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ser mourir les sains; appeler à la pénitence et justifier les pécheurs, et laisser les justes dans leurs péchés; remplir les indigents, et laisser les riches vides.

Que disent les prophètes, de JÉSUS-CHRIST? Qu'il sera évidemment Dieu? Non : mais qu'il est un Dieu véritablement caché1; qu'il sera méconnu; qu'on ne pensera point que ce soit lui; qu'il sera une pierre d'achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc. Qu'on ne nous reproche donc plus le manque de clarté, puisque nous en faisons profession.

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Mais, dit-on, il y a des obscurités. Et sans cela, on ne serait pas aheurté à Jésus-CHRIST, et c'est un des desseins formels des prophètes : Excæca1.....

Dieu, pour rendre le Messie connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants, l'a fait prédire en cette sorte. Si la manière du Messie eût été prédite clairement, il n'y eût point eu d'obscurité, même pour les méchants. Si le temps eût été prédit obscurément, il y eût eu obscu

Euntes renuntiate Joanni quæ audiatis et vidistis. Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelisantur. « Jésus leur répondit: Allez dire à Jean ce que vous avez > entendu et ce que vous avez va. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la bonne nouvelle (sont évangélisés]. » Et laisser les justes.» P. R., ceux qui se croyaient justes. « Véritablement caché. » Voir page 155, note 5.

◄ Excæca. Isate, vi, 10: Excæca cor populi hujus et aures ejus aggrava, et oculos ejus claude, ne forte videat oculis suis, et auribus suis audiat, et corde suo intelligat, et convertatur, et sanem eum. « Aveugle » l'esprit de ce peuple, bouche ses oreilles, et ferme ses yeux; il ne faut > pas que ses oreilles entendent, que son esprit comprenne; qu'ii revienne à moi, et que je le guérisse. Cf. Jean, x11, 40: Excæcavit oculos co

fum,

etc.

4 « En cette sorte. » C'est-à-dire, comme il va être dit, figurément pour la manière, clairement pour le temps.

rité, même pour les bons; car la bonté de leur cœur ne leur eût pas fait entendre que le mem fermé1, par exemple, signifie six cents ans. Mais le temps a été prédit clairement, et la manière en figures2.

Par ce moyen, les méchants, prenant les biens promis pour matériels, s'égarent malgré le temps prédit clairement, et les bons ne s'égarent pas car l'intelligence des biens promis dépend du cœur, qui appelle bien ce qu'il aime; mais l'intelligence du temps promis ne dépend point du cœur; et ainsi la prédiction claire du temps, et obscure des biens, ne déçoit que les seuls méchants.

8.

Comment fallait-il que fût le Messie, puisque par lui le sceptre devait être éternellement en Juda, et qu'à son arrivée, le sceptre devait être ôté de Juda *?

1 « Le mem fermé. » On distingue en hébreu le mem ou m ouvert, dont la figure est en effet ouverte par en bas, et qui s'emploie au commencement ou au milieu des mots, et le mem ou m fermé, qui ne s'emploie qu'à la fin. On sait que la plus fameuse des prophéties touchant le Messie est celle qu'on lit au chapitre Ix d'Isaïe, verset 6: Parvulus enim natus est nobis, etc. Dans le texte hébreu se trouvent les mots lemarbé hamisra, répondant à ceux-ci de la Vulgate, multiplicabitur ejus imperium. Le m du mot lemarbé devrait être un m ouvert, et au contraire les manuscrits portent un m fermé ou final. Les rabbins ont vu dans cette faute d'orthographe toutes sortes de mystères. Ils se sont surtout attachés à la valeur numérale des lettres, car les lettres sont des chiffres en hébreu aussi bien qu'en grec. Or tandis que le m ouvert vaut 40, le în fermé vaut 600. Cette anomalie signifie donc suivant eux que le Messie doit venir au bout de 600 ans.

2 « Et la manière en figures. » Cf. XVIII, 5, dernier alinéa. C est-à-dire que le Messie a été prédit comme devant être un roi glorieux, qui vaincrait les ennemis de son peuple, ce qui n'est vrai que figurément.

