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qut demeure plus dans la mémoire, et qui se fait le plus citer, parce qu'elle est toute composée de pensées1 nées sur les entretiens ordinaires de la vie; comme quand on parlera de la commune erreur qui est parmi les hommes, que la lune est cause de tout, on ne manquera jamais de dire que Salomon de Tultie dit que, lorsqu'on ne sait pas la vérité d'une chose, il est bon qu'il y ait une erreur commune, etc., qui est la pensée ci-dessus.

18.

Si le foudre tombait sur les lieux bas, etc., les poètes, et ceux qui ne savent raisonner que sur les choses de cette nature, manqueraient de preuves

19.

Le cœur a son ordre'; l'esprit a le sien, qui est par principes et démonstrations. On ne prouve pas qu'on doit être

Tultie n'est qu'un pseudonyme, un ami de Pascal, par exemple, qui lui avait soumis quelque recueil de pensées, lequel peut-être n'a jamais paru, et où Pascal avait remarqué celle qu'il cite. · Voir age 666.

1 << Toute composée de pensées. » Cette manière est aussi celle de Pascal. 2 « Si le foudre tombait, etc. » Foudre s'employait et au masculin et au féminin.

Ces foudres impuissants qu'en leurs mains vous peignez.
(CORNEILLE, Polyeucte.)

8 « Sur les lieux bas, etc. » Cet etc. indique d'autres suppositions semblables qu'on pourrait faire.

4 «< Manqueraient de preuves. Pourquoi? Au lieu de dire que les grands sont plus exposés aux catastrophes comme les sommets à la foudre, ils diraient, par exemple, que le sage, ayant l'âme élevée, est inaccessible au malheur, qu'au contraire les âmes basses et vulgaires en sont nécessairement atteintes, comme la foudre ne frappe que les lieux bas, etc. Descartes écrivait au P. Mersenne, en janvier 1647: « Vous me mandiez » dans votre précédente que les prédicateurs sont contraires à ma philo» sophie, à cause qu'elle leur fait perdre leurs belles comparaisons touchant » la lumière; mais s'ils y veulent penser, ils en pourront tirer de plus belles de nos principes, » etc.

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« Le cœur a son ordre. » En titre dans le manuscrit: L'ordre. Contro l'objection que l'Écriture n'a pas d'ordre.

aimé en exposant d'ordre les causes de l'amour: cela serait ridicule1.

Jésus-Christ, saint Paul ont l'ordre de la charité 2, non de l'esprit; car ils voulaient échauffer, non instruire. Saint Augustin de même. Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point' qui a rapport à la fin, pour la montrer toujours.

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20.

Masquer la nature * et la déguiser. Point de roi, de pape, d'évêques'; mais auguste monarque, etc.; point de Paris; capitale du royaume. Il y a des lieux où il faut appeler Paris Paris, et d'autres où il le faut appeler capitale du royaume.

1 << Cela serait ridicule. Montaigne, III, 5, p. 364 : 'Amor ordinem nescit. C'est un passage de saint Jérôme (Lettre à Chromatius, à la fin). « De la charité. » Cf. xvi, 13.

• << A la digression sur chaque point. C'est-à-dire à s'étendre sur chaque chose qui peut exciter le sentiment que l'on a pour fin de produire, sans s'attacher à suivre le fil du raisonnement.

4 << Masquer la nature. » Pascal prend note d'une faute de goût qu'il sıgnale.

5 « De pape, d'évêques. » P. R. a supprimé ces mots, et ensuite l'etc. « Des lieux. » C'est-à-dire des endroits dans le discours.

