Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

J'aime les biens, parce qu'ils donnent le moyen d'en assister les misérables'. Je garde fidélité à tout le monde. Je [ne] rends pas le mal à ceux qui m'en font; mais je leur souhaite une condition pareille à la mienne, où l'on ne reçoit pas de mal ni de bien de la part des hommes. J'essaie d'être juste, véritable, sincère et fidèle à tous les hommes, et j'ai une tendresse de cœur pour ceux que Dieu m'a unis plus étroitement; et soit que je sois seul ou à la vue des hommes, j'ai en toutes mes actions la vue de Dieu qui doit les juger, et à qui je les ai toutes consacrées. Voilà quels sont mes sentiments; et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui, d'un homme plein de faiblesse, de misére, de concupiscence, d'orgueil et d'ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa grâce, à laquelle toute la gloire en est dée, n'ayant de moi que la misère et l'erreur'.

70.

2

La nature a des perfections pour montrer qu'elle est l'i

1 « Les misérables. Sur le zèle de Pascal à servir les misérables, voir sa Vie par madame Périer.

2 « De tous ces maux.» Est-ce un chrétien qui parle, ou le Sage du stoïcisme?

« Et l'erreur. » Malgré cette réserve, et malgré le respect que commande le nom de Pascal, comment ne pas s'étonner qu'il ait osé se rendre un tel témoignage, et le consigner par écrit! On croit entendre la prière du pharisien. Le pharisien priait ainsi en lui-même : Seigneur, je vous » rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui » sont voleurs, iniques, adultères, ou comme ce publicain. Je jeune deux » fois la semaine, je donne la dime de tout ce que je possède. Le publicain > au contraire, se tenant éloigné, n'osait pas même lever les yeux au ciel, » mais il se frappait la poitrine, disant: Seigneur, ayez pitié d'un pécheur » comme moi. Et Jésus reprit: a Je vous dis que celui-ci s'en retourna chez lui justifié plutôt que l'autre, car tout homme qui s'élève sera rabaissé, et tout homme qui s'abaisse sera relevé, » Luc, XVIII, 14.Jésus aurait-il été moins sévère, quand le pharisien aurait parló en janséniste, quand il aurait rapporté son mérite à la grâce, et qu'il aurait dit, Je vous remercie de ce que la grâce m'a été donnée plutôt qu'à d'autres, de ce que je suis un favori au milieu des réprouvés? « Les élus igno »reront leurs vertus, dit ailleurs Pascal (93).

mage de Dieu; et des défauts, pour montrer qu'elle n'en est

que l'image.

71.

Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de folie, de ne pas être fou.

72.

Otez la probabilité; on ne peut plus plaire au monde: mettez la probabilité, on ne peut plus lui déplaire.

73.

L'ardeur des saints à rechercher et pratiquer le bien était inutile, si la probabilité est sûre.

74.

Pour faire d'un homme un saint, il faut bien que ce soit la grâce; et qui en doute, ne sait ce que c'est que saint et qu'homme.

75.

On aime la sûreté. On aime que le pape soit infaillible en la foi, et que les docteurs graves le soient dans les mœurs, afin d'avoir son assurance.

76.

Il ne faut pas juger de ce qu'est le pape par quelques paroles des Pères, comme disaient les Grecs dans un concile, règle importante, mais par les actions de l'Église et des Pères, et par les canons.

1 « Otez. » Voir 24, et les Provinciales.

. « Pour faire. » Voir 69.

3

« On aime. Cette pensée frappe les Jésuites par deux tranchants, en raillant à la fois l'infaillibilité du pape, et les docteurs graves. On sait assez par les Provinciales (voir particulièrement la cinquième) ce que c'était qu'un docteur grave, suffisant pour donner à ses opinions en morale le caractère de la probabilité.

⚫ Dans un concile. » On lit dans Bossuet (Remarques sur l'Histoire deş

77.

Le pape est premier. Quel autre est connu de tous? Quel autre est reconnu de tous? ayant pouvoir d'insinuer dans tout le corps, parce qu'il tient la maîtresse branche, qui s'insinue partout? Qu'il était aisé de faire dégénérer cela en tyrannie! C'est pourquoi Jésus-Christ leur a posé ce précepte: Vos autem non sic1.

L'unité et la multitude2: Duo aut tres. In unum'. Erreur à exclure l'une des deux, comme font les papistes qui excluent la multitude, ou les huguenots qui excluent l'unité.

conciles d'Ephèse et de Chalcédoine, de M. Dupin, chap. 1er, cinquième remarque): « C'est entrer dans l'esprit des Grecs schismatiques, qui, dans le concile de Florence, voulaient prendre pour honnêteté et pour com>pliment tout ce que les Pères écrivaient aux papes pour se soumettre à » leur autorité. » Bossuet blâme ici ce principe des Grecs, que Pascal prend pour règle; mais Bossuet parle comme Pascal dans son fameux ouvrage posthume, Defensio declarationis cleri Gallicani, livre VI, chapitre 14, où il montre que le pape Eugène, ayant voulu faire admettre par le concile cette clause : Ut papa habeat sua privilegia juxta canones et dicta sanctorum, fut obligé de renoncer à ces derniers mots; et le concile ne reconnut la puissance pontificale que suivant qu'elle avait été déterminée par les actes des conciles et par les canons. Le concile général de Florence, où les Latins et les Grecs s'unirent dans un symbole commun, est de 1439.

