Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

teur y introduisit le premier couple humain, et lui dit : Croissez, multipliez-vous, remplissez la terre, et assujettissez-la : voilà devant vous le bien à conquérir, le mal à éviter; choisissez, et vous aurez à tout jamais ce que vous aurez choisi (1).

3o Il n'y a donc pas une société purement humaine. Il y a moins encore une société purement spirituelle, et une société purement temporelle, ou bien, une société purement religieuse, purement civile, purement industrielle. Ces divisions, si chères à nos idéologues, sont des fruits de l'ignorance, qui aboutiraient à la destruction de l'homme, si Dieu ne l'avait fait indestructible.

Mais si l'homme ne peut se détruire, il peut se dégrader, se désorganiser sans mesure, et, par une lutte insensée contre les lois de l'ordre universel, se faire éternellement broyer sous le char de cette grande création, dont il était appelé à saisir les rênes. Or, pour pulvériser ainsi l'homme, on n'a qu'à le partager, comme font nos idéologues, en homme purement spirituel, et en homme purement temporel ou matériel, et encore mieux, en homme purement religieux, en homme purement politique, et en homme purement industriel. Mettez ces trois fragments de l'homme sous deux ou trois législations et deux ou trois gouvernements, pas seulement distincts, mais séparés en gouvernement des âmes, chargé des intérêts purement spirituels, et en gouvernement des corps, chargé des intérêts purement matériels; suivez exactement la maxime du père des idéologues, qu'on ne doit point statuer par les lois divines ce qui doit l'être par les lois humaines....., puis vous verrez.

Eh! mon Dieu! l'Europe ne doit-elle pas voir ce qu'elle a gagné aux manipulations politiques des phraséologues ignorants? N'est-il pas temps qu'elle revienne à ces éternelles données du bon sens philosophique et de la raison chrétienne?

(1) Ecclésiastique, ch. xv, v. 17 et 18.

L'homme est un être mixte, mais indivisible, qui, par toutes les tendances de sa nature, se rattache à Dieu, son auteur; il est essentiellement religieux; c'est parce qu'il est religieux, c'est-à-dire vivant en société avec Dieu, qu'il est politique, c'est-à-dire, propre à vivre en bonne harmonie avec ses semblables; et ce n'est qu'en déployant ses facultés sous l'influence des institutions religieuses et politiques étroitement unies entre elles, qu'il devient tout - puissant dans l'industrie.

[ocr errors]

Religion, politique, industrie, voilà les trois puissances qui, par leur harmonieux accord, ainsi que je le disais au commencement de ce livre, élèvent l'homme. Ne les confondez pas, distinguez-les comme vous distinguez les facultés multiples de l'âme des organes multiples du corps, à la bonne heure; ce sera et science et sagesse mais les diviser, mais les opposer entre elles, c'est une barbarie impie et stupide, c'est travailler à la dégradation temporelle et éternelle de l'homme.

4o Enfin, on s'exprime inexactement quand on parle de la société chrétienne et de la société païenne, de la société civilisée et de la société barbare, comme de sociétés radicalement différentes.

dont

Il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais qu'une société, Dieu, comme nous l'avons dit, est le centre parfait et immuable; la matière pleine d'imperfection, mais inintelligente de son état et incapable de s'améliorer, occupe la circonférence; entre deux est la famille humaine, douée d'une intelligence et d'une volonté illimitées dans leurs tendances, condamnée en même temps à se tourner vers Dieu et à retourner la terre, sous l'incessante pression de ses besoins moraux et physiques. Dans cette grande famille, les uns, obéissant à l'attrait divin, lui subordonnent tous leurs penchants, et se servent des biens et des maux de la terre pour s'élever à la possession de Dieu; les autres, s'abandonnant à l'attraction terrestre, abusent de tout, de la religion, de

68

LA SCIENCE SOCIALE. LIVRE I, CHAPITRE IX.

la politique, de l'industrie, pour jouir de la terre, et ils en deviennent les tristes jouets. Tous se meuvent librement dans les deux voies opposées; mais le travail d'éducation des uns et de dégradation des autres est assujéti aux lois invariables du Fondateur et Législateur de l'éternelle société.

