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comme les livres des Sibylles et de Trismégiste2, et tant d'autres qui ont eu crédit au monde, sont faux et se trouvent faux à la suite des temps. Il n'en est pas ainsi des auteurs contemporains.

3.

Qu'il y a de différence d'un livre à un autre! Je ne m'etonne pas de ce que les Grecs ont fait l'Iliade, ni les Égyptiens et les Chinois leurs histoires. Il ne faut que voir comment cela est né.

Ces historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. Homère fait un roman', qu'il donne pour tel; car personne ne doutait que Troie et Agamemnon n'avaient non plus été que la pomme d'or*. Il ne pensait pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement. Il est le seul qui écrit de son temps : la beauté de l'ouvrage fait durer la chose : tout le monde l'apprend et en parle : il la faut savoir; chacun la sait par cœur. Quatre cents ans après, les témoins des choses ne sont plus vivants; personne ne sait plus par sa connaissance si c'est

1 << Comme les livres. » Ce comme équivaut à c'est ainsi que.

2 « Des Sibylles et de Trismégiste. » Ces livres ne sont pas des histoires.

« Homère fait un roman. » Au lieu de s'étendre sur l'Iliade, qui n'a absolument rien de commun avec une histoire, il aurait été intéressant de discuter les histoires de l'Égypte et de la Chine, et leurs sources. Cf. XVII,

46.

4 « Que la pomme d'or. » Pascal ne paraît pas moins sceptique en histoire qu'en philosophie. Il n'y a aucune raison de douter de l'existence de Troie, ni même de celle d'Agamemnon. C'est sans doute ce qui a déterminé P. R. à retrancher ce passage.

<< Il est le seul qui écrit. » Pascal ne songe guère à examiner cette question tant agitée par la critique moderne, si l'écriture était connue au temps d'Homère, et si Homère a écrit. Cette question pourtant avait été soulevée par les anciens, et plusieurs y répondaient négativement, comme Pascal aurait pu le voir dans ce livre de Josèphe contre Apion qu'il cite, s'il l'avait lu. Mais quand il écrivait, la critique historique était peu avancée et surtout bien peu répandue; on peut dire qu'elle n'existait pas pour lui.

une fable ou une histoire : on l'a seulement appris de ses ancêtres, cela peut passer pour vrai1.

ARTICLE XV.

1.

La création et le déluge passés, et Dieu ne devant plus détruire le monde, non plus que le recréer, ni donner de ces grandes marques de lui, il commença d'établir un peuple sur la terre, formé exprès, qui devait durer jusqu'au peuple que le Messie formerait par son esprit.

2.

Dieu, voulant faire paraître qu'il pouvait former un peuple saint d'une sainteté invisible', et le remplir d'une gloire éternelle, a fait des choses visibles'. Comme la nature est une image de la grâce, il a fait dans les biens de la nature ce qu'il devait faire dans ceux de la grâce', afin qu'on jugeât qu'il pouvait faire l'invisible, puisqu'il faisait bien le visible. Il a donc sauvé ce peuple du déluge'; il l'a fait

■ Pour vrai. » Ce n'est pas Homère qui a inventé ce fait de la prise de Troie, qui n'est pas même compris dans le cadre de son poëme. Il n'y a aucune critique dans tout cela.

2 « D'une sainteté invisible. Ce peuple est celui des chrétiens qui ont la grâce, les justes, les élus.

Des choses visibles. » Ces choses visibles, c'est le peuple saint de l'Ancien Testament, peuple saint tout extérieur, pour ainsi dire; ce sont les merveilles qui composent son histoire.

4 Dans les biens de la nature. Pour le peuple juif.

<< Dans ceux de la grâce. » Pour les vrais chrétiens.

« Ce peuple du déluge. » Dans la personne des Hébreux. Ce qui indiquerait qu'il sauverait un jour son peuple du péché, dans la personne des Justes touchés de la grâce.

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naitre d'Abraham ', il l'a racheté d'entre ses ennemis et l'a mis dans le repos '.

L'objet de Dieu n'était pas de sauver du déluge, et de faire naître tout un peuple d'Abraham, pour ne l'introduire que dans une terre grasse. Et même la grâce n'est que la figure de la gloire, car elle n'est pas la dernière fin. Elle a été figurée par la loi, et figure elle-même la gloire; mais elle en est la figure, et le principe' ou la cause.

La vie ordinaire des hommes est semblable à celle des saints. Ils recherchent tous leur satisfaction, et ne diffèrent qu'en l'objet où ils la placent. Ils appellent leurs ennemis ceux qui les en empêchent, etc. Dieu a donc montré le pouvoir qu'il a de donner les biens invisibles, par celui qu'il a montré qu'il avait sur les choses visibles.

10

3.

Dieu voulant priver les siens des biens périssables, pour montrer que ce n'était pas par impuissance ", il a fait le peuple juif 12.

1 « Naltre d'Abraham. » Pour indiquer qu'il naltrait de Jésus-Christ. 2 « D'entre ses ennemis. » C'est-à-dire du joug du démon.

3 « Dans le repos. » C'est-à-dire dans le salut.

4 « Dans une terre grasse.» Expression de l'Écriture en parlant de lá terre promise. Mais la terre promise ne faisait qu'indiquer la grâce.

« N'est que la figure. Sur ces figures, voir l'article xvi.

<< De la gloire » C'est-à-dire de l'état des bienheureux dana le ciel. Cf. x, 1, page 17%, note 1.

