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choix de ces hommes; 2o Le choix fait, il est essentiel d'éloigner de ces hommes tout ce qui pourrait troubler la sérénité de leur intelligence et de leur cœur.

Il faut à ces hommes un profond désintéressement, une parfaite droiture, beaucoup de bon sens, une grande hauteur, profondeur et largeur de connaissances, de l'aptitude, du goût et du loisir pour la réflexion et les études spéciales, peu ou plutôt point d'éloquence.

Laissez l'éloquence au barreau : qu'il soit permis à l'avocat de mettre tout en jeu pour égarer vos juges; qu'il puisse intéresser le public au sort du conspirateur, du calomniatour, de l'empoisonneur, de l'assassin, de l'infanticide, du conjugicide, etc., et couvrir d'odieux leurs victimes; si vous trouvez cela bien, je ferai mes réserves, mais je ne disputerai pas. Mon idée, à moi, homme de sacristie, est que l'éloquence n'est bien nécessaire qu'au prêtre, pas pour phraser, mais pour remplir la plus importante et la plus difficile des missions, celle de nous arracher à notre ignorance, à notre bas égoïsme, à nos dix mille travers d'esprit et de cœur, pour faire de nous des disciples de la vérité et de la charité.

Quoi qu'il en soit de cette idée, l'éloquence me paraît tout à fait déplacée dans le sanctuaire législatif, où doit trôner la raison la plus calme, la plus réfléchie, la plus patiente, obligée qu'elle est de consacrer des mois, des années même à l'étude d'une loi quelque peu importante, à moins qu'elle ne veuille jeter dans le monde des éléments de mort.

ture, et qui la connût à fond; dont le bonheur fût indépendant de nous, et qui pourtant voulût bien s'occuper du nôtre; enfin, qui, dans le progrès des temps se ménageant une gloire éloignée, pût travailler dans un siècle et jouir dans un autre. Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes... Le législateur est, à tous égards, un homme extraordinaire dans l'État... Je regarde les nations modernes. J'y vois force faiseurs de lois et pas un législateur. » Contrat social, liv. II, ch. vII. Considérations sur le gouvernement de Pologne, ch. II. - Très-bien, M. le sophiste! Mais quand la croyance et l'histoire de l'Europe démontrent que le ciel nous a envoyé un législateur vraiment divin, que penser de l'écrivain qui, au lieu d'étudier la loi évangélique, l'a travestie et calomniée jusqu'à la mettre au-dessous de la loi des Lamas et des Japonais?

On me dira: Comment voulez-vous gouverner un pays avec un comité législatif qui mettra des mois et des années à méditer une loi?

Je conviens que cela est impossible dans nos constitutions prétendues libérales, qui livrent tout, même nos âmes, au bon plaisir des gouvernants, pourvu qu'ils soient armés d'une loi. Mais une nation assez sage pour distinguer la liberté de sa très-dangereuse compagne la légalité, doit s'assurer la jouissance de la première, et se donner des garanties contre l'autre, en disant à ses chefs: Gouvernez-nous selon les lois, et non par des lois.

Je veux dire qu'un peuple qui ne se soucie pas d'être manipulé, pressuré de toute manière, doit demander d'abord à Dieu qu'il lui envoie des chefs capables, demander ensuite à ces chefs qu'ils lui élaborent ou fassent élaborer un code aussi court, aussi simple que possible, dont l'article final mette à néant toutes les lois antérieures. Quant aux lois à venir et aux modifications nécessaires à son code, ce peuple doit viser à les rendre très-rares et difficiles à faire. C'est ce qu'il obtiendra par sa constitution, si elle est vraiment marquée au coin de la liberté et de la sagesse.

Que, au lieu de s'appliquer niaisement à diviser et pondérer le pouvoir suprême, l'auteur d'une constitution distingue le gouvernement de l'administration ;-qu'il assure l'unité et la force du premier, et qu'il répartisse l'autre sur toute la face du territoire; - que la commune s'administre sous la surveillance du canton ou de l'arrondissement, celui-ci sous la surveillance du département ou de la province; - que des dix mille affaires qui vont maintenant au centre solliciter des décisions tardives et aveugles, neuf mille neuf cent cinquante au moins soient expédiées sur place ; que le pouvoir central, occupé de son affaire capitale (la sécurité au dedans et au dehors ), se borne à vider les différends qui surgiront entre les pouvoirs subordonnés, sans jamais substituer son action à la leur, et les réduire au rôle de commis, etc., etc. :

je maintiens que sur mille lois et ordonnances ministérielles actuellement nécessaires, neuf cent quatre-vingt-quinze resteront à faire. Dans toute l'étendue du pays, devenu cette fois libre, on délibérera, on statuera, on ordonnancera, on réglementera, on fera ce qu'exigent le bon sens, l'économie, la liberté réelle de tous, le respect dû au gouvernement et sa stabilité.

En somme, il m'est impossible de croire qu'un gouvernement, quelle qu'en soit la forme, puisse produire autre chose qu'un despotisme plus ou moins lourd et humiliant, avec des révolutions au bout, tant qu'il ne s'appuiera pas sur des institutions municipales et provinciales dignes d'un peuple pour lequel le mot de liberté ne soit pas une insultante ironie. Cela ressortira peut-être des considérations suivantes sur les trois formes principales de gouvernement.