1 «Non sic. » Luc, XXII, 26: « Les disciples contestant entre eux » sur la primauté, Jésus leur dit : Les rois des nations commandent en » maîtres. Qu'il n'en soit pas ainsi parmi vous: mais que celui qui est le » plus grand devienne comme le plus petit, et celui qui commande comme » celui qui sert. »

« Et la multitude. ▾ Cela sera expliqué au paragraphe 8.

8 « Duo aut tres. In unum. » Pascal paraît avoir en vue un passage de la première épître aux Corinthiens, xiv. Saint Paul se plaint que, dans les assemblées les fidèles, quand l'Église tout entière se réunit en un seul corps (si ergo conveniat universa Ecclesia in unum, 23), il y en a trop qui veulent montrer qu'ils ont reçu de Dieu l'esprit de prophétie, ou le don des langues, de façon qu'on y entend à la fois toutes sortes de langues et toutes sortes de révélations, et il ajoute : « Si donc il y en a >> qui aient le don des langues, qu'on n'en entende que deux ou trois au » plus, et chacun à son tour, et qu'il y ait un interprète pour traduire » leurs paroles. » Et un peu plus loin : « Que deux ou trois prophétisent ▲ auo aut tres dicant), et que les autres écoutent et jugent.» Pascal, qui use et abuse des textes, paralt avoir détourné celui-ci, dans sa pensée, à

78.

Il y a hérésie à expliquer toujours omnes de tous, et hé ésie à ne le pas expliquer quelquefois de tous. Bibite ex hoc omnes les huguenots, hérétiques, en l'expliquant de tous'. In quo omnes peccaverunt : les huguenots, hérétiques, en exceptant les enfants des fidèles. Il faut donc suivre les Pères et la tradition pour savoir quand, puisqu'il y a hérésie à craindre de part et d'autre ".

79.

Tout nous peut être mortel, même les choses faites pour nous servir; comme, dans la nature, les murailles peuvent nous tuer, et les degrés nous tuer, si nous n'allons avec justesse.

Le moindre mouvement importe à toute la nature; la mer entière change pour une pierre'. Ainsi, dans la grâce, lạ

signifier qu'il peut y avoir dans l'Église, non pas une seule opinion (celle du pape) mais deux ou trois, c'est-à-dire plusieurs, à la condition que cette pluralité se reduira à l'unité, in unum, par une décision collective (celle des conciles).

1 « Ex hoc omnes.» « Buvez-èn lous, car ceci est mon sang. » Paroles de Jésus-Christ à la Cène. Matth., XXVI, 27.

2 « De tous.» Car, suivant la doctrine de l'Église, il n'y a que ceux qui sont en état de grâce qui doivent boire le sang de Jésus-Christ dans la

communion.

3 « Peccaverunt. » Rom. v, 12 : « De même que le péché est entré dans ⚫ le monde par un homme, en qui tous ont péché. »

4 « Des fidèles, Voir une longue discussion sur ce passage de saint Paul dans Bossuet, Défense de la tradition et des saints Pères, livre VI, chapitre 12 et suivants.

• De part et d'autre. » Il semble que l'intention de ce fragment est d'insinuer qu'il peut être permis de dire que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous.

• « Pour une pierre. » Assertion très-contestable, fondée sur l'hypothèse cartésienne du plein absolu et continu dans la nature. Si tout est plein, aucune force, aucune action ne se perd dans le vide; il y a communication infinie du moindre mouvement imprimé en un point quelconque de la matière.

moindre action importe pour ses suites à tout. Donc tout est important.

En chaque action, il faut regarder, outre l'action, notre état présent, passé, futur, et des autres1 à qui elle importe, et voir les liaisons de toutes ces choses. Et lors on sera bien retenu 2,

80.

Tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre. On s'est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n'est que feinte, et une fausse image de la charité; car au fond ce n'est que haine.

Ce vilain fond de l'homme, ce figmentum malum', n'est que couvert; il n'est pas ôté.

81.

[Si l'on veut dire que l'homme est trop peu pour mériter la communication avec Dieu, il faut être bien grand pour en juger.]

82.

L'homme n'est pas digné de Dieu, mais il n'est pas incapable d'en être rendu digne.

Il est indigne de Dieu de se joindre à l'homme misérable; mais il n'est pas indigne de Dieu de le tirer de sa misère.

1. Et des autres. » Et l'état présent, passé, futur, des autres personnes à qui elle importe.

▲ Bien retenu. Ce fragment est dirigé contre la morale relâchée des căšuistes.

[ocr errors]

Figmentum malum. » On lit au psaume c11, 14: « Dieu sant bien » de quelle matière nous sommes faits : quoniam ipse cognovit figmentum * nòstrum. » Cf. vi, 20.

Si l'on veut dire. Ce fragment avait été barré par Pascal. Cf. XII, 9, p. 248.

« ZurückWeiter »