« Et le principe. » Car c'est la grâce qui donne la gloire, tandis que la terre promise n'est que la figure de la grâce, mais ne la contient pas.

« Ils recherchent tous. » Les autres hommes aussi bien que les saints. «Ceux qui les en empêchent. »Donc les saints appellent leur ennemi le démon ou le péché; donc les Juifs sauvés de leurs ennemis figuraient les saints sauvés du péché. L'etc. signifie que les saints se servent d'autres images analogues. cf. 7.

« Dieu voulant priver. En titre, Figures.

11 « Par impuissance. » Qu'il les en laissait manquer. Mais Dieu avait-il besoin de prouver cela?

12 « Le peuple juif. » Auquel il a prodigué ces biens périssables.

Les Juifs avaient vieilli' dans ces pensées terrestres, que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortirait, que pour cela2 il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples, sans souffrir qu'ils s'y mêlassent, que, quand ils languissaient dans l'Égypte, il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur; qu'il les nourrit de la manne dans le désert; qu'il les mena dans une terre bien grasse; qu'il leur donna des rois et un temple bien bâti' pour y offrir des bêtes, et par le moyen de l'effusion de leur sang qu'ils seraient purifiés, et qu'il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde. Et il a prédit le temps de sa venue.

4

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Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles JÉSUS-CHRIST est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l'éclat attendu; et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures';

1 « Les Juifs avaient vieilli. » Cf. xvi, 13.

2 « Que pour cela. » Ce pour cela domine tout le reste de la phrase. P. R. le fait sentir, en écrivant, et que c'était pour cela que.

3 « Et un temple bien bâti. » C'est la langue des peuples primitifs et qui parle aux sens, c'est celle d'Homère : 'xtiμtvov ætóĥie0pov.

4 « Le monde ayant vieilli. » C'est-à-dire les Juifs. Tout cela était ignoré du reste du monde.

« Dans ces erreurs charnelles. » Pascal n'appelle pas erreur d'avoir cru ces faits, qui sont attestés par la Bible, ou plutôt qui sont toute la Bible, mais d'avoir rapporté tout cela au peuple juif, tandis que Dieu ne faisait ces choses que comme une figure du christianisme à venir. L'erreur est de n'avoir pas compris que le règne du Christ ne devait pas être de ce monde, et que la Jérusalem qui réguerait sur les nations ne serait pas Jérusalem, mais l'Eglise. Toute cette histoire, suivant Pascal, n'est histoire qu'aux yeux de la chair; à ceux de l'esprit, elle est mystère et allégorie.

<< Saint Paul est venu apprendre. » Les propositions qui suivent no sont pas toutes textuellement dans saint Paul, mais c'est bien là l'esprit de la prédication de saint Paul.

" « Étaient arrivées en figures. » Cf. tout l'article xvi. Saint Pau!, I Cor., x, 6: Hæc autem in figura facta sunt nostri. 44: Hæc autem omnia

que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l'esprit ; que les ennemis des hommes1 n'étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions; que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main2 d'hommes, mais en un cœur pur et humilié; que la circoncision du corps' était inutile, mais qu'il fallait celle du cœur; que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

Mais Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple, qui en était indigne, et ayant voulu néanmoins les prédire afin qu'elles fussent crues', en avait prédit le temps clairement, et les avait même quelquefois exprimées clairement, mais abondamment' en figures, afin que ceux qui ai

in figura contingebant illis. Gal., IV, 24: Quæ sunt per allegoriam dicta, etc. Cf. II Cor., III, 6: Littera enim occidit, spiritus autem vivificat, etc., etc.

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<< Que les ennemis des hommes. » Ceci est expliqué aux paragraphes 45 et 16 de l'article XVI.

2 << Aux temples faits de main. » P. R., de la main des hommes. Pascal traduit mot à mot le latin: Non enim in manufacta sancta Jesus introïvit. Hebr., 1x, 24. Voir tout le chapitre. L'authenticité de l'épître aux Hébreux est douteuse: Epistola autem quæ fertur ad Hebræos non ejus creditur (Hieron. præfat.). Cf. I Cor., 111, 16: Nescitis quia templum Dei estis, etc.

<< Que la circoncision du corps. » Rom., 11, 28: Neque quæ in manifesto, in carne, est circumcisio, sed... circumcisio cordis, in spiritu, non in littera, etc., etc.

4 « Que Moïse ne leur avait pas donné. » Ou du moins, ne le leur avait donné qu'en figure. I Cor., x, 2-4: Et omnes in Moyse baptizati sunt, in nube et in mari. Et omnes eamdem escam spiritalem manducaverunt. Et omnes eumdem potum spiritalem biberunt: bibebant autem de spiritali, consequente eos, petra; petra autem erat Christus.

« N'ayant pas voulu découvrir. » Cf. tout l'article xx.

6 « Qu'elles fussent crues. » De ceux qui étaient dignes de croire, des justes.

<< Mais abondamment. » P. R., mais ordinairement. Pascal veut dire que les choses de l'Ancien Testament, outre leur sens propre, expriment encore par surcrolt, surabondamment, ex abundanti, les choses du NouYeau. Ce sens figuré est clair, suivant lui; mais comme il est surabondant, et qu'il y a d'abord un sens propre qui paraît suffire, ceux qui, chez les Juifs, n'étaient pas éclairés par la grâce, n'allaient pas jusqu'à la figure, et s'arrêtaient à la lettre.

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