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raissent jamais qu'en leur confusion naturelle. La nature les a tous établis sans renfermer l'un en l'autre. La nature a mis toutes ses vérités chacune en soi-même. Notre art les renferme les unes dans les autres, mais cela n'est pas naturel. Chacune tient sa place 1.

26.

Quand on veut reprendre2 avec utilité, et montrer à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. se contente de cela, car il voit qu'il ne se trompait pas, et qu'il manquait seulement à voir tous les côtés. Or, on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas s'être trompé; et peut-être que cola vient de ce que naturellement l'homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu'il envisage, comme les appréhensions des sens sont toujours vraies.

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27.

Ce que peut la vertu d'un homme ne se doit pas mesu rer par ses efforts, mais par son ordinaire.

autre. C'est à quoi servent les classifications. Mais Pascal fait bien de nous avertir de ne pas prendre ces distinctions de notre esprit pour des divisions naturelles.

1 << Chacune tient sa place. » Ne serait-il pas plus exact de dire que c'est nous qui faisons aux choses dans notre langage des places distinctes, et que dans la nature tout est mêlé?

• « Quand on veut reprendre. Excellent précepte, que ceux qui en< seignent ou qui disputent devraient toujours avoir présent à l'esprit.

3 « Il se contente de cela A condition seulement que cela sera fait délicatement et sans pédanterie.

4 ⚫ Comme les appréhensions. » C'est-à-dire : ainsi, par exemple, les app hensions, etc. On dit aujourd'hui dans les écoles les perceptions.

« Ce que peut la vertu. Cf. Mont., II, 29, p. 516 : « Il fault, pour iuger bien à poinct d'un homme, principalement contreroolle ses ac» tions communes, et le surprendre en son à tous les iours. »

28.

Les grands et les petits ont mêmes accidents, et mêmes cheries, et mêmes passions; mais l'un est au haut de la Joue, et l'autre près du centre, et ainsi moins agité par les mêmes mouvements.

29.

Quoique les personnes n'aient point d'intérêt à ce qu'elles disent, il ne faut pas conclure de là absolument qu'elles ne mentent point; car il y a des gens qui mentent simplement pour mentir.

30.

L'exemple de la chasteté d'Alexandre n'a pas tant fait de continents que celui de son ivrognerie a fait d'intempérants. Il n'est pas honteux de n'être pas aussi vertueux que lui, et il semble excusable de n'être pas plus vicieux que lui. On croit n'être pas tout à fait dans les vices du commun des hommes quand on se voit dans les vices de ces grands hommes; et cependant on ne prend pas garde qu'ils sont en cela du commun des hommes*. On tient à eux par le bout par où ils tiennent au peuple'; car quelque élevés qu'ils soient,

1 « Près du centre. Encore une image prise de la géométrie. Mont., Apol., p. 74: « Les ames des empereurs et des savatiers sont >> iectees a mesme moulė..., ils sont menez et ramenez en leurs mouve→ ➤ments par les mesmes ressorts que nous sommes aux nostrés...; ils >> veulent aussi legierement que nous, mais ils peuvent plus; pareils ap» petits agitent un ciron et un elephant. »

8 Il y a des gens. » Observation bien vraie, qui doit mettre en garde contre les témoignages, surtout pour l'extraordinaire ou le merveilleux.

« Il n'est pas honteux. » P. R.: On n'a pas de honte. Ils n'ont pas voulu dire que cela ne fût pas honteux. Mais il est clair que Pascal parte suivant "opinion.

• Du commun des hommes. » La répétition des mêmes mots fait mieux Jessortir l'erreur. - Remarquer que tout ce qui suit n'est que la reproduction de la même idée, mais rendue de plus en plus nette par des images de plus en plus précises et sensibles.

!« Au peupla. » C'est-à-dire au vulgaire, à la multitude. Cf. v, 14.

si sont-ils unis aux moindres des hommes par quelque endroit. Ils ne sont pas suspendus en l'air, tout abstraits de notre société. Non, non'; s'ils sont plus grands que nous, c'est qu'ils ont la tête plus élevée; mais ils ont les pieds aussi bas que les nôtres. Ils y sont tous * à même niveau, et s'appuient sur la même terre; et par cette extrémité ils sont aussi abaissés que nous, que les plus petits, que les enfants, que les bêtes".

31.

Rien ne nous plaît que le combat, mais non pas la victoire. On aime à voir les combats des animaux, non le vainqueur acharné sur le vaincu". Que voulait-on voir, sinon la fin de la victoire'? Et dès qu'elle arrive, on en est soûl. Ainsi dans le jeu, ainsi dans la recherche de la vérité. On aime à voir dans les disputes le combat des opinions; mais de contempler la vérité trouvée, point du tout, Pour la faire remarquer avec plaisir, il faut la voir faire naître de

1 α Si sont-ils. Ce si affirmatif s'emploie encore dans la tournure si est-ce que.

2 « Aux moindres des hommes. P. R., au reste des hommes. C'est affaiblir gratuitement. Tout à l'heure il disait, au peuple; maintenant il

enchérit.

« Non, non. » La vivacité des mouvements s'ajoute à l'originalité des images. P. R. trouve cette vivacité indiscrète, et supprime ces mots.

