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poétique. Mais qui s'imaginera une femme sur ce modèlelà, qui consiste à dire de petites choses avec de grands mots1, verra une jolie damoiselle toute pleine de miroirs et de chaînes, dont il rira, parce qu'on sait mieux en quoi consiste l'agrément d'une femme que l'agrément des vers. Mais ceux qui ne s'y connaissent pas l'admireraient en cet équipage; et il y a bien des villages où on la prendrait pour la reine : et c'est pourquoi nous appelons' les sonnets faits sur ce modèle-là les reines de village

26.

Quand un discours naturel peint une passion, ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût, en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous le fait sentir; car il ne nous

5

Célébrer l'heureuse journée. (Ode 6, au duc de Bellegarde.)

Plus haut, dans cette même ode:

Qui ne sait de quelles tempêtes

Leur fatale main autrefois, etc., etc.

Quant au siècle d'or, voir surtout les Stances récitées au ballet de Madame princesse d'Espagne (II, 28). Enfin, l'expression de merveille revient à chaque instant, enchâssée de diverses manières. Voilà les agréments que répétaient à satiété tous ces petits poëtes, que Boileau trouvait si aisé d'imiter, s'il eût voulu

Dans ses vers recousus mettre en pièces Malherbe.

1 << De petites choses avec de grands mots. » Excellente définition de la fausse éloquence, et qui est de tous les temps.

2 «De miroirs et de chaînes. » M. Sainte-Beuve (t. III, p. 49) a justement rapproché du fragment de Pascal ce passage des Lettres persanes: « Ce sont ici les poëtes, c'est-à-dire ces auteurs dont le métier est de >> mettre des entraves au bon sens, et d'accabler la raison sous les agré>>ments, comme on ensevelissait autrefois les femmes sous leurs ornements » et leurs parures. » (Lettre 137.)

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3 « Nous appelons. » Qui, nous? Apparemment la petite société d'hommes de goût, de raffinés, dont Méré était l'oracle.

4 « Qu'elle y fût. » Il faudrait, pour que la phrase fût correcte, laquelle on ne savait pas qui y fút. Mais on répétait alors volontiers il ou elle.

3 « Qu'on est porté à aimer.» Pascal dit ailleurs (xxv, 24): « Ce n'est >> pas dans Montaigne, mais dans moi, que je trouve tout ce que j'y voiɛ. » C'est donc à Montaigne aussi sans doute qu'il pensait ici.

a pas fait montre de son bien 1, mais du nôtre; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable: outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l'aimer.

27.

Il faut de l'agréable et du réel; mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai2.

28.

Quand on voit le style naturel', on est tout étonné et ravi; car on s'attendait de voir un auteur, et on trouve un homme *. Au lieu que ceux qui ont le goût bon, et qui en voyant un livre croient trouver un homme, sont tout surpris de trouver un auteur: Plus poetice * quam humane locutus es. Ceux-là honorent bien la nature, qui lui apprennent qu'elle peut parler de tout, et même de théologie".

29.

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La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu'il faut mettre la première.

1 « De son bien. » Ce qui blesserait notre vanité et exciterait notre jalousie.

« Soit lui-même pris du vrai. » Cela est si juste qu'on ne voit pas même d'abord comment Pascal peut distinguer l'agréable du réel. Pensait-il aux figures, aux images, qui expriment la vérité, mais par une espèce de fiction?

3 « Quand on voit le style naturel. » C'est-à-dire, quand on voit que le style est naturel.

4 « Et on trouve un homme. » Méré, Discours de la Conversation, p. 76: « Je disais à quelqu'un fort savant qu'il parlait en auteur. Eh » quoi ! me répondit cet homme, ne le suis-je pas? Vous ne l'êtes que trop, repris-je en riant, et vous feriez beaucoup mieux de parler en galant homme. C'est plutôt encore Montaigne que Méré qui a dû inspirer ▲ Pascal cette pensée : et à qui s'applique-t-elle mieux?

Plus poetice, » Cette phrase est de Pétrone, au chapitre 90, où elle n'a pas le même sens que dans Pascal. Pascal emprunte sans doute à quelqu'un cette citation.

• « Et même de theologie. » Est-ce là un retour sur les Provinciales?

30.

Il ne faut point détourner l'esprit ailleurs, sinon pour le délasser, mais dans le temps où cela est à propos; le délasser quand il faut, et non autrement; car qui délasse hors de propos, il lasse; et qui lasse hors de propos délasse1, car on quitte tout là; tant la malice de la concupiscence se plaît à faire tout le contraire de ce qu'on veut obtenir de nous sans nous donner du plaisir, qui est la monnaie2 pour laquelle nous donnons tout ce qu'on veut.

31.

Quelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire pas les originaux '!

32.

Un même sens change selon les paroles qui l'expriment. Les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner, Il en faut chercher des exemples"...

33.