ง << Capitale du royaume. » On trouve dans la correspondance du chevalier de Méré une lettre de Miton à Méré (lettre 475), où les mêmes principes de goût sont développés fort longuement : « Je viens d'examiner » un auteur qui loue Charles-Quint de ce qu'en cette grande bataille, où il » s'agissait d'assujettir l'Allemagne, malgré les douleurs de la goutte, > dont il était ce jour-là si cruellement tourmenté, il se fit lier sur son » cheval, sans sortir de la bataille qu'il ne l'eût gagnée. Et l'auteur, pen> sant relever cette action, appelle toujours Charles-Quint ce grand em» pereur. Mais il me semble qu'il eût été beaucoup mieux de le nommer » simplement Charles; parce que grand empereur le cache sous ce nom » [c'est à peu près l'expression de Pascal, masquer la nature], et amuse » ainsi l'imagination, au lieu que Charles le montre à découvert, et fait > voir plus clairement que c'est lui. Et de plus, quand on dit que Charles » méprise la douleur et la mort pour l'ambition, on dit de lui de plus > grandes choses que si on disait, ce grand empereur: car il est bien plus grand à Charles, qui est simplement un homme, de mépriser la mort et la douleur, qu'il ne l'est à un grand empereur, dont le métier est d

21.

Quand dans un discours se trouvent des mots répétés, et qu'essayant de les corriger, on les trouve si propres qu'on gâterait le discours, il les faut laisser, c'en est la marque '; et c'est là la part de l'envie, qui est aveugle, et qui ne sait pas que cette répétition n'est pas faute en cet endroit; car il n'y a point de règle générale.

22.

Ceux qui font les antithèses en forçant les mots sont comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie. Leur règle n'est pas de parler juste, mais de faire des figures justes.

23.

Les langues sont des chiffres, où non les lettres sont changées en lettres, mais les mots en mots; de sorte qu'une langue inconnue est déchiffrable'.

» mépriser tout pour la gloire. Sur quoi il me vient dans l'esprit que, si › le même auteur eût voulu parler de lui retiré à Saint-Just, après qu'il >> eut quitté ses royaumes et l'empire, se promenant comme un particulier » avec les religieux de l'abbaye, il eût fallu l'appeler ce grand empereur.... » Je ne sais ce que vous jugerez de ces réflexions; mais il est vrai qu'en >> recherchant par cette voie la nature des choses, on pourrait connaître en » tout ce qu'il y a de bien et de mal, et se rendre un bon juge et même » un excellent ouvrier de la bienséance. >>

1 « C'en est la marque. C'est la marque qu'il les faut laisser. M. Vinet (page 415) fait remarquer que Pascal semble donner ici l'exemple dans la règle même, en répétant le verbe trouver.

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Méré

« Et c'est là la part de l'envie. » Pascal pense-t-il à quelque passage des Provinciales où l'envie avait critiqué des répétitions? (OEuvres posthumes, p. 45), parlant de César : « Ce grand homme, a-t-on > dit, était persuadé que la beauté du langage dépend beaucoup plus d'user > des meilleurs mots que de les diversifier, et s'il était content d'une ex» pression, il ne s'en lassait point, et ne craignait pas non plus d'en lasser » les autres. »

3 «Est déchiffrable. » Étant donné un chiffre écrit dans une langue connue, qu'est-ce qui le rend déchiffrable? C'est que la connaissance de la langue fait deviner la valeur des lettres. Étant donnée maintenant une langu●

24.

Il y a un certain modèle d'agrément et de beauté qui consiste en un certain rapport entre notre nature faible ou forte, telle qu'elle est, et la chose qui nous plaît. Tout ce qui est formé sur ce modèle nous agrée: soit maison, chanson., discours, vers, prose, femme,, oiseaux, rivières, arbres, chambres, habits, etc. Tout ce qui n'est point fait sur ce modèle déplaît à ceux qui ont le bon goût3. Et comme il y a un rapport parfait entre une chanson et une maison qui sont faites sur le bon modèle, parce qu'elles ressem¬ blent à ce modèle unique, quoique chacune selon son genre, il y a de même un rapport parfait entre les choses faites sur le mauvais modèle '. Ce n'est pas que le mauvais modèle soit unique, car il y en a une infinité. Mais chaque mauvais sonnet*, par exemple, sur quelque faux modèle qu'il soit

inconnue exprimant des idées connues, qu'est-ce qui la rendra déchiffrable? C'est que la connaissance des idées fera deviner la valeur des mots. Mais un alphabet se réduit à un très-petit nombre de caractères, tandis qu'une langue contient une infinité de mots. La seconde difficulté est donc hors de toute proportion avec la première, et véritablement énorme.

