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Isaac ni de son aïeul Abraham (1). Mais ces ans d'Abraham et d'Isaac, qui ont fait paroître si courts ceux de Jacob, s'évanouissent auprès de la vie de Sem, que celle d'Adam et de Noé efface. Que si le temps comparé au temps, la mesure à la mesure, et le terme au terme, se réduit à rien; que sera-ce si l'on compare le temps à l'éternité, où il n'y a ni mesure ni terme? Comptons donc comme très-court, chrétiens, ou plutôt comptons comme un pur néant tout ce qui finit, puisque enfin, quand on auroit multiplié les années au-delà de tous les nombres connus, visiblement ce ne sera rien quand nous serons arrivés au terme fatal. Mais peut-être que, prêt à mourir, on comptera pour quelque chose cette vie de réputation, ou cette imagination de revivre dans sa famille qu'on croira laisser solidement établie ? Qui ne voit, mes frères, combien vaines, mais combien courtes et combien fragiles sont encore ces secondes vies que notre foiblesse nous fait inventer pour couvrir en quelque sorte l'horreur de

(1) Respondit (Jacob): Dies peregrinationis meæ centum triginta annorum sunt, parvi et mali; et non pervenerunt usque ad dies patrum meorum, quibus peregrinati sunt. GENES. c. 47, v. 9.

la mort ? Dormez votre sommeil, riches de la terre, et demeurez dans votre poussière. Ah! si quelques générations, que dis-je? si quelques années après votre mort vous redeveniez hommes, oubliés au milieu du monde, vous vous hâteriez de rentrer dans vos tombeaux, pour ne voir pas votre nom terni, votre mémoire abolie, et votre prévoyance trompée dans vos amis, dans vos créatures, et plus encore dans vos héritiers et dans vos enfants! Est-ce là le fruit du travail dont vous vous êtes consumés sous le soleil, vous amassant un trẻsor de haine et de colère éternelle au juste jugement de Dicu? Surtout, mortels, désabusezvous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile. Ce ne sont pas les années, c'est une longue préparation qui vous donnera de l'assurance; autrement un philosophe vous dira en vain que vous devez être rassasiés d'années et de jours, et que vous avez assez vu les saisons se renouveler, et le monde rouler autour de vous; ou plutôt que vous vous êtes assez vus rouler vous-mêmes et passer avec le monde. La dernière heure n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir. C'est de saintes médi

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tations, c'est de bonnes œuvres, ce sont ces véritables richesses que vous enverrez devant vous au siècle futur, qui vous inspireront de la force; et c'est par ce moyen que vous affermirez votre courage. Le vertueux Michel le Tellier vous en a donné l'exemple; la sagesse, la fidélité, la justice, la modestie, la prévoyance, la piété, toute la troupe sacrée des vertus, qui veilloient pour ainsi dire autour de lui, en ont banni les frayeurs, et ont fait du jour de sa mort le plus beau, le plus triomphant, le plus heureux jour de sa vie.

FIN DE L'ORAISON FUNÈBRE DE MICHEL LE TELLIER.

ORAISON FUNÈBRE

DE LOUIS DE BOURBON,

PRINCE DE CONDÉ,

Prononcée en l'église de Notre-Dame de Faris, le dixième jour de mars 1687.

Dominus tecum, virorum fortissime.... Vade in håe fortitudine tuâ.... Ego ero tecum.

Le Seigneur est avec vous,

é le plus courageux de tous les hommes! Allez avec ce courage dont vous êtes rempli. Je serai avec vous. Juges, c. 6, v. 12, 14, 16.

MONSEIGNEUR (1), ́

Au moment que j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle de Louis de Bourbon, prince de Condé, je me sens également confondu et par la grandeur du sujet, et, s'il m'est permis de l'avouer, par l'inutilité du

(1) M. le Prince, fils du défunt de Condé.

travail. Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï les victoires du prince de Condé, et les merveilles de sa vie? on les raconte partout; le Français qui les vante n'apprend rien à l'étranger; et quoi que je puisse aujourd'hui vous en rapporter, toujours prévenu par vos pensées, j'aurai encore à répondre au secret reproche que vous me ferez d'être demeuré beaucoup au-dessous. Nous ne pouvons rien, foibles orateurs, pour la gloire des âmes extraordinaires : le Sage a raison de dire, que « leurs seules ac

tions les peuvent louer » (1): toute autre louange languit auprès des grands noms; et la scule simplicité d'un récit fidèle pourroit soutenir la gloire du prince de Condé. Mais en attendant que l'histoire, qui doit ce récit aux siècles futurs, le fasse paroître, il faut satisfaire comme nous pourrons à la reconnoissance publique et aux ordres du plus grand de tous les rois. Que ne doit point le royaume à un prince qui a honoré la maison de France tout le nom français, son siècle, et pour ainsi dire l'humanité tout entière? Louis le Grand est entré lui-même dans ces sentiments: après

(1) Laudent eam in portis opera ejus. Prov. c. 31.

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