Ceux qui sont accoutumés à juger par le sentiment ne comprennent rien aux choses de raisonnement; car ils veu

1 « Et qui lasse hors de propos délasse. » Pascal s'explique tout de suite: car on quitte tout là, et ainsi l'esprit, qu'on croyait tenir bien tendu, échappe tout à fait, et se délasse à son aise. C'est comme dans l'épigramme de Rousseau : Faisons-les courts en ne les lisant point.

2 « Qui est la monnaie. » Voltaire voudrait que Pascal eût dit, la denrée: 3 « Les originaux. » Cependant s'il n'y avait aucune espèce de beauté dans l'original, il ne pourrait pas y en avoir dans la peinture.

4 « Un même sens. » Il n'est pas vrai que la pensée reçoive sa dignité des paroles, car c'est la pensée qui fait les paroles à son image. La parole toute seule n'est rien.

5 « Il en faut chercher des exemples. Pascal n'a pas achevé, il n'aurait pu trouver des exemples à l'appui d'une remarque qui n'est pas vraie.

· « Ceux qui sont accoutumés. » Sur la différence des choses de raisonnement et des choses de sentiment, voir le paragraphe 2.

lent d'abord pénétrer d'une vue, et ne sont point accoutumés à chercher les principes. Et les autres, au contraire, qui sont accoutumés à raisonner par principes, ne comprennent rien aux choses de sentiment, y cherchant des principes, et ne pouvant voir d'une vue.

34.

La vraie éloquence1 se moque de l'éloquence, la vraie morale se moque de la morale; c'est-à-dire que la morale du jugement se moque de la morale de l'esprit, qui est sans règles 2. Car le jugement est celui à qui appartient le sentiment, comme les sciences appartiennent à l'esprit. La finesse est la part du jugement, la géométrie est celle de l'esprit.

Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher.

35.

Toutes les fausses beautés que nous blâmons en Cicéron ont des admirateurs, et en grand nombre.

' « La vraie éloquence. » En titre, Géométrie, Finesse. Ce titre indique qu'il faut rapprocher ce fragment du paragraphe 2. Sur la vraie éloquence opposée à ce qu'on appelle l'éloquence, cf. le paragraphe suivant.

2 a Qui est sans règles. Cependant la morale de l'esprit étant, d'après ce qui suit, la morale du raisonnement, la morale géométrique, comment peut-elle être sans règles? C'est qu'il n'y a pas de principes absolus sur lesquels on puisse établir une géométrie en morale.

3 « Car le jugement est celui à qui. » C'est-à-dire est ce à quoi. Celui est au masculin parce que le jugement est au masculin; c'est une attraction à la manière des langues anciennes.

« Se moquer de la philosophie. » C'est comme s'il avait dit, en continuant le même tour: La vraie philosophie se moque de la philosophie. Mont., Apol., p. 146: « Un ancien à qui on reprochoit qu'il faisoit profession de la philosophie, de laquelle pourtant en son iugement il ne » tenoit pas grand compte, respondit que cela c'estoit vrayement philosopher.

6 « Toutes les fausses beautés. » En blåmant dans Cicéron ies fausses beautés, on doit croire que Pascal ne méconnaissait pas les véritables. Montaigne, son maître, qui parle d'ailleurs assez durement de Cicéron, ajoute pourtant (II, 40, p. 451): « Quant à son éloquence, elle est du

36.

Il y a beaucoup de gens qui entendent le sermon de la même manière qu'ils entendent vêpres.

37.

Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l'on veut aller1.

38.

Deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur ressemblance.

39.

... Ils ont quelques principes; mais ils en abusent. Or, l'abus des vérités doit être autant puni que l'introduction du mensonge.

>> tout hors de comparaison: ie crois que iamais homme ne l'egualera. > Il mêle à cet éloge quelques critiques sans y appuyer beaucoup, et nulle part, je crois, il ne lui reproche des beautés fausses. Mais il est remarquable que trois de nos plus grands esprits, Pascal, La Fontaine, Fénelon, se soient montrés sévères à l'égard de cette éloquence tant admirée. C'est justement, je crois, parce qu'elle était trop indiscrètement admirée de leur temps, et que le nom de Cicéron était compromis par les déclamateurs cicéroniens. Rollin encore, qui a tant de sens, avait peine à consentir qu'on préférât à Cicéron Démosthène (voir son Traité des Études); qu'on juge où devait aller l'enthousiasme des esprits vulgaires, puisé dès l'enfance dans les écoles, et fortifié par la pratique d'un art oratoire tel que celui que Racine a parodié dans les Plaideurs. Méré ne paraît pas goûter beaucoup Cicéron; et en effet, Cicéron est trop constamment orateur pour plaire à ces délicats qui voulaient qu'on ne fût qu'honnête homme. Cf. vi, 15.

« Où l'on veut aller. » Pourvu qu'on veuille aller où elles portent. 2 << Ils ont quelques principes. » En titre dans le manuscrit: Probabilité. Supprimé dans P. R., comme se rattachant aux querelles du jansénisme. On lit dans les éditions: Les astrologues, les alchimistes ont quelques principes, etc. On voit que Pascal ne pensait pas du tout aux alchimistes et aux astrologues, mais à la morale des jésuites et à leur doctrine de la probabilité. Voir les Provinciales.

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