1 << Faible ou forte. Que signifient ces paroles? S'il s'agit de notre nature à chacun, plus faible chez celui-ci, plus forte chez celui-là, le bon goût ne serait donc pas le même pour tous, et le modèle ne serait pas unique, ce qui semble contraire à la pensée de Pascal. S'il s'agit de notre nature en général, de la nature humaine, pourquoi ajouter faible ou forte? N'est-ce pas que Pascal, qui sait si bien la faiblesse de la nature, pense neenmains que telle qu'elle est, faible ou forte, elle est pour nous la me→ sure du beau?

2 << Le bon goût. » Ou le goût bon (comme au paragr. 28), locution familière dans la bonne compagnie, parmi les honnétes gens à la façon du chevalier de Méré, et que celui-ci emploie fréquemment, quoiqu'il ait écrit « Il serait à désirer de faire en sorte qu'il eût le goût bon, car si >> je me veux expliquer, il faut bien que je me serve de ce mot dont tant » de gens abusent. » (M. Collet, page 33.)

3 « Sur le mauvais modèle. » Ce bon et ce mauvais modèle, sur lesquels sont faites à la fois les maisons, les chansons, les femmes, etc., ne sont-ils pas des idées de Platon, c'est-à-dire de pures abstractions sang réalité ?

«Chaque mauvais sonnet. On s'occupait alors beaucoup des son

fait, ressemble parfaitement à une femme vêtue sur ce modèle. Rien ne fait mieux entendre combien un faux sonnet est ridicule que d'en considérer la nature et le modèle, et de s'imaginer ensuite une femme ou une maison faite sur ce modèle-là.

25.

Comme on dit beauté poétique, on devrait aussi dire beauté géométrique, et beauté médicinale. Cependant on ne le dit point: et la raison en est qu'on sait bien quel est l'objet de la géométrie, et qu'il consiste en preuves, et quel est l'objet de la médecine, et qu'il consiste en la guérison; mais on ne sait pas en quoi consiste l'agrément, qui est l'objet de la poésie. On ne sait ce que c'est que ce modèle naturel qu'il faut imiter; et, faute de cette connaissance, on a inventé de certains termes bizarres : « siècle d'or, merveille de nos jours, fatal, etc.; et on appelle ce jargon beauté

nets, et on attachait une grande importance à ce petit poëme; on sait les vers de Boileau à ce sujet dans l'Art poétique.

1 << Vêtue sur ce modèle. » Voir le paragraphe suivant.

2 << Et la raison en est. » Un théorème, une découverte scientifique peut être belle, peut avoir de la beauté, mais non des beautés. Le beau est là dans le fond même, dans l'essence de la solution trouvée; en poésie, il est dans des mouvements d'imagination ou de passion qui sont des accidents, et qui ont chacun à part leur effet et leur charme. Ce sont là les vraies beautés poétiques. Les idées de Pascal semblent ici bizarres et fausses. Puisqu'il cite ailleurs Corneille, il aurait u y trouver des beautés poćtiques qui ne sont pas un jargon.

3 « Fatal, etc. » P. R. a mis, fatal laurier, bel astre. Pascal raille seulement l'emploi de l'adjectif fatal, mis à la mode par Malherbe, qu avait une grande prédilection pour ce mot, ainsi que l'a remarqué Ménage, Il l'emploie le plus souvent dans une acception favorable pour dire instrument d'un destin supérieur, au sens du latin fatalis.

Puissance, quiconque tu sois

Dont la fatale diligence

Préside à l'empire françois! (Ode 4.)

Tu menois le blond Hyménée,
Qui devoit solennellement

De ce fatal accouplement *

• Le mariage d'Henri IV avec Marie de Médicia.

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