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Messieurs les défenseurs des prérogatives du pouvoir politique, mettez la main sur la conscience, et daignez peser les questions suivantes :

L'Église catholique, même à l'époque où, selon vous, elle abusait de son influence, n'a jamais ambitionné le droit de choisir vos ministres d'État; s'il en est sorti de ses rangs, ce n'est pas elle qui les a envoyés, c'est vous qui êtes allés les prendre. Pourquoi vos ministres d'État s'obstineraient-ils donc à lui choisir ses premiers ministres? Le droit de réciprocité entre le royaume de Jésus-Christ et quelques centaines d'États, les uns grands comme la main, ne vous paraît-il pas raisonnable? Est-ce que, par hasard, le choix d'un évêque, associé pour la vie au gouvernement des âmes et à la gestion des intérêts les plus chers de l'humanité, importerait moins au monde et même à votre État, que le choix d'un chef de ministère, que vous congédierez dans la huitaine?

Que faites-vous donc, Messieurs, quand vous criez aux envahissements du sacerdoce, alors qu'il ne fait que protester contre des empiétements civils encore plus désastreux pour les gouvernements que pour le sacerdoce (1)? Vous outragez du même coup le bon sens, l'histoire et la conscience du monde catholique.

Il y a du vrai dans ce que vous dites, répondrez-vous; mais la bonne harmonie entre les deux puissances n'exiget-elle pas quelques sacrifices, et ceux que supporte l'Église ne sont-ils pas bien payés par la protection que les gouvernements accordent à la Religion?

Oui, certes, bien payés, nous en savons quelque chose! Aussi le Christ, qui récompense avec une munificence divine les défenseurs de son Église, charge-t-il les enfants de la rue d'acquitter la dette de sa reconnaissance envers nos magnifiques protecteurs.

Que voulez-vous? nos politiques se glorifient d'avoir leurs

(1) Oui, plus désastreux, car le sacerdoce est toujours appelé à chanter des Te Deum ou des De profundis sur la tombe des plus forts gouvernements.

principes et d'y rester fidèles; le Christ a aussi les siens, et il ne veut pas qu'on prenne sa patience pour de la faiblesse. Il sait (et qui de nous peut ignorer?) que nous devons à sa religion nos triomphes sur la barbarie païenne, sur la barbarie sauvage, sur la barbarie musulmane, et nos chances de salut contre la barbarie présente : et quand il entend les conducteurs de nations qui ne vivent que des bienfaits de son Église, dire à celle-ci : Partage avec nous le peu que nous t'avons laissé, faute de quoi tes prêtres mourront de faim, et nous donnerons main levée à tes ennemis! n'est-il pas juste qu'il donne main levée à qui il lui plaît, en disant : Jetez-les dans la boue, et que ceux qui ne voudront pas rire gardent un respectueux silence!

Comprenons, enfin, que, souverains, nobles, bourgeois, peuple, nous resterons tous éternellement insolvables envers la religion de Jésus-Christ; que la servir et la défendre, ce n'est pas servir les intérêts du sacerdoce, c'est servir et défendre nos plus précieux intérêts et ceux de chaque État ; que tous, clergé et laïques, nous sommes trop petits, trop faibles, trop misérables, pour protéger la religion, et n'avoir pas besoin d'être protégés par elle contre notre bassesse, notre impuissance et nos misères. Nous entasserions nos grands hommes les uns sur les autres, nous mettrions nos héros bout à bout, que nous ne serions pas de taille à couvrir de notre manteau la rédemptrice du genre humain.

Laissons donc l'Église universelle sous le couvert de Celui qui a étendu le pavillon des cieux, et allons tous côte à côte nous abriter aux lieux où elle distribue les lumières et les cordiaux qui font vivre en paix les individus, les familles, les États. Le privilége des peuples catholiques est que tous sont en même temps peuple et rois en religion, ne reconnaissant que des fonctionnaires chargés par le Souverain commun de nous intimer à tous les mêmes préceptes, les mêmes promesses, les mêmes menaces.

Quelques puritains de l'étiquette (il y en a partout, et

partout ils sont les mêmes) me diront peut-être : Ces mots, protéger la religion, protéger l'Eglise, ont un sens très-chrétien, et vous devez savoir qu'ils sont entrés depuis des siècles dans le langage ecclésiastique et dans ce qu'on appelle le style de chancellerie.

