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hommes se fussent imaginé qu'ils en pourraient donner; et encore plus que tant d'autres eussent donné croyance1 à ceux qui se fussent vantés d'en avoir : de même que, si un homme se vantait d'empêcher de mourir, personne ne le croirait, parce qu'il n'y a aucun exemple de cela. Mais comme il y [a] eu quantité de remèdes qui se sont trouvés véritables, par la connaissance même des plus grands hemmes, la créance des hommes s'est pliée par là; et cela s'étant connu possible, on a conclu de là que cela était. Car le peuple raisonne ordinairement ainsi : Une chose est possible, donc elle est; parce que la chose ne pouvant être niée en général, puisqu'il y a des effets particuliers qui sont véritables, le peuple, qui ne peut pas discerner quels d'entre ces effets particuliers sont les véritables, les croit tous. De même, ce qui fait qu'on croit tant de faux effets de la lune*, c'est qu'il y en a de vrais, comme le flux de la mer ".

Il en est de même des prophéties, des miracles, des divinations par les songes, des sortiléges, etc. Car si de tout cela il n'y avait jamais eu rien de véritable, on n'en aurait

1 « Eussent donné croyance. » Tout à l'heure, tant de créance

<< Par la connaissance même. C'est-à-dire, à la connaissance même des plus grands hommes.

3 << Et cela s'étant connu.» Pascal s'est mal exprimé en cet endroit, mais on l'entend bien. On a reconnu comme possible de guérir les maladies; on en a conclu que les charlatans qui se vantaient de les guérir, les guérissaient en effet.

« Tant de faux effets de la lune. » Comme l'influence des phases sur le beau ou le mauvais temps, sur les maladies, etc.

<< Comme le flux de la mer. Le phénomène des marées. Mais, comme dit fort bien Voltaire, « on a imputé mille fausses influences à la » lune, avant qu'on imaginât le moindre rapport véritable avec le flux de la mer. »

« Des sortiléges. On se rappelle ici que la famille de Pasca! croyait que Pascal tout enfant avait été tout près de mourir, parce qu'une vieille femme avait jeté sur lui un sort, qui heureusement fut détourné ensuite sur un chat. Voir la note 2, sur la Vie de Pascal. Dans l'etc., Pascal comprenait-il l'astrologie?

jamais rien cru: et ainsi au lieu de conclure qu'il ny a point de vrais miracles parce qu'il y en a tant de faux, il faut dire au contraire qu'il y a certainement ́de vrais miracles puisqu'il y en a tant de faux, et qu'il n'y en a de faux que par cette raison qu'il y en a de vrais.

Il faut raisonner de la même sorte pour la religion; car il ne serait pas possible que les hommes se fussent imaginé tant de fausses religions, s'il n'y en avait une véritable. L'objection à cela, c'est que les sauvages ont une religion': mais on répond à cela que c'est qu'ils en ont ouï parler, comme il paraît par le déluge, la circoncision 2, la croix de saint André ', etc.

« Ont une religion. » Eux qui n'ont pu connaître, à ce qu'il semble, la religion primitive d'où les fausses religions seraient sorties. Mais cette objection ne peut arrêter un instant un chrétien, qui regarde les sauvages comme étant les enfants de Noé, aussi bien que les autres hommes.

