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6.

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Qu'il est beau de voir, par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le savoir, pour la gloire de l'Evangile1!

7.

La religion païenne est sans fondement.

La religion mahométane a pour fondement l'Alcoran . et Mahomet. Mais ce prophète, qui devait être la dernière attente du monde, a-t-il été prédit? Et quelle marque a-t-il, que n'ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits? Quel mys

4

1. Pour la gloire de l'Évangile. » M. Sainte-Beuve (t. 111, p. 364) : Quand Pascal interprète les Prophéties, et lève les sceaux du Vieux Tes>>tament, quand il explique le rôle des apôtres parmi les Gentils, et » l'économie merveilleuse des desseins de Dieu, il devance visiblement >> Bossuet, le Bossuet de l'Histoire universelle; il ouvre bien des perspec»tives que l'autre parcourra et remplira. » — Et plus loin: « Bossuet » avait lu les Pensées, il y avait rencontré celle-ci : Qu'il est beau de voir, > etc. C'était tout un programme, que son génie impétueux dut à l'in> stant embrasser, comme l'œil d'aigle du grand Condé parcourait l'éten> due des batailles. »

2 « Sans fondement.» Pascal avait écrit d'abord : « Sans fondement au» jourd'hui. On dit qu'autrefois elle en a eu, par les oracles qui ont parlé. » Mais quels sont les livres qui nous en assurent? Sont-ils si dignes de >> foi par la vertu de leurs auteurs? Sont-ils conservés avec tant de soin qu'on ne puisse s'assurer qu'ils ne sont point corrompus? » Pascal a ensuite barré ces lignes, soit qu'il ait craint de soulever incidemment une discussion qui demandait plus d'étendue, soit qu'il ait jugé inutile d'argumenter contre la religion païenne, tombée depuis longtemps et sans retour. Cependant Grotius, dans son traité, discute avec le même soin le judaïsme, le mahométisme et le paganisme. Peut-être aussi que Pascal, qui, dans ce passage, paraît nier les oracles païens, a hésité sur cette question. L'opinion qu'il y avait eu chez les Païens de vrais oracles, rendus par les démons avec la permission de Dieu, était encore générale parmi les croyants à cette époque: Fontenelle et la philosophie moderne l'ont fait abandonner.

5 K L'Alcoran. On sait qu'il faut dire le Coran: al n'est que l'article arabe.

« Quels miracles dit-il lui-même. » On lit dans le Coran, au chapitre du Voyage de nuit (xV11) : « La plus grande partie du peuple s'éloigne de » la vérité et dit: Nous ne te croirons pas que tu ne nous fasses sortir des

tère1 a-t-il enseigné, selon sa tradition même? Quelle morale' et quelle félicité1?

La religion juive doit être regardée différemment dans la tradition des livres saints, et dans la tradition du peuple'. La morale et la félicité en est ridicule, dans la tradition du peuple, mais elle est admirable, dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable: c'est le plus ancien livre du monde, et le plus authentique; et au lieu que Mahomet, pour faire subsister le sien, a défendu de le lire', Moïse, pour faire subsister le sien, a ordonné à tout le monde' de le lire.

Notre religion est si divine, qu'une autre religion divine n'en est que le fondement.

fontaines de dessous la terre, et que tu ne fasses en ce lieu un jardin ⚫ orné de palmiers et de vignes, avec des ruisseaux qui coulent au milieu, » ou que nous ne voyions descendre du ciel une partie des peines que » tu nous prêches: nous ne te croirons pas que Dieu et les Anges ne te » viennent secourir, que ta maison ne soit de fin or, et que nous ne voyions ⚫ le livre de vérité envoyé du ciel... Dis leur [c'est Dieu qui parle au ‣ prophète] Loué soit mon Seigneur! Suis-je autre chose qu'un homme ➤ envoyé de sa part? Et plus haut (c'est toujours Dieu qui parle] : « Rien » ne nous a empêché de faire paraître les miracles que désirent voir les > habitants de la Mecque, que le mépris que leurs prédécesseurs en ont » eu. » Traduction de Du Ryer, 1647. Mahomet ne dit donc pas lut-même avoir fait des miracles, mais les siens n'ont pas manqué de lui en attribuer. Voir Grotius, VI, 5. Le complément de la pensée de Pascal est que Moïse, au contraire, s'est attribué à lui-même des miracles, puisque les livres de Moïse lui en attribuent.