3 « Éternellement en Juda Pascal a sans doute dans l'esprit plusieurs passages dont voici les plus remarquables: Ps. CIX, 4: Tu es sacerdos in æternum secundum ordinem Melchisedech: « Tu es le prêtre éternel selon » l'ordre de Melchisédech. Isaïe, IX, 7: Super solium David et super regnum ejus sedebit... amodo et usque in sempiternum a Il s'assiéra sur » le trône de David, pour régner depuis aujourd'hui jusqu'à la fin des

« Oté de Juda. » Genèse, XLIX, 40,

...

Pour faire qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en entendant ils n'entendent point, rien ne pouvait être mieux fait.

9.

La généalogie de JÉSUS-CHRIST dans l'Ancien Testament est mêlée parmi tant d'autres inutiles, qu'elle ne peut être1 discernée. Si Moïse n'eût tenu registre que des ancêtres de JÉSUS-CHRIST, cela eût été trop visible. S'il n'eût pas marqué celle de JÉSUS-CHRIST2, cela n'eût pas été assez visible. Mais, après tout, qui regarde de près, voit celle de JésusCHRIST bien discernée par Thamar, Ruth, etc'.

10.

Reconnaissez donc la vérité de la religion dans l'obscurité même de la religion, dans le peu de lumière que nous en avons, dans l'indifférence que nous avons de la connaître.

JÉSUS-CHRIST ne dit pas qu'il n'est point de Nazareth",

> temps. » Ézéchiel, xxxvII, 25: Et David servus meus princeps eorum in perpetuum: « Et David mon serviteur sera leur prince à tout jamais. » Daniel, vII, 14: Potestas ejus, potestas æterna, quæ non auferetur: « Son >> pouvoir est un pouvoir éternel, il ne lui sera point ôté.

$ « Qu'elle ne peut être. » P. R., qu'on ne peut presque la discerner. 2 « Celle de Jésus-Christ. » La généalogie de Jésus-Christ. Car il fallait qu'on vit qu'il sortait de Juda, conformément à la prédiction de Jacob, déjà citée.

3 << Par Thamar, Ruth, etc. » Voir la Genèse, XXXVIII, 29, et Ruth, IV, 17-22. Sur la généalogie de Jésus-Christ, cf. xv, 15.

« Qu'il n'est point de Nazareth. » La famille de Jésus était de Nazareth, et lui-même y avait toujours vécu. Les Évangiles mêmes appellent Nazareth sa patrie (Matth., XIII, 54, etc.). Mais le Messie devait naître à Bethleem (voir au paragraphe xvIII, 2, page 285. Voir aussi le cinquième fragment de XXIII, 4). Et les Évangiles racontent que Jésus y naquit en effet, sa mère s'y trouvant à l'occasion d'un recensement ordonné par les Romains (Luc, II, 4). Cependant quand les Juifs l'appellent Jesus de Nazareth, il ne les contredit pas : Dixit eis, Quem quæritis? Responderunt , Jesum Nazarenum, Dixit eis Jesus, Ego sum: « Il leur dit. Qui cher» che-vous? Ils répondirent: Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est » 'noi. » Jean, xvIII, 4. Cf. ibid., VII, 40.

ni qu'il n'est pas fils de Joseph', pour laisser les méchants dans l'aveuglement.

11.

Comme Jésus-CHRIST est demeuré inconnu parmi les hommes, ainsi sa vérité2 demeure parmi les opinions communes, sans différence à l'extérieur ainsi l'Eucharistie parmi le pain commun.

Que si la miséricorde de Dieu est si grande qu'il nous fastruit salutairement, même lorsqu'il se caché, quelle lurnière n'en devons-nous pas attendre lorsqu'il se découvre1?

On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu'il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres".

<< Ni qu'il n'est pas fils de Joseph. » Matthieu, ibidem: Nonne hic est fabri filius? Nonne mater ejus dicitur Maria?..... et scandalizabantur in eo. Jesus autem dixit eis: Non est propheta sine honore nisi in patria sua :

N'est-ce pas le fils du charpentier? Sa mère ne s'appelle-t-elle pas Marie? » Et il leur était un objet de scandale. Jésus leur dit : Un prophète n'est » nulle part si peu en honneur que dans sa patrie. » Or le Messie devait être le fils d'une vierge (Matth., 1, 22, etc.). Jésus laissait donc les Juifs dans l'aveuglement, en laissant dire de lui ce qui ne pouvait être dit du Messie.

