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1 « De la Chine. » En 1658 venait de paraître l'Histoire de la Chine du P. Martini (Historia sinicæ decas prima), la première histoire sérieuse de la Chine qu'on ait eue en Europe; ce qui s'y trouve sur les antiquités de la Chine dut attirer vivement l'attention des esprits critiques. Les Chinois prétendent remonter, par une chronologie très-bien suivie, jusqu'à l'empereur Fo-Hi, dont le règne date, suivant Martini, de l'an 2952 avant notre ère. Là commence la certitude historique, mais la tradition chinoise place encore avant Fo-Hi une très-longue suite de souverains. Si on en croyait leurs auteurs, dit Martini, il faudrait reporter la naissance du monde jusqu'à plusieurs milliers d'années avant le déluge universel. Le savant Jésuite accepte des récits chinois tout ce qu'il peut concilier, d'une manière quelconque, avec l'autorité des livres saints. Les chronologistes de son temps (suivis par Bossuet dans le Discours sur l'histoire universelle) plaçaient la création en l'an 4004 avant Jésus-Christ, d'après le texte hébreu de l'Ecriture et la Vulgate, et le déluge en l'an 2348. Mais il fallait bien ne placer Fo-Hi et le commencement des temps historiques de la Chine qu'après le déluge universel. Le P. Martini fait remarquer que cette difficulté sera levée si on adopte telle autre chronologie également autorisée (en effet le texte des Septante fait remonter le déluge à l'an 2954; et depuis, l'Art de vérifier les dates, d'après une combinaison du texte hébreu et du samaritain, l'a reporté jusqu'à l'an 3308). Quant aux temps antérieurs à Fo-Hi, le P. Martini, accórdant toujours tout ce qu'il peut aux Chinois, cherche à en resserrer l'étendue en expliquant les dynasties, comme on a voulu le faire aussi pour l'Egypte, par des royautés simultanées; et comme cette antiquité reste toujours antédiluvienne, il suppose qu'il a pu subsister dans la haute Asie, même après le déluge, quelque tradition obscure des événements et des personnages qui l'ont précédé. Ainsi tout s'arrange dans le livre du P. Martini, qui n'attache d'ailleurs d'importance

« Egorger. » Ce sont les Evangiles sans doute que Pascal veut dire. On lit encore ailleurs dans le manuscrit : « Jamais on ne s'est fait marty> riser pour les miracles qu'on dit avoir vus. Car ceux que les Turcs croient > par tradition, la folie des hommes va peut-être jusqu'au martyre, mais » non pour ceux qu'on a vus. » On voit ce que Pascal a voulu diré, quoiqu'il ne se soit pas bien exprimé. C'est que jamais on ne s'est fait martyriser pour des miracles qu'on dit avoir vus, et qu'on n'a pas vus en effet : que la folie des hommes va peut-être jusque-là pour des miracles qu'on croit sur la foi d'autrui, mais non pour ceux qu'on prétend avoir vus soimême. Mais pourquoi ce conditionnel, se feraient égorger? Parce que Pascal pense aussi aux récits de l'Ancien Testament, pour la vérité desquels il n'est pas dit qu'il y ait eu des inartyrs. Mais Moïse au besoin, il n'en doute pas, aurait eu ses témoins (c'est ce que signifie martyrs) comme Jésus-Christ.

Il n'est pas question de voir cela en gros1. Je vous dis qu'il y a de quoi aveugler et de quoi éclairer. Par ce mot seul, je ruine tous vos raisonnements. Mais la Chine obscurcit, dites-vous; et je réponds: La Chine obscurcit, mais il y a clarté à trouver; cherchez-la. Ainsi tout ce que vous dites fait à un des desseins", et rien contre l'autre. Ainsi cela sert, et ne nuit pas. Il faut donc voir cela en détail', il faut mettre papiers sur table.