2 « Le déluge, la circoncision. » Montaigne, Apol., p. 271: « Epicurus [dit], qu'en mesme temps que les choses sont icy comme nous les veoyons, elles sont toutes pareilles et en mesme façon en plusieurs >> aultres mondes; ce qu'il eust dict plus asseureement, s'il eust veu les » similitudes et convenances de ce nouveau monde des Indes occidentales » avecques te nostre present et passé, en de si estranges exemples..; car >> on y trouve des nations n'ayants, que nous sçachions, iamais ouï nouvelles de nous, où la circoncision estoit en credit... : où nos croix » estoient en diverses façons en credit; icy on en honoroit les sepultures; » on les appliquoit là, et nommeement celle de sainct André, à se deffendre des visions nocturnes... On y trouve... l'usage des mitres, le >> cœlibat des presbtres...; et cette fantasie... qu'ils furent creez avecques > toutes commoditez, lesquelles on leur a depuis retrenchees pour leur » peché.......: qu'aultrefois ils ont esté submergez par l'inondation des eaux » celestes.... » etc., etc. Cf. un article de M. Michel Chevalier dans la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1845 (De la Civilisation mexicaine avant Fernand Cortès). La critique historique aurait beaucoup à faire pour contrôler ces relations. Il faudrait prendre les assertious une à une, s'assurer si celui qui parle parle par out-dire ou d'après ce qu'il a vu luimème, et s'il était assez éclairé et assez impartial pour bien voir.

<< La croix de saint André. » On lit dans la Biographie universelle, à l'article André (saint) : « L'opinion commune est que cet apôtre fut crucifié. Les peintres donnent à sa croix une forme différente de celle de ▸ Jésus-Christ, et la représentent en forme d'un X. »

7.

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Il est dit1, Croyez à l'Eglise, mais il n'est pas dit, Croyez aux miracles, à cause que le dernier est naturel, et non pas le premier. L'un avait besoin de précepte, non pas l'autre.

8.

... Ces filles, étonnées de ce qu'on dit, qu'elles sont dans la voie de perdition; que leurs confesseurs les mènent à Genève ; qu'ils leur inspirent que JÉSUS-CHRIST n'est point en l'Eucharistie, ni en la droite du Père; elles savent que tout cela est faux, elles s'offrent donc à Dieu en cet état: Vide si via iniquitatis in me est". Qu'arrive-t-il là-dessus? Ce lieu, qu'on dit être le temple du diable, Dieu en fait son temple. On dit qu'il faut en ôter les enfants: Dieu les y guérit". On dit que c'est l'arsenal de l'enfer : Dieu en fait le sanctuaire de ses grâces. Enfin on les menace de toutes les fureurs et de toutes les vengeances du ciel; et Dieu les com

1 Il est dit. Pascal répond sans doute à une objection des adversaires du miracle de Port Royal. C'est comme s'il avait mis: S'il est dit : Croyez à l'Église, et non pas, Croyez aux miracles; c'est à cause, etc.

« Croyez à l'Eglise. » Matth., xvni, 17-20.

3 « Ces filles, étonnées. » Ces filles sont les religieuses de Port Royal Sur les calomnies répandues contre elles, voir la seizième Provinciale. 4 « Les mènent à Genève. » C'est-à-dire au calvinisme :

Je ne décide point entre Genève et Rome.

« Elles s'offrent donc à Dieu. Voir la note 20 sur la Vie de Pascal. << In me est. » Ps. cxxxviii, 24 : « Vois si la voie de l'iniquité est en moi. »

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« Dieu les guérit. » Cè trait, supprimé par des éditeurs qui ne trouvaient plus ni autour d'eux ni en eux-mêmes la foi de Pascal, fait tomber le miracle de la Sainte Epine comme une réponse accablante sur les ennemis de la sainte maison. Quel rapprochement1 quelle antithèse! Quelle vivacité d'argumentation, d'imagination, de passion tout ensemble' Otez cette petite phrase, et alors celles qui l'entourens, Dieu on fait son temple, Dieu en fait le sanctuaire de ses graces, sembleront vagues et communes : rétablissez-la, elle paraîtront pleines de force et de seas.

ble de ses faveurs. Il faudrait avoir perdu le sens pour en

conclure qu'elles sont dans la voie de perdition'.

Pour affaiblir vos adversaires, vous désarmez toute l'Église.

