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Abraham était environné d'idolâtres, quand Dieu lui fit connaître le mystère du Messie qu'il a salué de loin. Au temps d'Isaac et de Jacob, l'abomination s'était répandue1 sur toute la terre: mais ces saints vivaient en la foi; et Jacob, mourant et bénissant ses enfants, s'écrie, par un transport qui lui fait interrompre son discours : J'attends, ô mon Dieu, le Sauveur que vous avez promis: Salutare tuum3 exspectabo, Domine.

Les Égyptiens étaient infectés et d'idolâtrie et de magie; le peuple de Dieu même était entraîné par leurs exemples. Mais cependant Moïse et d'autres croyaient celui qu'ils ne voyaient pas, et l'adoraient en regardant aux dons éternels qu'il leur préparait.

Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses déités; les poëtes ont fait cent diverses théologies; les philosophes se sont séparés en mille sectes différentes : et cependant il y avait toujours au cœur de la Judée des hom

le monde avec lui, il a été la figure du Messie sauvant les hommes, et il l'a fait espérer. L'arche est la figure de l'Église. Voir sur les Figures l'article XVI. Il faut avouer que ces expressions, sauver le monde par l'espérance du Messie, sont obscures, et ne disent pas bien ce qu'elles veulent dire.

1 «Lo mystère du Messie. » Je ne vois pas cela dans la Genèse, mais Jésus dit dans l'Évangile de saint Jean (viii, 56) qu'Abraham a été transporté par l'espérance de voir son avénement, qu'il l'a vu, et qu'il s'est réjoui.

2 « L'abomination s'était répandue. » Remarquez la vivacité des termes que Pascal trouve à chaque phrase pour peindre la corruption du monde, et faire mieux ressortir la conservation de la foi chez les élus. Remarquez aussi que la répétition continuelle du même tour, image de l'immobilité de la religion, est une beauté que Port-Royal avait fait disparaître par diverses altérations.

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<< Salutare tuum. » Genése, XLIX, 18. Ce verset n'a en effet aucun rapport apparent avec ce qui précède et ce qui suit.

<< Celui qu'ils ne voyaient pas. » Beati qui non viderunt, et credinerunt. Jean, xx, 29. « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu: » bienhenreux ceux qui ne voient pas et qui croient! »>

B « Au cœur de la Judée. » Au lieu de dire simplement, dans la Julée; cela montre mieux que la foi est comme réfugiés lá.

mes choisis qui prédisaient la venue de ce Messie, qui n'était connu que d'eux.

Il est venu enfin 1 en la consommation des temps2 : et depuis, on a vu naître tant de schismes et d'hérésies, tant renverser d'États, tant de changements en toutes choses; et cette Église, qui adore celui qui a toujours été adoré', a subsisté sans interruption. Et ce qui est admirable, incomparable et tout à fait divin, c'est que cette religion, qui a toujours duré, à toujours été combattue. Mille fois elle a été à la veille d'une destruction universelle; et toutes les fois qu'elle a été en cet état, Dieu l'a relevée par des coups extraordinaires de sa puissance. C'est ce qui est étonnant, et qu'elle s'est maintenue sans fléchir et ployer sous la volonté des tyrans. Car il n'est pas étrange qu'un État subsiste, lorsque l'on fait quelquefois céder ses lois à la nécessité, mais que..."

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Dieu, voulant se former un peuple saint, qu'il séparerait de toutes les autres nations, qu'il délivrerait de ses ennemis, qu'il mettrait dans un lieu de repos, a promis de

1 « Il est venu enfin. » Ces mots très-simples frappent, parce que l'écrivain nous a fait sentir, en s'arrêtant à chaque pas, la longue attente du monde.

2 En la consommation des temps. » Expression biblique et solennelle, pour dire, quand le temps marqué fut accompli.

9 << Celui qui a toujours été adoré. » Il suffit de ce retour du même verbe pour nous faire franchir les siècles, et reconnaître dans le Dieu de Pascal le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Voir le papier mystique cité dans la note 16, sur sa Vie.

4 << Mille fois elle a été. » Voir le Discours sur l'Histoire universelle:

« Cette Église toujours attaquée, et jamais vaincue, est un miracle per» pétuel, etc. II partie, XIII, au commencement.

« Mais que... » Le manuscrit porte ici, entre parenthèses : « Voyez ie rond dans Montaigne. Ce rond est sans doute la marque que Pascal avait mise à un passage de Montaigne. Voir le paragraphe 6.

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« Dieu voulant se former. » En titre, Figures. (Voir l'art. xvi,

le faire 1, et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue. Et cependant, pour affermir l'espérance de ses élus dans tous les temps, il leur en a fait voir l'image sans les laisser jamais sans des assurances de sa puissance et de sa volonté pour leur salut. Car, dans la création de l'homme, Adam en était le témoin, et le dépositaire de la promesse du Sauveur, qui devait naître de la femme, lorsque les hommes étaient encore si proches de la création, qu'ils ne pouvaient avoir oublié leur création et leur chute. Lorsque ceux qui avaient vu Adam n'ont plus été au monde, Dieu a envoyé Noé, et il l'a sauvé, et noyé toute la terre, par un miracle qui marquait assez et le pouvoir qu'il avait de sauver le monde, et la volonté qu'il avait de le faire, et de faire naître de la semence de la femme celui qu'il avait promis. Ce miracle suffisait pour affermir l'espérance des hommes...