à aucun système, attendu que la foi pour lui n'est pas en cause, et reste bien au-dessus de toutes ces difficultés. Mais il pouvait n'en être pas de même des douteurs avec qui Pascal était en commerce. Quand ils voyaient le P. Martini reconnaître l'autorité de la chronologie chinoise jusqu'à FoHi, et placer ce personnage plus de 600 ans avant l'époque où on plaçait alors généralement la dispersion des langues et le repeuplement du monde, et admettre encore une antiquité au delà, ils ne pouvaient manquer d'opposer l'histoire de la Chine à l'histoire juive. Pascal se tire de l'objection en refusant sa croyance à ces récits. Il y a bien lieu en effet de douter de ces règnes de 115, de 140 ans, que le P. Martini nous présente d'après les Chinois, et de ne pas compter comme un personnage bien historique ca Fo-Hi, né d'une vierge, fécondée par un arc-en-ciel. Le pieux Jésu.te a fait la part de la critique la plus petite possible. Il est devenu comme le fils de la Chine, en y vivant; il reçoit les livres chinois, non pas avec autant de respect, mais avec autant de bonne volonté que les livres saints, tant qu'ils ne les contredisent pas absolument. Pascal n'a pas tant de complaisance pour ces histoires. Pascal avait encore écrit cette note: « Contre l'his→ »toire de la Chine. Les historiens de Mexico. Des cinq soleils, dont le » dernier est il n'y a que huit cents ans. » C'est un souvenir de Montaigne (III, 6, p. 396). Pascal voulait sans doute rapprocher cette fable mexicaine des cinq âges du monde, éclairés par cinq soleils successifs, des fables analogues des Chinois, rapportées aussi par le P. Martini.

1 << En gros. » C'est-à-dire d'alléguer en gros, pour rejeter l'Ecriture, que d'autres peuples ont des traditions différentes.

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• « Des désseins.» « Faire s'emploie aussi pour servir, contribuer. En » ce sens, on dit d'une preuve qui fortifie, qui confirme ce qu'un homme » a déjà avancé, qu'Elle fait pour lui... Cela fait à ma cause. » Dictionnaire de l'Académie.

<< Contre l'autre. » Cf. Ix, à la fin du premier alinéa, p. 156.

« Et ne nuit pas. » C'est-à-dire, cela sert au lieu de nuire.

« Cela en détail. » système de la religion.

Cela, c'est l'ensemble des Ecritures, c'est tout le

Voir ci-dessus le paragraphe 16.

47.

Superstition et concupiscence. Scrupules, désirs mauvais. Crainte mauvaise 1.

Crainte, non celle qui vient de ce qu'on croit Dieu, mais celle qui vient de ce qu'on doute s'il est ou non2. La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute. La bonne crainte, jointe à l'espérance, parce qu'elle nait de la foi, et que l'on espère au Dieu que l'on croit : la mauvaise, jointe au désespoir, parce qu'on craint le Dieu auquel on n'a point de foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver'.

48.

Salomon et Job ont le mieux connu et le mieux parlé de la misère de l'homme l'un le plus heureux, et l'autre le plus malheureux; l'un connaissant la vanité des plaisirs par expérience, l'autre la réalité des maux".

1 Crainte mauvaise.» Cette mauvaise crainte me paraît être cette fausse attrition dont on imputait aux Jésuites de se contenter pour la justification des pécheurs. Cf. 35, notes. Et voici comment j'entends ce qui précède. Dans cette crainte mauvaise, il y a à la fois superstition et concupiscence. Superstition, puisqu'on s'imagine que Dieu se contente de l'extérieur du sacrement, d'une pure démonstration judaïque. Concupiscence, puisque celui qui craint Dieu ainsi ne le craint que comme faisant obstacle aux mauvais désirs. Scrupules répond à superstition; désirs mauvais, à concu piscence.

2 « S'il est ou non. » Il faut bien, dit-on, que je me confesse; car s'il y avait un Dieu, je serais damné.

3 « De le trouver. » Que cela est fort! quelle condamnation de ce qu'on appellerait volontiers d'un mot d'aujourd'hui la religion facile! On disait alors, la dévotion aisée voir la XI Provinciale.