4 « His y sont tous. » P. R.: Ils sont tous. Mais cet y est nécessaire; il signifie, par les pieds, du côté des pieds; comme s'il y avait : Par là, ils sont tous à même niveau. Toutes ces images, où est toujours l'idee de mesure, sont bien des images de mathématicien.

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« Que les enfants, que les bêtes. Achèvement tout à fait inattendu de la pensée, et qui porte l'effet à son comble.

• << Le vainqueur acharné sur le vaincu.» Détail qui fait image.

1

La fin de la victoire. C'est-à-dire son achèvement, son accomplissement.

« La voir faire naltre. » C'est-à-dire voir qu'on la fait naître, comment on la fait naître. Cela est vrai; mais enfin on en jouit quand elle est acquise, et on est heureux de la posséder :

Sed nil dulcius est, bene quam munita tenere
Edita doctrina sapientum templa serena. LUCR.

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la dispute. De même, dans les passions, il y a du plaisir à voir deux contraires se heurter; mais quand l'une est maltresse, ce n'est plus que brutalité. Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses 2. Ainsi, dans la comédie, les scènes contentes sans crainte ne valent rien, ni les extrêmes misères sans espérance, ni les amours bru taux, ni les sévérités âpres *.

32.

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On n'apprend pas aux hommes à être honnêtes hommes, et on leur apprend tout le reste; et ils ne se piquent jamais tant de savoir rien du reste, comme d'être honnêtes hommes. Ils ne se piquent de savoir que la seule chose qu'ils n'apprennent point".

33.

... Parler de ceux qui ont traité de la connaissance de soi-même, des divisions de Charron, qui attristent et ennuient, de la confusion de Montaigne;qu'il avait bien senti le défaut d'une droite méthode, qu'il l'évitait en sautant de

1 « Deux contraires.» Deux passions. P. R. a mis justement, à en voir deux contraires.

2 « La recherche des choses. » Montaigne dit : « Il ne fault pas trouver > estrange si gents desesperez de la prinse n'ont pas laissé d'avoir plaisir » à la chasse. » (Apol., p. 143.)

3 « Dans la comédie. » Remarquer cette observation littéraire jetée en passant.

4 « Les sévérités âpres. » Comme serait celle de Polyeucte par exemple, si Pauline ne le touchait pas du tout; ou celle de Félix, s'il se montrait absolument indifférent au sort de son gendre et de sa fille.

n'apprend pas aux hommes. » Je pense que honnéte homms est pris i au sens où nous l'avons déjà vu (15).

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Qu'ils n'apprennent point. » C'est l'original de ce mot qu'on attri bue à Boileau s'adressant à une jeune personne : « On vous a tout appris, » hormis à plaire; c'est pourtant ce que vous savez le mieux. »

1 « Parler de ceux. » En titre dans le manuscrit, Préface de la premièr、 partie. Pour l'explication de ce titre, voir XXII, 4.

sujet en sujet, qu'il cherchait le bon air. Le sot projet qu'il a de se peindre! et cela non pas en passant et contre ses maximes, comme il arrive à tout le monde de faillir; mais par ses propres maximes, et par un dessein premier et principal Car de dire des sottises par hasard et par faiblesse, c'est un mal ordinaire; mais d'en dire à dessein, c'est ce qui n'est pas supportable, et d'en dire de telles que celles-ci...

34.

Plaindre les malheureux n'est pas contre la concupiscence; au contraire, on est bien aise d'avoir à rendre ce témoignage d'amitié, et à s'attirer la réputation de tendresse sans rien donner.

35.

Qui aurait eu l'amitié du roi d'Angleterre, du roi de Pologne et de la reine de Suède, aurait-il cru por voir manquer de retraite et d'asile au monde?

1 « Le bon air. » Ainsi Malebranche lui reproche d'être un pédant à la cavalière. Si Montaigne cherchait le bon air, il faut reconnaltre qu'il l'a attrapé.

Le sot projet. Le charmant projet ! dit Voltaire.

3 « Premier et principal. Voir, en tête des Essais, l'avis de l'aucteur au lecteur, et passim.

4 « Que celles-ci. » Pascal n'a pas achevé. Cf. vii, 7.

<< Plaindre les malheureux. » 439. P. R., xxix. Pascal trouvant dans l'homme un bon sentiment, la compassion pour ceux qui soufrent, craint que cela ne contredise ses idées sur la dépravation essentiene de la nature humaine, et s'attache à ramener encore ce sentiment à l'amour de soi : il fait ce qu'a fait La Rochefoucauld; mais l'un est un misanthrope janséniste, l'autre un misanthrope philosophe.

• « Contre la concupiscence. » Ce mot désigne, dans la langue religieuse, l'ensemble des mauvais penchants de notre nature. Bossuet a écrit un Traité de la Concupiscence.

7 Du roi d'Angleterre. Charles 1, décapité en 1649; son fils ne fut rétabli qu'en 1660.

8 Du roi de Pologne.

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Jean-Casimir, dépossédé de son royaume par les

victoires de Charles-Gustave, roi de Suède, en 1656; il y rentra la même année: c'est donc en 1656 que ce fragment a été écrit.

9 De la reine de Suède. » La célèbre Christine, qui abdiqua en

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