2 «< Sa vérité. » Je crois que Pascal pense moins ici à la religion en général qu'au jansénisme en particulier.

Lorsqu'il se découvre. » Comme il a fait à Port Royal par le mi. racle de la Sainte Épine. Voir l'article xxIII.

« Et éclairer les autres. Ce fragment résume de la manière la prus forte toute cette doctrine de Pascal. Elle se retrouve dans une lettre d'oc tobre 1656, adressée à mademoiselle de Roannez à l'occasion du miracle de la Sainte Épine. Pascal a fait ailleurs à ce sujet une restriction qu'il est juste de signaler (xxIII, 3, quatrième fragment): Dieu tente, mais il ne trompe pas. On verra la différence qu'il tâche d'établir entre ces deux choses. Mais il maintient toujours que Dieu se cache, que Dieu se refuse; et cette manière de concevoir l'action de Dieu tenait au fond même de la croyance janséniste sur la grâce. Dieu ne donne la grâce qu'à ses élus, et il la leur donne gratuitement, sans qu'ils aient pu la mériter autrement que par cette grâce même, qu'il ne leur accorde qu'en vertu du choix qu'il a fait d'eux, et qu'il refuse à tous les autres. Nicole, qui ne se plaît

ARTICLE XXI.

La religion des Juifs' semblait consister essentiellement en la paternité d'Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l'arche, au temple en Hiérusalem, et enfin en la loi et en l'alliance de Moïse.

Je dis qu'elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l'amour de Dieu, et que Dieu réprouvait toutes les autres choses.

pas comme Pascal à étonner, exprime en plusieurs endroits la même doctrine. Ainsi dans le Traité des moyens de profiter des mauvais sermons, chapitres 2 et 3, il établit que Dieu permet les mauvais sermons (et il entend par là ceux qui pèchent par le fond même), parce que la connaissance de la vérité ne nous est pas due, et que nous méritons d'en étre privés. « Il y a, dit-il, une infinité de chrétiens qui souffrent ce que >> l'Écriture appelle famern verbi, la disette de la parole de Dieu... Ce » qui doit exciter en même temps en nous des sentiments de compassion pour la misère spirituelle de tant d'âmes, des mouvements de recon>> naissance de ce que Dieu nous a traités plus favorablement qu'elles, en >> nous donnant la connaissance de sa vérité, dont il permet qu'elles soient » privées. Dans le Traité des diverses manières dont on tente Dieu, chapitre 3, on lit : « Il est de sa justice de laisser les méchants en des té » nèbres qui les portent à douter de sa providence et de son être, » etc. Enfin parmi les Pensées diverses, on en trouve une, la trente-septième, où la doctrine du Deus absconditus est résumée dans un style digne de Pascal par la fermeté et la précision, et inspirée sans doute du souvenir de ses entretiens « Dieu cache sa vérité. Dieu a caché la connaissance de » l'immortalité de notre âme dans la ressemblance de la naissance et de » la mort des animaux: Idem interitus hominis et jumentorum : L'homme paraît et il disparaît dans le monde comme les chevaux. Il a caché la » véritable religion dans la multitude des fausses religions, les véritables » prophéties dans la multitude des fausses prophéties, les véritables miracles dans la multitude des faux miracles, la véritable piété dans la multitude des fausses piétés, la voie du ciel dans la multitude des » voies qui conduisent en enfer. » Cette seule phrase est une excellente clef de beaucoup d'endroits de Pascal. Voir enfin dans Pascal lui-même deux fragments, publiés pour la première fois par M. Cousin, et où ces idées sont poussées à l'extrême (xxv, 42).

1 « La religion des Juifs. » En titre, Pour montrer que les vrais Juifs et les vrais chrétiens n'ont qu'une même religion. Sur cette pensée, cí. xv, 10, 12, et xix, 5.

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