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comme le héros de son siècle, rendu inutile à sa patrie dont il avoit été le soutien, et ensuite, je ne sais comment, contre sa propre inclina tion, armé contre elle; un ministre persécuté, et devenu nécessaire, non-seulement par l'importance de ses services, mais encore par ses malheurs où l'autorité souveraine étoit engagée. Que dirai-je ? étoient-ce là de ces tempêtes par où le ciel a besoin de se décharger quelquefois? et le calme profond de nos jours devoit-il être précédé par de tels orages? ou bien étoient-ce les derniers efforts d'une liberté remuante, qui alloit céder la place à l'autorité légitime? ou bien étoit-ce comme untravail de la France prête àenfanter le règne miraculeux de Louis? Non, non; c'est Dieu qui vouloit montrer qu'il donne la mort, et qu'il ressuscite, qu'il plonge jusqu'aux enfers, et qu'il en retire (1), qu'il secoue la terre et la brise, et qu'il guérit en un moment toutes ses brisures (2). Ce fut là que la princesse palatine signala sa fidélité, et fit paroître toutes les richesses de son esprit. Je ne dis rien qui ne soit connu. Toujours fidèle à l'Etat et à la grande

(1) Dominus mortificat et vivificat; deducit ad inferos et reducit. II REG. c. 2, v. 6.

(2) Commovisti terram, ét conturbâsti eam : sana contritiones ejus, quia commota est. PSAL. 59, v.

4.

reine Anne d'Autriche, on sait qu'avec le secret de cette princesse elle eut encore celui de tous les partís; tant elle étoit pénétrante! tant elle s'attiroit de confiance! tant il lui étoit naturel de gagner les coeurs! Elle déclaroit aux chefs des partis jusqu'où elle pouvoit s'engager, et on la croyoit incapable ni de tromper ni d'être trompée mais son caractère particulier étoit de concilier les intérêts opposés, et, en s'élevant au-dessus, de trouver le secret endroit et comme le nœud par où on les peut réunir. Que lui servirent ses rares talents? que lui servit d'avoir mérité la confiance intime de la cour; d'en soutenir le ministre deux fois éloigné, contre sa mauvaise fortune, contre ses propres frayeurs, contre la malignité de ses ennemis, et enfin contre ses amis, ou partagés, ou irrésolus, infidèles? Que ne lui promit-on pas dans ces besoins! mais quel fruit lui en revint-il, sinon de connoître par expérience le foible des grands politiques, leurs volontés changeantes ou leurs paroles trompeuses, la diverse face des temps, les amusements des promesses, l'illusion des amitiés de la terre qui s'en vont avec les années et les intérêts, et la profonde obscurité du cœur de l'homme, qui ne sait jamais ce qu'il voudra, qui souvent ne sait pas bien ce qu'il

ou

veut, et qui n'est pas moins caché ni moins trompeur à lui-même qu'aux autres ? O éternel roi des siècles, qui possédez seul l'immortalité, voilà ce qu'on vous préfère, voilà ce qui éblouit les âmes qu'on appelle grandes! Dans ces déplorables erreurs, la princesse palatine avoit les vertus que le monde admire, et qui font qu'une âme séduite s'admire elle-même; inébranlable dans ses amitiés, et incapable de manquer aux devoirs bumains. La reine sa soeur en fit l'épreuve dans un temps où leurs cœurs étoient désunis. Un nouveau conquérant s'élève en Suède; on y voit un autre Gustave non moins fier ni moins hardi, ou moins belliqueux que cclui dont le nom fait encore trembler l'Allemagne. Charles Gustave parut à la Pologne surprise et trahie comme un lion qui tient sa proie dans ses ongles, tout prêt à la mettre en pièces. Qu'est devenue cette redoutable cavalerie qu'on voit fondre sur l'ennemi avec la vitesse d'un aigle? où sont ces âmes guerrières, ces marteaux d'armes tant vantés, et ces arcs qu'on ne vit jamais tendus en vain? ni les chevaux ne sont vites, ni les hommes ne sont adroits que pour fuir devant le vainqueur. En même temps la Pologne se voit ravagée par le rebelle Cosaque, par le Moscovite infidèle, et plus encore pan

le Tartare, qu'elle appelle à son secours dans son désespoir. Tout nage dans le sang, et on ne tombe que sur des corps morts; la reine n'a plus de retraite, elle a quitté le royaume; après de courageux, mais de vains efforts, le roi est contraint de la suivre : réfugiés dans la Silésie, où ils manquent des choses les plus nécessaires, il ne leur reste qu'à considérer de quel, côté alloit tomber ce grand arbre (1) ébranlé par tant de mains, et frappé de tant de coups à sa racine, ou qui en enleveroit les rameaux épars. Dieu en avoit disposé autrement : la Pologne étoit nécessaire à son Eglise, et lui devoit un vengeur. Il la regarde en pitié (2); sa main puissante ramène en arrière le Suédois indompté, tout frémissant qu'il étoit. Il se venge sur le Danois, dont la soudaine invasion l'avoit rappelé, et déjà il l'a réduit à l'extrémité. Mais l'Empire et la Hollaude se remuent contre un

(1) Clamavit fortiter, et sic ait: Succidite arborem, et præcidite ramos ejus : excutite folia ejus, et dispergite fructus ejus. DAN. c. 4. v. II, 20. Succident eum alieni, et crudelissimi nationum, et projicient eum super et in cunctis convallibus corruent rami ejus, et confringentur arbusta ejus in universis rupibus terræ. EZECH. c. 31, V. 12.

montes,

(2) 2 REG. C. 19, v. 28.

conquérant qui menaçoit tout le nord de la servitude. Pendant qu'il rassemble de nouvelles forces et medite de nouveaux carnages, Dieu tonne du plus haut des cieux; le redouté capitaine tombe au plus beau temps de sa vie, et la Pologne est délivrée. Mais le premier rayon d'espérance vint de la princesse palatine; honteuse de n'envoyer que cent mille livres au roi et à la reine de Pologne, elle les envoie du moins avec une incroyable promptitude. Qu'admira-t-on davantage, ou de ce que ce secours vint, si à propos, ou de ce qu'il vint d'une main dont on ne l'attendoit pas, ou de ce que, sans chercher d'excuse dans le mauvais état où se trouvoient ses affaires, la princesse palatine s'ôta tout pour soulager une sœur qui ne l'aimoit pas? Les deux princesses ne furent plus qu'un même cœur la reine parut vraiment reine par une bonté et par une magnificence dont le bruit a retenti par toute la terre: et la princesse palatine joignit au respect qu'elle avoit pour une aînée de ce rang et de ce mérite une éternelle reconnoissance.

Quel est, messieurs, cet aveuglement dans une âme chrétienne, et qui le pourroit comprendre, d'être incapable de manquer aux hommes, et de ne craindre pas de manquer

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