Je sais cela; mais aujourd'hui que, par la perversion générale du langage et le triomphe des idées les plus biscornues, tout chancelle en Europe, parce que la religion y est chancelante, serait-il nécessaire que la chancellerie se montrât immuable et dît : Avant tout, sauvons nos formules? Ne pourrait-on pas modifier des expressions dont l'ignorance commune abuse pour accréditer deux erreurs des plus pernicieuses, l'une dans l'esprit des classes gouvernantes, l'autre dans l'esprit des gouvernés?

Les gouvernants ont dit: Nous protégeons la religion, nous sommes donc au-dessus d'elle; et ils en ont conclu qu'il serait au-dessous d'eux de pratiquer la religion.

Les gouvernés ont dit et disent plus que jamais : Une religion protégée par des gouvernants sans religion a tout l'air d'une muselière inventée pour bâillonner le peuple.

On raisonne très-mal de part et d'autre; mais, en attendant qu'on ait corrigé de leurs péchés de logique les gouvernants et les gouvernés, il serait peut-être sage d'éviter ce qui peut y donner occasion. C'est du moins une idée que je me permets de soumettre à qui de droit.

Quant à ceux à qui il appartiendrait de réorganiser politiquement un peuple catholique, je suis sûr de leur donner un bon conseil en leur disant Assurez avant tout l'indépendance du ministère religieux !

Oui ; mais si on laisse aux prêtres toute liberté, ils en abuseront au préjudice même de leur auguste ministère; car ils sont hommes.

Oui, ils sont hommes, et même de pauvres hommes, quand ils ne restent pas sous le frein de l'Église; mais qu'avezvous à craindre? S'ils usent de leur liberté au détriment de

vos lois, que je suppose non antichrétiennes, vous avez vos tribunaux, et il n'y aura qu'une voix dans l'Église pour trouver bon que vous défendiez vos lois contre ceux qui en doivent prêcher le respect de toute manière. S'ils violent la charte chrétienne et les lois ecclésiastiques, qui la protégent, vous savez avec quelle promptitude ils seront réprimés.

Ces dangers écartés, que reste-t-il ? Hélas! par-ci, par-là, bien des faiblesses, des prétentions déplacées, des vanités ridicules, etc.; mais, outre que la discipline ecclésiastique diminuera beaucoup le nombre et la portée de ces abus, souvenez-vous de ceci : Le pire des abus est de n'en vouloir tolérer aucun. Cherchez donc une classe d'hommes qui rende autant de services à l'humanité en général, et à chaque État en particulier, et qui les fasse payer moins cher !

CHAPITRE III.

Du respect dû aux nationalités.

Après cette religion que Dieu a constituée lui-même en personne et qui doit rester ce qu'il l'a faite, l'héritage commun de toutes les nations, rien ne mérite plus d'être soustrait aux manipulations des pouvoirs politiques que ce que nous devons regarder comme l'œuvre indivise de Dieu et de l'action séculaire de toutes les causes secondes : les nationalités et leurs caractères constitutifs.

La nationalité est un texte que les démagogues exploitent beaucoup, en attendant qu'ils puissent exploiter la chose, eux qui sont les grands massacreurs des nationalités, mais malheureusement pas les seuls. Pour que ce texte remue si vivement le cœur des peuples, il faut bien qu'il ne soit pas un vain mot. En effet, le mot exprime la belle prérogative qui fait qu'une population possède un nom dans l'histoire, une place distincte sur le globe, jouit d'une vie propre, a une voix dans l'assemblée des nations, et un rôle à remplir dans l'organisme général.

Ce diplôme national est un don de Dieu et des siècles, une noble conquête des aïeux, un précieux héritage que chacun doit être jaloux de transmettre à ses enfants, et que tous les peuples doivent tenir pour inviolable tant qu'une nation ne l'a pas déchiré de ses propres mains en n'usant de son indépendance que pour nuire à celle des autres.

La politique a dit trop souvent : A quoi bon maintenir sur la carte cette petite république, ce misérable canton, ce pauvre pays? Avec ces bagatelles on arrondirait tel État, on apanagerait telle maison, on se donnerait telle alliance.

C'est là le langage de l'injustice, de la cruauté, d'une bru

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