1 « Quel mystère. » Loin d'enseigner des mystères, Mahomet écarte comme des superstitions ceux du christianisme, la Trinité et l'Incarnation. 8 « Quelle morale. Voir Grotius, VI, 8.

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« Quelle félicité. » Pascal veut parler de son paradis (cf. 9).

« Et dans la tradition du peuple. On lit ici en note: « Et toute reli>gion est de même, car le christianisme est bien différent dans les livres saints et dans les casuistes. » Cf. xv, 10.

<< En est ridicule. » P. R. n'a pas voulu avouer ces étranges paroles. P. R. ne croyait pas que la Bible ne fût tout entière qu'une allegorie, qui devient ridicule si on la prend à la lettre. Cf. 8. Ce mot de ridicule est Celui dont Pascal va se servir pour Mahomet (cf. 9).

A défendu de le lire. » Cf. 10.

1 ☀ ▲ ordonné à tout le monde. » Peuléron., xxx1, 44, Gr. 19,

Mahomet, sans autorité1. Il faudrait donc que ses raisons fussent bien puissantes, n'ayant que leur propre force. Que dit-il done? Qu'il faut le croire".

8.

De deux personnes qui disent des sots contes, l'un qui a double sens, entendu dans la cabale', l'autre qui n'a qu'un sens; si quelqu'un, n'étant pas du secret, entend discourir les deux en cette sorte, il en fera même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l'un dit des choses angéliqués, et l'autre toujours des choses plates et communes, il jugera que l'un parlait avec mystère, et non pas l'autre : l'un ayant assez montré qu'il est incapable de telles sottises, et capable d'être mystérieux; et l'autre, qu'il est Incapable de mystère, et capable de sottises'.

9.

Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur dans Mahomet, et qu'on peut faire passer pour un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge, mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis', et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Et

1

« Sans autorité. C'est-à-dire qu'il n'est pas autorisé, qu'il n'a pas

de tradition qui l'autorise, qu'il n'a pas été prédit.

4

« Qu'il faut le croire. » C'est-à-dire qu'il ne donne pas de raisons,

« Des sots contes. » P. R., des choses qui paraissent basses,

« Qui a double sens. » Qui a dans ses discours un double sens.

<< Dans la cabale. » P. R., par ceux qui le suivent. Sur le mot eabale, cf. 111, 45, etc.

« De telles sottises. » C'est-à-dire telles que celles qu'il a eu l'air de dire.

« Et capable de sottises. » On comprend que ces deux personnages, c'est Mahomet et l'Esprit saint; ces sols contes upparents, c'est le Coran et la Bible. Il faut être dans la cabale pour les entendre. C'est mystère ou sottise (il dit ailleurs, figure ou sottise, XVI, 46, à la fin); mais dans la Bible c'est mystère, c'est sottise dans le Coran.

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Par son paradis. » Tout sensuel, comme on sait, où il promet aux croyants de beaux ombrages, de fraîches fontaines, et toutes les voluptés,

c'est pourquoi il n'est pas juste de prendre ses obscurités pour des mystères, vu que ses clartés sont ridicules. Il n'en est pas de même de l'Écriture. Je veux qu'il y ait des obscurités qui soient aussi bizarres que celles de Mahomet; mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non pas par la clarté, qui mérite qu'on révère les obscurités2.

L'Alcoran n'est pas plus de Mahomet, que l'évangile, de saint Matthieu ", car il est cité de plusieurs auteurs de siècle en siècle. Les ennemis mêmes, Celse et Porphyre, ne l'ont jamais désavoué.

L'Alcoran dit' que saint Matthieu était homme de bien. Donc, Mahomet était faux prophète, ou en appelant gens de

Voir le Coran, passim. D'autre part, il annonce aux infidèles un enfer rempli d'eau bouillante qu'ils boiront, et d'une noire et sale fumée.