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CHAPITRE VII.

Des trois formes politiques dominantes.

Monarchie françaisc.

Monarchie, aristocratie, démocratie, telles sont les trois formes dominantes sous lesquelles le pouvoir politique suprême peut se produire. Ou il réside principalement dans un seul, et il y a monarchie; ou il réside dans une classe, et il y a aristocratie; ou il est exercé directement ou indirectement par l'universalité des citoyens, et il y a démocratie.

Je ne m'arrêterai pas à prouver que cette classification est préférable à celle de Montesquieu, qui divise les gouvernements en républicain, monarchique et despotique, et subdivise le républicain en aristocratique et démocratique, selon que le pouvoir suprême est exercé par une partie du peuple ou par l'universalité (1). Il est visible que le despotisme ne constitue pas un gouvernement à part : il est monarchique, aristocratique, démocratique, toutes les fois que le pouvoir monarchique, aristocratique, démocratique, ne reconnaît pas d'autre loi, d'autre règle que la volonté de ceux qui l'exercent. Le vrai despote, c'est le souverain un ou multiple qui peut dire Ma volonté, telle est la loi suprême de mon gouvernement !

Avant de jeter un coup d'œil sur ces diverses formes de gouvernement, il ne sera pas inutile d'examiner brièvement cette question: Quelle est la forme du pouvoir politique avec laquelle le catholicisme sympathise le mieux ?

Montesquieu, dont le faible était d'affecter l'ignorance en religion et le savoir en politique, affirme que la religion catholique s'allie mal avec les États libres (2). Cet insolent dé

(1) Voy. Esprit des lois, liv. II, ch. 1.

(2) << Quand la religion chrétienne souffrit, il y a deux siècles, ce malheureux

menti donné à l'histoire a été accueilli par l'ignorance, propagé par les passions anticatholiques, et aussi accrédité, il est juste de le dire, par les doctrines servilement monarchiques, connues sous le nom de gallicanisme.

Ce funeste préjugé, combattu par M. de Tocqueville (1), vit encore dans beaucoup de têtes. Les partis politiques cherchent à l'exploiter, et il n'est pas rare de rencontrer d'hono

partage qui la divisa en catholique et en protestante (c'est dire que le catholicisme et le protestantisme sont nés le même jour), les peuples du Nord embrassèrent la protestante, et ceux du Midi gardèrent la catholique. C'est que les peuples du Nord ont et auront toujours un esprit d'indépendance et de liberté que n'ont pas les peuples du Midi (témoin la Russie), et qu'une religion qui n'a point de chef visible convient mieux à l'indépendance du climat que celle qui en a un. » (De l'Esprit, etc., liv. XXIV, ch. v; voy. aussi liv. XIX, ch. xxvII.) Montesquieu pouvait-il ignorer que le succès du protestantisme dans le Nord fut l'œuvre du despotisme princier, que la volonté des peuples n'y fut pour rien, et que leur liberté y perdit beaucoup? - En Allemagne, dit M. Guizot, il n'y avait point de liberté politique; la réforme ne l'a point introduite; elle a plutôt fortifié qu'affaibli le pouvoir des princes; elle a été plus contraire aux institutions libres du moyen âge que favorable à leur développement. » (Cours d'histoire moderne, XIIe leçon.) - Jetez les yeux sur le nord de l'Europe, dans les pays où la réformation est née, où elle s'est maintenue, vous verrez partout l'unique volonté d'un maître : la Suède, la Prusse, la Saxe sont restées sous la monarchie absolue; le Danemark est devenu un despotisme légal. Le protestantisme échoua dans les pays républicains..... » (Chateaubriand, Études historiques, t. IV.)

(1) Ces catholiques (des États-Unis) montrent une grande fidélité dans les pratiques de leur culte et sont pleins de zèle et d'ardeur pour leurs croyances; cependant ils forment la classe la plus républicaine et la plus démocratique qui soit aux États-Unis. Ce fait surprend au premier coup d'œil, mais la réflexion en découvre aisément les causes cachées... Parmi les différentes doctrines chrétiennes, le catholicisme ine paraît, au contraire, l'une des plus favorables à l'égalité des conditions. Chez les catholiques, la société religieuse ne se compose que de deux éléments : le prêtre et le peuple. Le prêtre s'élève seul audessus des fidèles : tout est égal au-dessous de lui. En matière de dogmes, le catholicisme place le niveau sur toutes les intelligences; il astreint aux détails des mêmes croyances le savant ainsi que l'ignorant, l'homme de génie aussi bien que le vulgaire; il impose les mêmes pratiques au riche comme au pauvre; il inflige les mêmes austérités au puissant comme au faible; il ne compose avec aucun mortel, et appliquant à chacun des humains la même mesure, aime à confondre toutes les classes de la société au pied du même autel, comme elles sont confondues aux yeux de Dieu. Si le catholicisme dispose ses fidèles à l'obéissance, il ne les prépare donc pas à l'inégalité. Je dirai le contraire du protestantisme qui, en général, porte les hommes bien moins vers l'égalité que vers l'indépendance. » De la Démocratie, t. II, ch. Ix.

il

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