Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Ceux qui suivent JÉSUS-CHRIST à cause de ses miracles, honorent sa puissance dans tous les miracles qu'elle produit; mais ceux qui, en faisant profession de le suivre pour ses miracles, ne le suivent en effet que parce qu'il les console et les rassasie des biens du monde, ils déshonorent ses miracles, quand ils sont contraires à leurs commodités 1.

Juges injustes, ne faites pas des lois sur l'heure ; jugez par celles qui sont établies, et établies par vous-mêmes * : Væ qui conditis leges iniquas.

5

La manière dont l'Église a subsisté est, que la vérité a été sans contestation; ou, si elle a été contestée, il y a eu le pape, et sinon, il y a eu l'Église.

Miracle. C'est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu'on y emploie ; et non-miracle, est un effet qui n'excède pas la force naturelle des moyens qu'on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l'invocation du diable ne font pas un miracle; car cela n'excède pas la force naturelle du diable'. Mais...

1 « A leurs commodités. » Il est clair que cela s'adresse aux Jésuites. Juges injustes. » Ce sont toujours les Jésuites suivant Pascal.

2

3 Des lois sur l'heure. » Comme ils font quand ils soutiennent que Dieu ne peut pas faire un miracle pour les jansénistes, ou qu'il ne peut plus y avoir de miracles.

4 « Et établies par vous-mêmes. » Voir à la fin du paragraphe 8: « Que vous êtes aise de savoir les règles générales! » Elles étaient donc posées dans le livre du père Annat.

5 « Væ qui conditis. » Il y a dans le texte : Væ qui condunt. Is., x, 1: « Malheur à ceux qui établissent des lois iniques. »

• «< Il y a eu l'Eglise. Manifestée dans les conciles géneraua, comme Nicée, ou simplement dans le consentement général du monde chrétien.

La force naturelle du diable. Quelle étrange alliance de mots! comme si on ne sortait pas de l'ordre de la nature du moment que l'on conçoit un être tel que le diable! Et quelle difficulté à discerner ce qui passe les forces d'une puissance si mystérieuse.

Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu'il exerce sur les corps.

Il importe aux rois', aux princes, d'être en estime de piété; et pour cela, il faut qu'ils se confessent à vous. Les jansénistes ressemblent aux hérétiques par la réformation des mœurs; mais vous leur ressemblez en mal'.

ARTICLE XXIV.

1.

Le pyrrhonisme est le vrai; car, après tout, les hommes, avant JÉSUS-CHRIST, ne savaient où ils en étaient, ni s'ils étaient grands ou petits. Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en savaient rien, et devinaient sans raison et par hasard: et même ils erraient toujours, en excluant l'un ou l'autre. Quod ergor ignorantes quæritis, religio annuntiat vobis'.

« Il importe aux rois. » Toujours adresse aux Jésuites.

2 « Les jansénistes. On reprochait aux jansénistes que l'austérité qu'ils affectaient était un signe commun aux hérétiques de diverses époques: ce caractère avait paru tout récemment, dans les dissensions du xvr siècle, du côté de la religion réformée.

3 « En mal. Par l'incrédulité à l'égard des œuvres de Dieu, des miracles. Cf. 8, sixième fragment, et XXIV, 49.

4 « Le pyrrhonisme. » Rapprochez de cette pensée le premier Discours du Socrate chrétien de Balzac.

3 « L'un ou l'autre. Comme les stoïciens et les épicuriens.

• << En excluant l'un ou l'autre. » Cf. x11, 7.

« Aununtiat vobis. » Pris du discours de Paul à l'Aréçpage dans les Actes des Apôtres, XVII, 23: Quod ergo ignorantes colitis, hoc ego annuntio vobis: « En parcourant votre ville, et considérant vos statues, j'ai trouvé » un autel avec cette inscription, au Dieu inconnu. Ce que vous adorez » sans le connaître, c'est ce que je viens vous annoncer. »

2.

Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini, sans parties? Oui. Je vous veux donc faire voir une chose infinie et indivisible: c'est un point se mouvant partout d'une vitesse infinie'; car il est un en tous lieux, et est tout entier dans chaque endroit.

Que cet effet de nature, qui vous semblait impossible auparavant, vous fasse connaître qu'il peut y en avoir d'autres que vous ne connaissez pas encore. Ne tirez pas cette conséquence de votre apprentissage, qu'il ne vous reste rien à savoir; mais qu'il vous reste infiniment à savoir.

3.

La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans le cœur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l'esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur, terrorem potius quam religionem 2.

Commencer par plaindre les incrédules; ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu'au cas que cela servit; mais cela leur nuit3.

.1 « D'une vitesse infinie. » Mais il n'y a pas de point réel; ni de vitesse réelle qui soit infinie; ni rien de réel qui puisse se mouvoir d'un même mouvement partout, c'est-à-dire en out sens, à droite et à gauche, en haut et en bas, en avant et en arrière : ce n'est pas là un effet de nature, comme il va l'appeler tout à l'heure, c'est une pure fiction de l'entendement. D'ailleurs il est clair qu'un effet naturel ne pourrait expliquer Dieu, qui est au-dessus de la nature. Nous concevons Dieu comme un esprit, et non comme un point.

• Quam religionem. » Belle doctrine, que Pascal avait méconnue dans d'autres temps. Voir la note 14 sur sa Vie. La persécution la lui a fait comprendre. Je ne sais d'où la citation latine est tirée.

