de l'homme, de fes facultés naturelles, & de leurs développemens fucceffifs, on ne viendra jamais à bout de faire ces diftinctions, & de séparer dans l'actuelle conftitution des choses, ce qu'a fait la volonté divine,

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d'avec ce que l'art humain a prétendu faire. Les recherches politiques & morales, auxquelles donne lieu l'imporfont tante queftion que j'examine, donc utiles de toutes manieres, &c l'histoire hypothétique des Gouvernemens eft pour l'homme une leçon instructive à tous égards. En confidérant ce que nous ferions devenus, abandonnés à nous-mêmes, nous devons apprendre à bénir celui dont la main bienfaisante, corrigeant nos inftitutions & leur donnant une affiette inébranlable, a prévenu les défordres qui devroient en résulter, & fait naître notre bonheur des moyens qui fembloient devoir combler notre mifere.

Quem te Deus effe

Juffit, & humanâ quâ parte locatus es in re,

Difce.

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