C'est ce que nous verrons dans les livres suivants, où nous étudierons rapidement l'influence et le résultat pour la famille humaine, dans le monde actuel, des trois grandes puissances sociales, selon qu'elles sont appliquées et dirigées par l'esprit chrétien ou par cette sagesse humaine, que Montesquieu et ses disciples vénèrent comme la fondatrice de toutes les sociétés.

LIVRE II.

DE L'INFLUENCE SOCIALE DE LA RELIGION.

CHAPITRE I.

Telle la religion, tels les hommes.

Nous avons vu que, du berceau à la tombe, l'homme est un poursuivant de l'infini, mais un poursuivant aveugle qui ne cessera de s'agiter et de fatiguer ses entours, tant qu'on ne l'aura pas orienté.

Quelle est donc la première chose qu'il faut montrer à l'âme de l'enfant, dès qu'elle s'ouvre à la lumière? Montrezlui, et sous les formes les plus attrayantes, le Père des lumières la source de tout don parfait (1).

Développer progressivement dans les jeunes âmes la connaissance et l'amour du Créateur et Consommateur des âmes, ce n'est pas seulement une partie de l'éducation, c'est toute l'éducation; ce n'est pas seulement un devoir religieux pour les proches, c'est l'intérêt temporel suprême des enfants, de leurs proches, de leurs compatriotes, de tous les hommes.

Pourquoi? Parce que tel sera l'homme vis-à-vis de Dieu, tel il sera nécessairement vis-à-vis de lui-même, vis-à-vis de ses proches, vis-à-vis de tous. Notre première société étant avec Dieu, selon la belle parole du philosophe romain (2), il est métaphysiquement, moralement, et même physiquement impossible que nous soyons en désaccord avec le centre éternel des êtres, sans qu'il s'ensuive une (1) Saint Jacques, Ép. cath., ch. 1, v. 17.

(2) Voy. liv. I, ch. v.

perturbation fatale dans nos rapports avec l'universalité des êtres.

et

Il y a sur ce point capital des montagnes de préjugés, les préjugés ont trouvé place dans les meilleurs esprits. Un exemple entre mille.

<< S'il sert beaucoup à l'homme, comme individu, que sa religion soit vraie, dit M. de Tocqueville, il n'en est pas ainsi de la société. La société n'a rien à craindre ni à espérer de l'autre vie; et ce qui lui importe le plus, ce n'est pas tant que tous les citoyens professent la vraie religion, mais qu'ils professent une religion (1). »

J'en demande bien pardon à l'honorable publiciste : la maxime est de tout point insoutenable, et le raisonnement à l'appui n'est en réalité qu'un sophisme.

Que la société, abstraction faite de ses membres, n'ait rien à craindre ni à espérer de l'autre vie, c'est évident. Je dis même qu'il importe fort peu à cet être abstrait que les citoyens aient ou n'aient pas une religion. Mais il importe grandement aux citoyens de n'avoir pour concitoyens que des hommes qui croient à l'autre vie, et dont la croyance repose sur le fondement immuable de la vérité. La raison en est dans cette loi constitutionnelle de notre nature telle est notre religion, tels nous sommes. Autant la religion descendue de Dieu améliore et élève les hommes, autant les religions sorties des conceptions de l'homme avilissent, dégradent, dénaturent leurs dévots. C'est un fait écrit en caractères épouvantables à chaque page de l'histoire du genre humain.

Ne voulant pas reproduire ici les preuves historiques que j'en ai données ailleurs (2), je me bornerai à quelques aperçus généraux sur la fatale puissance des erreurs religieuses.

(1) De la Démocratie en Amérique, t. II, p. 204 (12e édit.).

(2) Voy. La Science de la vie, t. II.

« ZurückWeiter »