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Par expérience. » On sait que l'Ecclésiaste, attribué à Salomon, n'est que le développement de ce texte: Vanitas vanilatum, et omnia vanitas. 6 « Des maux. Voir tout le livre de Job, et particulièrement les chapitres VII et XIV. Il y a un verset qui semble résumer tout le reste (xiv, 1): «L'homme, né de la femme, vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup » de misères. »

39C

49.

Ezéch[iel]. Tous les païens disaient du mal d'Israël, et le Prophète aussi : et tant s'en faut que les Israélites eussent droit de lui dire: Vous parlez comme les païens, qu'il fait sa plus grande force sur ce que les païens parlent comme lui 2.

50.

Il n'y a que trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu, l'ayant trouvé; les autres qui s'emploient à le chercher, ne l'ayant pas trouvé ; les autres qui vivent sans le chercher ni avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureuy, les derniers sont fous et malheureux; ceux du milieu sont malheureux et raisonnables".

51.

Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur ; et ils croient être convertis dès qu'ils pensent à se convertir.

52.

La raison agit avec lenteur, et avec tant de vues, sur tant

1 « Ezéch[iel]. En titre, Hérétiques.

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3 « Comme lui. » Je ne trouve rien dans Ezéchiel d'où on puisse inférer ce que dit Pascal sans aider beaucoup à la lettre. - Pascal pense encore ici aux Jésuites. Quand il leur reprochait leurs confesseurs trop indulgents, leur attache aux formes extérieures et aux petites pratiques, ils répondaient: Vous parlez comme les hérétiques (les protestants). Il réplique qu'il n'en est que plus fort. Cf. le dernier fragment du dernier paragraphe de l'article XXIII, page 348.

3 « Il n'y a, » 61. P. R. XXVIII.

4 « Pas trouvé, » P. R.: Pas encore trouvé. Voir une correction semblable dans l'article 1x, p. 467, note 2.

Б Et raisonnables. » Cf. art. ix, et 1, 9, premier fragment.

Les hommes. Cette pensée est d'un observateur sagace, mais on s'étonne que Pascal observe et marque avec tant de sang-froid une erreur qui doit lui paraître si terrible et si déplorable. C'est ici le ton de La Rochefoucauld plutôt que de Pascal.

de principes lesquels il faut qu'ils soient toujours présents, qu'à toute heure elle s'assoupit et s'égare, manque d'avoir tous ses principes présents. Le sentiment n'agit pas ainsi : il agit en un instant, et toujours est prêt à agir. Il faut done mettre notre foi dans le sentiment', autrement elie sera toujours vacillante.

53.

L'homme est visiblement fait pour penser; c'est toute sä dignité et tout son mérite; et tout son devoir est de penser comme il faut; et l'ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin. Or à quoi pense le monde? Jamais à cela; mais à danser3, à jouer du luth, à chanter, à faire des vers, à courir la bague, etc., à se battre, à se faire roi, sans penser à ce que c'est qu'être roi, et qu'être homme.

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Toute la dignité de l'homme est en la pensée. Mais qu'est-ce que cette pensée? qu'elle est sotte"!

54.

S'il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créatures passagères. Le raisonnement des impies, dans la Sa

1 « Qu'ils soient. Plus correctement, lesquels il faut qui soient, ou, qu'il faut qui soient.

. << Dans le sentiment. » Voir paragraphe 42 et 5.

« A danser. » Voir tout l'article iv, sur le divertissement.

4 «Se faire roi. » Le pronom se est ici à l'accusatif; il est au datif dans se bâtir.

« Toute la dignité. » En titre, Pensée.

« Qu'elle est sotte! Au lieu de cette brusquerie si éioquente, Pascal avait écrit d'abord : « Toute la dignité de l'homme est en la pensée. La > pensée est donc une chose admirable et incomparable par sa nature. Il » fallait qu'elle eût d'étranges défauts pour être méprisable. Mais elle en »a de tels, que rien n'est plus ridicule. Qu'elle est grande par sa nature! qu'elle est basse par ses défauts! » Un Pascal peut injurier la raison humaine sans nous blesser. Nous sentons qu'une pensée qui relève de ce ton sa sottise n'est pas si sotte.

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