3. Mais cela leur nuit. » Belles paroles encore, humaines et sensées. Il ne s'était pas toujours exprimé ainsi. « Je vous prie de considérer que,

4.

Toute la foi consiste en Jésus-CHRIST et en Adam'; et toute la morale' en la concupiscence et en la grâce.

5.

Le cœur a ses raisons', que la raison ne connaît point; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l'être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y adonne ; et il se durcit contre l'un ou l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre : estce par raison que vous aimez? C'est le cœur qui sent Dieu,

[ocr errors]

> comme les vérités chrétiennes sont dignes d'amour et de respect, les er> reurs qui leur sont contraires sont dignes de mépris et de haine... C'est » pourquoi, comme les saints ont toujours pour la vérité ces deux senti»ments d'amour et de crainte..., les saints ont aussi pour l'erreur ces ⚫ deux sentiments de haine et de mépris; et leur zèle s'emploie égale➤ment à repousser avec force la malice des impies, et à confondre avec » risée leur égarement et leur folie. » Et encore : « Ne voyons-nous pas que » Dieu hait et méprise les pécheurs tout ensemble, jusque-là même qu'à > l'heure de leur mort, qui est le temps où leur état est le plus dépiorable et le plus triste, la sagesse divine joindra la moquerie et la risée » à la vengeance et à la fureur qui les condamnera à des supplices éter»nels. In interitu vestro ridebo vos et subsannabo [Prov., 1, 26]. » Onzième Provinciale. Voir toute la lettre. Pourquoi l'auteur des Provinciales ne prenait-il pas ces textes sacrés figurément, ainsi que l'a fait l'auteur des Pensées (XVI, 12)?

« Et en Adam. » Il semble qu'il aurait dû dire plutôt, en Adam et en Jésus-Christ, c'est-à-dire le péché originel et la rédemption.

2 « Et toute la morale. La morale est ici la science de l'homme moral, la science du cœur humain.

3 << Le cœur a ses raisons. » Sur le cœur et la raison, cf. vIII, 4, dernier fragment, p. 150.

4 « Et soi-même. » Et que d'un autre côté, il s'aime aussi lui-même naturellement.

« Qu'il s'y adonne. » Il aime Dieu ou il s'aime selon qu'il s'adonne à aimer Dieu ou à s'aimer.

• « Et conservé l'autre. » hejeté l'amour de Dieu, et conservé l'amour de vous-même. Il s'adresse au mondain, au philosophe, qui se refuse à être chrétien, et à aimer Dieu, parce que Dieu ne se manifeste pas à sa raison; et il lui dit: Vous avez beau n'aimer que vous-même; même en vous aiman, ce n'est pas par raison que vous aimez vous obéissez à vos penchants, à la concupiscence. Cf. 48.

et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi: Dieu sensible au cœur1, non à la raison.

6.

Le monde subsiste pour exercer 2 miséricorde et jugement, non pas comme si les hommes y étaient sortant des mains de Dieu, mais comme des ennemis de Dieu, auxquels il donne, par grâce, assez de lumière pour revenir, s'ils le veulent chercher et le suivre; mais pour les punir*, s'ils refusent de le chercher ou de le suivre".

7.

On a beau dire, il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d'étonnant. C'est parce que vous y

1 << Dieu sensible au cœur. Voir, dans la note 46 sur la Vie de Pascal, le papier mystique qu'il portait dans ses habits.

2 « Pour exercer. » C'est-à-dire pour que Dieu ait à y exercer.

3 < Mais comme. » C'est-à-dire, mais comme les hommes étant des en nemis de Dieu.

4

« Mais pour les punir. » C'est-à-dire, mais à qui il laisse assez de corruption pour avoir à les punir.

« Ou de le suivre. » Voici le sens de ce fragment. Si les hommes étaient encore tels qu'ils sont sortis des mains de Dieu, alors il dépendrait d'eux de bien ou de mal faire s'ils faisaient bien, ils auraient droit à faveur et à récompense; s'ils faisaient mal, ils mériteraient jugement et condamnation. Mais par le péché originel, tous les hommes sont devenus ennemis de Dieu, et dès lors tous coupables et punissables. Mais Dieu leur donne encore, par grâce, assez de lumière pour revenir s'ils le cherchent. Il fallait ajouter, afin d'avoir toute la doctrine janséniste de la grâce, qu'ils ne peuvent le chercher qu'autant qu'il les y excite, et qu'il tourne leur volonté vers lui; que Dieu, comme il lui plaît, donne sa grâce aux uns et la refuse aux autres; et qu'en punissant ces derniers, il ne fait cependant que justice. Car il les punit, non pour n'avoir pas eu la grâce, qu'il n'a pas voulu leur donner; mais pour le péché originel, par lequel ils se sont ôté eux-mêmes tout droit à la grâce. Tous étant condamnés, il lui plaît de relever les uns de cette condamnation, il exerce alors miséricorde; il lui plaît d'y laisser les autres, il exerce alors jugement. Il semble que Pascal n'ait pas osé ici pousser jusqu'au bout cette doctrine troublante. il y avait pourtant une théologie plus rigide encore, qui refusait même à l'homme sortant des mains de Dieu, le pouvoir de mériter par luis même. Voir Sainte-Beuve, t. 11, p. 134.

« ZurückWeiter »