La mémoire du déluge étant encore si fraiche parmi les hommes, lorsque Noé vivait encore, Dieu fit ses promesses à Abraham, et lorsque Sem vivait encore, Dieu envoya Moïse, etc....

6.

Les États périraient, si on ne faisait plier souvent les lois à la nécessité'. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et

« A promis de le faire. » P. R. complète la pensée et de venir au monde pour cela.

2 « La promesse du Sauveur. C'est la promesse qui a le Sauveur pour objet, la promesse que Dieu a faite à l'homme de lui donner un Sau

veur.

• « Qui devait naître de la femme. » C'est ainsi que l'Église interprète ces mots que Dieu adresse au serpent dans la Genèse (III, 15): « Je susciterai la guerre entre toi et la femme, entre ta race et sa race; ello Décrasera ta tête, et tu t'efforceras de mordre son talon.

4 « Lorsque Noé vivait encore. Supprimé dans P. R. Noé ne vivait plus, d'après la Genèse, lors de la vocation d'Abraham, ni Sem au temps de Moïse.

8 « Les lois à la nécessité. » Montaigne, 1, 22, page 181 : « Si est-ce

n'en a usé. Aussi il faut ces accommodements, ou des miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en ployant, et ce n'est pas proprement se maintenir; et encore périssentils enfin entièrement : il n'y en a point qui ait duré mille ans Mais que cette religion se soit toujours maintenue, et inflexible, cela est divin.

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7.

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Il y aurait trop d'obscurité, si la vérité n'avait pas des marques visibles. C'en est une admirable qu'elle se soit toujours conservée dans une Église et une assemblée visible. Il y aurait trop de clarté s'il n'y avait qu'un sentiment dans cette Église; mais pour reconnaître quel est le vrai, il n'y a qu'à voir quel est celui qui y a toujours éte; car il est certain que le vrai y a toujours été, et qu'aucun faux n'y a toujours été.

Ainsi, le Messie a toujours été cru'. La tradition d'Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l'ont prédit depuis, en prédisant toujours d'autres choses, dont les événements, qui arrivaient de temps en temps à la vue

» que la fortune, reservant tousiours son auctorité au-dessus de nos dis>> cours, nous presente auculnesfois la necessité si urgente, qu'il est be» soin que les loix lui facent quelque place, etc.

1 <«< Mille ans. » P. R., quinze cents ans. En effet le royaume de France avait déjà duré plus de mille ans au temps de Pascal. Rome a duré plus de mille ans de Romulus à Augustule. Mais Pascal et P. R. se tiennent toujours dans le cercle de l'histoire classique. Ils auraient rayé leurs chiffres s'ils avaient songé à la durée de l'empire chinois.

2 « Et inflexible. » C'est-à-dire et cela en restant inflexible.

mais

« Il y aurait. » Ce premier alinéa, qui manque dans P. R., qui a été publié depuis, paral: bien de Pascal, quoique M. Faugère ne l'ait retrouvé dans aucun manuscrit.

« Dans une Église. » En entendant qu'avant Jésus-Christ la Synagogue était l'Église.

5 « Il y aurait trop de clarté. » Pascal seul a pu écrire cela; on ne lui aurait pas prêté de telles paroles. Voir, au sujet de ce sentiment de Pascal, tout l'art. xi.

« Le Messie a toujours été cru. » En titre, Perpétuité,

des hommes, marquaient la vérité de leur mission, et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. Jésus-Christ a fait des miracles, et les apôtres aussi, qui ont converti tous les païens; et par là toutes les prophéties étant accomplies1, le Messie est prouvé pour jamais.

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8.

En voyant l'aveuglement et la misère de l'homme, en regardant tout l'univers muet 2, et l'homme sans lumière3, abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l'univers, sans savoir qui l'y a mis, ce qu'il y est venu faire, ce qu'il deviendra en mourant, j'entre en effroi comme un homme qu'on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s'éveillerait sans connaître où il est, et sans moyen d'en sortir. Et sur cela j'admire comment on n'entre point en désespoir d'un si misérable état. Je vois d'autres personnes auprès de moi, d'une semblable nature : je leur demande s'ils sont mieux instruits que moi, ils me disent que non; et sur cela, ces misérables égarés, ayant regardé autour d'eux, et ayant vu quelques objets plaisants",

Étant accomplies. » Car elles avaient annoncé, comme le fruit et le signe de la venue du Messie, la conversion des gentils.

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Tout l'univers muet. » C'est-à-dire, qui ne peut parler pour dire à l'homme ce que l'homme voudrait entendre, comment et par qui il est. 3 « Et l'homme sans lumière. » Sur tout ce qui suit, cf. IX, 1 : « Je ⚫ ne sais qui m'a mis au monde, » etc.

4 << Comme un homme. Pascal avait mis d'abord, comme un enfant. 5 « En désespoir. » On n'entrera point en désespoir, si dans cette vie, que Pascal appelle effroyable, on trouve pourtant les joies que donnent des affections satisfaites, si surtout on a une bonne conscience, et qu'on soit en paix avec sci.

6 « Quelques objets plaisants. » Ainsi parle Bossuet dans un passage Célèbre (Sermon préché à Meaux le jour de Pâques, deuxième point): La vie humaine est semblable à un chemin dont l'issue est un precipice affreux... Je voudrais retourner sur mes pas. Marche, marche... » Mille traverses, mille peines encore si je pouvais éviter ce précipice >> affreux ! Non, non, il faut marcher, il faut courir... On se console pour» tant, parce que de temps en temps [il y a] des objets qui nous divertia

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