1 « Qui soient aussi bizarres. » P. R. a retranché ces paroles comme pouvant causer du scandale, quoiqu'il n'y ait là qu'une supposition.

« Qu'on révère les obscurités. » C'est ce qu'il a dit, xvi, 1.

3 « L'Alcoran n'est pas. » En titre, Contre Mahomet.

4 « Que l'évangile, de saint Matthieu. » C'est-à-dire, que l'évangile de saint Matthieu n'est de saint Matthieu. Le tour employé par Pascal dans cette phrase est un latinisme. Nous dirions plutôt, ce qui d'ailleurs revient au même : L'évangile de saint Matthieu n'est pas moins de saint Matthieu, que l'Alcoran n'est de Mahomet; car il est cité, etc.

<< De siècle en siècle. » Le plus ancien témoignage existant pour l'Évangile attribué à saint Matthieu est celui de Papias, tel qu'il nous est transmis dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, III, 39.

<< Celse et Porphyre. » Grotius, III, 2, dit en termes généraux que ni les Juifs ni les Païens n'ont jamais contesté l'authenticité des Évangiles. Il ajoute que Julien en particulier l'admet formellement. Pour que le raisonnement contenu dans l'alinéa qui suit soit régulier, il faut que l'Évangile dit de saint Matthieu soit bien de lui, d'où la nécessité du premier alinéa, supprimé par P. R.

? L'Alcoran dit. » Je ne crois pas que le Coran nomme saint Matthieu Grotius (VI, 3) dit seulement en termes généraux que Mahomet reconnalt pour de saints personnages les apôtres de Jésus, et cela es vrai. Voir à la fin du chapitre de la Table (v), etc,

bien des méchants, ou en ne demeurant pas d'accord de ce qu'ils ont dit de JÉSUS-CHRIST.

10.

Tout homme peut faire ce qu'a fait Mahomet; car il n'a point fait de miracles, il n'a point été prédit. Nul homme ne peut faire ce qu'a fait JÉSUS-CHRIST.

Mahomet, non prédit'; JÉSUS-CHRIST, prédit. Mahomet, en tuant2; Jésus-CHRIST, en faisant tuer les siens. Mahomet, en défendant de lire'; les apôtres, en ordonnant de lire*. Enfin, cela est si contraire, que, si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, JÉSUS-CHRIST a pris celle de périr humainement. Et qu'au lieu de conclure que, puisque Mahomet a réussi, JÉSUS-CHRIST a bien pu réussir, il faut dire que, puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ devait périr".

1 << Mahomet, non prédit. » En titre, Différence entre Jésus-Christ et Mahomet.

« Mahomet, en tuant. » C'est-à-dire, a établi sa religion en tuant. Jésus-Christ, en faisant tuer les siens, c'est-à-dire, en les conduisant aux supplices, au martyre.

3

«En défendant de lire.» Cf. 7. Montaigne, Apol., p. 117. « Ma >>homet qui, comme i'ay entendu, interdict la science à ses hommes. >> Grotius (VI, 2) dit en effet que le mahométisme repousse l'esprit d'examen, et que la lecture du Coran est interdite à la multitude, mais il ne cite aucun texte à l'appui de cette dernière assertion.

4 « Les apôtres, en ordonnant de lire » P. R. met, Jésus-Christ, en ordonnant. Pascal avait dit cela justement (7) de la loi de Moïse, mais je ne vois pas qu'il soit ordonné de lire dans la loi nouvelle. L'esprit de l'Église catholique est même tout contraire. Voir Montaigne qui l'approuve : I, 56, p. 285.- Nous avons une lettre de Fénelon à l'évêque d'Arras sur la lecture de l'Écriture sainte en langue vulgaire. Il examine s'il est à propos d'autoriser les laïques à lire l'Écriture, et il se prononce aégativement. Mais répandre et faire lire l'Écriture est un besoin pour toute secte indépendante, et tout Port Royal en soutenait le droit et le devoir. Cf. Sainte-Beuve, t. 11, p. 348.

« Jésus-Christ devait périr. » P. R., Le christianisme devait périr. Ils ont peur qu'on ne comprenne pas qu'il ne s'agit pas de Jésus-Christ

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