André ChénierHachette et cie, 1902 - 188 Seiten |
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Seite 94 - Sans parents, sans amis et sans concitoyens, Oublié sur la terre et loin de tous les miens. Par les vagues jeté sur cette île farouche, Le doux nom de la France est souvent sur ma bouche. Auprès d'un noir foyer, seul, je me plains du sort. Je compte les moments, je souhaite la mort. Et pas un seul ami dont la voix m'encourage ; Qui près de moi s'asseye, et, voyant mon visage Se baigner de mes pleurs et tomber sur mon sein. Me dise : « Qu'as-tu donc ?
Seite 150 - Salut, divin triomphe ! Entre dans nos murailles : Rends-nous ces guerriers illustrés Par le sang de Désille et par les funérailles De tant de Français massacrés. Jamais rien de si grand n'embellit ton entrée, Ni quand l'ombre de Mirabeau S'achemina jadis vers la voûte sacrée Où la gloire donne un tombeau ; Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie Rentrèrent aux murs de Paris, Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie Prosternés devant ses écrits. Un seul jour peut atteindre à tant...
Seite 48 - II s'admire et se plaît de se voir si savant. Que ne vient-il vers moi ? je lui ferai connaître Mille de mes larcins qu'il ignore peut-être. Mon doigt sur mon manteau lui dévoile à l'instant La couture invisible et qui va serpentant, Pour joindre à mon étoffe une pourpre étrangère.
Seite 127 - Féconde immensité, les esprits magnanimes Aiment à se plonger dans tes vivants abîmes ; Abîmes de clartés, où, libre de ses fers, L'homme siège au conseil qui créa l'univers; Où l'âme remontant à sa grande origine Sent qu'elle eSt une part de l'essence divine.
Seite 64 - Il poursuit; et déjà les antiques ombrages Mollement en cadence inclinaient leurs feuillages; Et pâtres oubliant leur troupeau délaissé, Et voyageurs quittant leur chemin commencé, Couraient; il les entend, près de son jeune guide, L'un sur l'autre pressés, tendre une oreille avide...
Seite 96 - Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse; Mes écrits imparfaits : car, à ses propres yeux , L'homme sait se cacher d'un voile spécieux ... A quelque noir destin qu'elle soit asservie, D'une étreinte invincible il embrasse la vie, Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir, Quelque prétexte ami de vivre et de souffrir.
Seite 132 - Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon, Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton, La ceinture d'azur sur le globe étendue. Je vois l'être et la vie et leur source inconnue, Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants ; Je poursuis la comète aux crins étincelants, Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances ; Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Seite 39 - ... eux-mêmes. Ils disent : Ce système, je ne veux point l'examiner pour moi. Il est vrai, il est incontestable, et, de manière ou d'autre, il faut que je le démontre. — Alors, plus ils ont d'esprit, de pénétration, de savoir, plus ils sont habiles à se faire illusion, à inventer, à unir, à colorer les sophismes, à tordre et à défigurer tous les faits pour en étayer leur échafaudage...
Seite 104 - Qu'est-ce qu'une pensée neuve, brillante, extraordinaire ? Ce n'est point, comme se le persuadent les ignorants, une pensée que personne n'a jamais eue, ni dû avoir : c'est au contraire une pensée qui a dû venir à tout le monde, et que quelqu'un s'avise le premier d'exprimer.
Seite 126 - Adieu, tombeau de chair, je ne suis plus à toi ! Terre, fuis sous mes pas. L'éther où le ciel nage M'aspire. Je parcours l'océan sans rivage. Plus de nuit. Je n'ai plus d'un globe opaque et dur Entre le jour et moi l'impénétrable mur. Plus de nuit, et mon œil et se perd et se mêle Dans les torrents profonds de lumière éternelle. Me voici sur les feux que le langage humain Nomme Cassiopée et l'Ourse et le Dauphin. Maintenant la Couronne autour de moi s'embrase ; Ici l'Aigle et le Cygne...