S'ils disent que notre salut dépend de Dieu', ce sont des hérétiques. S'ils disent qu'ils sont soumis au pape, c'est une hypocrisie. Ils sont prêts à souscrire toutes ses constitutions, cela ne suffit pas. S'ils disent qu'il ne faut pas tuer pour une pomme', ils combattent la morale des catholiques. S'il se fait des miracles parmi eux, ce n'est plus une marque de sainteté, et c'est au contraire un soupçon d'hérésie.

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... Les trois marques de la religion : la perpétuité, la bonne vie, les miracles. Ils détruisent la perpétuité par la

1 « De perdition. C'est pourtant ce que les adversaires de Port Royal essayaient de conclure du miracle même de la Sainte Epine, soit en le présentant comme une illusion du démon, soit en le signalant comme une menace de Dieu qui se révélait tout à coup parmi ses ennemis mêmes pour les effrayer.

1 « Pour affaiblir vos adversaires. » Pascal s'adresse aux Jésuites, qui en décréditant le miracle de la Sainte Epine, discréditent les miracles en général.

3 « S'ils disent que notre salut. » C'est-à-dire, si les jansénistes disent, etc.

4 « Que notre salut dépend de Dieu. » C'est-à-dire s'ils soutiennent la doctrine de la grâce. Voir les Provinciales.

« Ce sont des hérétiques. Suivant les Jésuites.

• Toutes ses constitutions. » Pascal ne dit pas que ses amis n'accep-taient les constitutions qu'avec une distinction que repoussait l'autorité ecclésiastique. Voir la note 47 sur sa Vie.

1 «Tuer pour une pomme. Comme l'avaient permis des casuistes Jésuites voir la septième Provinciale.

« Les trois marques. » Il en compte davantage ailleurs (x1, 42), mais il n'a besoin que de ces trois pour son argumentation.

9 « La perpétuité. » De la doctrine. Voir XI et XXI. — « La bonne vie,» De ses sectateurs.

probabilité, la bonne vie par leur morale; les miracles, en détruisant ou leur vérité, ou leur conséquence.

Si on les croit, l'Église n'aura que faire de perpétuité, sainte vie, miracles. Les hérétiques les nient, ou en nient la conséquence; eux de même. Mais il faudrait n'avoir point de sincérité pour les nier, ou encore perdre le sens pour nier la conséquence.

... Quoi qu'il en soit, l'Église est sans preuves, s'ils ont

raison.

L'Église a trois sortes d'ennemis : les Juifs, qui n'ont jamais été de son corps; les hérétiques, qui s'en sont retirés; et les mauvais chrétiens 2, qui la déchirent au dedans.

Ces trois sortes de différents adversaires la combattent d'ordinaire diversement. Mais ici ils la combattent d'une même sorte. Comme ils sont tous sans miracles', et que l'Église a toujours eu contre eux des miracies, ils ont tous eu le même intérêt à les éluder, et se sont tous servis de cette défaite qu'il ne faut pas juger de la doctrine par les miracles, mais des miracles par la doctrine. Il y avait deux partis entre ceux qui écoutaient Jésus-Christ: les uns qui suivaient sa doctrine par ses miracles; les autres qui di

4

« Par la probabilité. » C'est-à-dire par cette doctrine des casuistes, qu'une opinion toute nouvelle, contraire aux Pères et à la tradition, mais soutenue par ce qu'on appelle un auteur grave, devient probable, et peut être suivie en sûreté de conscience. Voir les Provinciales, et en particulier la cinquième,

2 « Et les mauvais chrétiens. » C'est-à-dire ici les Jésuites.

« Comme ils sont tous sans miracles. » Quand Pascal dit cela des Juifs, il n'entend parler que des Juifs depuis l'arrivée du Messie, des Juifs opposés à Jésus-Christ.

« Qui écoutaient. Au sens propre du mot, qui l'entendaient parler, ses auditeurs, et non ses disciples.

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« far ses miracles. » C'est-à-dire, déterminés à la suivre par ses mi racles.

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