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27.

L'homme n'agit point' par la raison, qui fait son être3.

28.

Bassesse de l'homme', jusqu'à se soumettre aux bêtes, jusqu'à les adorer.

29.

... Tous leurs principes sont vrais, des pyrrhoniens, des stoïques, des athées, etc. Mais leurs conclusions sont fausses, parce que les principes opposés sont vrais aussi.

30.

Les philosophes ont consacré les vices, en les mettant en Dieu même; les chrétiens ont consacré les vertus.

1 « L'homme n'agit point. » En titre, Nature corrompue. 2 << Son être. >> Son essence, ce par quoi il est homme. Puisque la nature est la raison, et qu'il s'écarte toujours de la raison, il est donc déchu de sa nature; le péché originel est donc prouvé. Sur le peu de raison que l'animal raisonnable montre dans sa conduite; voir Montaigne, Apol., pages 95 et suivartes, et la huitième Satire de Boileau (qui est de 1667).

3 « Bassesse de l'homme. Voir encore Montaigne, ibid., page 155, et Boileau, ibid.

4 << Sont vrais aussi. » L'homme est incapable de savoir certainement (1, 4, p. 12); c'est le principe des pyrrhoniens, et ce principe est vrai, selon Pascal. Mais l'homme est également incapable d'ignorer absolument (ibid.); c'est le principe opposé, et il est vrai aussi. Cf. vi, 1, p 140 et 451. De même le principe stoïcien est vrai, que l'homme est essentiellement raisonnable, et que sa ki est l'ordre. Mais le principe opposé est vrai aussi, que l'homme est essentiellement animal, et que sa loi est le plaisir. Le principe des athées est vrai, que le mal qui est dans l'homme et dans la nature, témoigne que le monde n'obéit pas à une volonté divine. Mais le principe opposé est vrai aussi, que le bien qui est dans l'homme et dans la nature témoigne que le monde héit à une volonté divine. La conciliation de toutes ces contradictions est, suivant Pascal, dans le peché originel. L'homme était fait pour la connaissance du vrai et pour la pratique dr bien; mais il est déchu, et livré à l'ignorance et au mal. La main d'un Dieu créateur était sur l'homme et sur le monde; mais, par suite du péché originel. Dieu s'est retiré, et les élus seuls le retrouvent.

31.

Immatérialité de l'âme. Les philosophes qui ont dompte leurs passions, quelle matière l'a pu faire?

32.

La belle chose', de crier à un homme qui ne se connait pas, qu'il aille de lui-même à Dieu! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît'!

33.

Le commun des hommes met le bien dans la fortune et dans les biens du dehors, ou au moins dans le divertissement. Les philosophes ont montré la vanité de tout cela, et l'ont mis où ils ont pu.

Pour les philosophes, 288 souverains biens.

Ut sis contentus' temetipso et ex te nascentibus bonis. Il y a contradiction, car ils conseillent enfin de se tuer'. Oh! quelle vie heureuse, dont on se délivre comme de la pestel

1

Immatérialité. » Il faut comprendre la phrase comme s'il y avait, quelle matière a pu faire cela en eux?

« La belle chose. En titre, Philosophes.

« Qui se connaît. » S'il ne se connaît pas, il est à plus forte raison incapable de connaître Dieu. Et s'il se connaît, il connaît donc combien il est faible et misérable, et par conséquent incapable encore d'aller à Dieu de lui-même, et sans le secours de la grâce. Ainsi la religion seule, et non aucune philosophie, peut nous conduire jusqu'à Dieu.

4 « Le commun. » En titre, Recherche du vrai bien. Voir l'article IV. Pour les philosophes. Montaigne, Apol., page 280: « Il neut >> point de combat si violent entre les philosophes, et si aspre, que celuy » qui se dresse sur la question du souverain bien de l'homme; duquel, » par le calcul de Varro [dans saint Augustin, de Civ. Dei, XIX, 2], nasquirent deux cents quatre vingts huict sectes. »

• « Ut sis contentus. » En titre, Le souverain bien. Dispute du souverain bien. - « Qu'il vous suffise de vous-même, et des biens que vous trouvez ❤en vous-même. » C'est un passage de Sénèque.

" a De se tuer. » Voir Montaigne, II, 3, page 332, d'après Sénèque, LXX. Les mêmes idées sont dans Epictète, IV, 10, et ailleurs.

Il est bon d'étre lassé et fatigué par l'inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au libérateur.

34.

Mon Dieu, que ce sont de sots discours! « Dieu aurait-il fait le monde pour le damner? demanderait-il tant de gens si faibles? » ete. Pyrrhonisme est le remède à ce mal, et rabattra cette vanité1.

85.

Dira-t-on que pour avoir dit que la justice est partie de la terre, les hommes aient connu le péché originel? - Nemo ante obitum beatus est3. — C'est-à-dire qu'ils aient connu qu'à la mort la béatitude éternelle et essentielle commence?

36.

Ils sont contraints de dire: Vous n'agissez pas de bonne fol; nous ne dormons pas, etc. Que j'afme à voir cette superbe raison humiliée et suppliante! Car ce n'est pas là le

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1 « Cette vanité.» La vanité de prétendre avoir des idées assez claires et assez sûres pour juger de ce qu'il était juste ou convenable que Dieu ft. Mais que faisait Pascal de son pyrrhonisme quand il disait: & Dien » doit aux hommes... Il est impossible par le devoir de Dieu; etc. (XXIII, 3). Il s'appuyait alors sur cette ferme base des idées morales, et ne croyait pas faire un sot discours. -On lit encore ailleurs dans le manuscrit : « Le pyrrhonisme sert à la religion. »

2 « Partie de la terre. » VIRGILE, Géorg., 11, 474, d'aprèe Hésiode (les Travaux, 495).

« Beatus est. » « Nul n'est heureux avant la mort. » Il fallait mettre: Nul ne doit étre dit heureux avant sa moit, car c'est ce que disent les vers d'Ovide, cités par Montaigne (1, 48, p. 97), que Pascal n'a fait que mettre en pross :

dicique beatus

Ante obitum nemo supremaque funera debet.

La pensée est prise du discours de Solon à Crésus dans Hérodote, 1, 23. Voir Montaigne, à l'endroit cité, et I, 3, page 22. Si Pascal avait reproduit la pensée exactement, il n'aurait pas eu besoin d'avertir de ne pas y #tacher le sens qu'il va indiquer.

4 « Ils sont contraints. En titre, Le bon sens.

■ Suppliante. 1 Cette étrange invective contre le bon sens s'adreses È

langage d'un homme à qui on dispute son droit, et a défend les armes et la force à la main. Il ne s'amuse pas a dire qu'on n'agit pas de bonne foi, mais il purit cette mauvaise foi par la force'.

87.

L'Ecclésiaste montre que l'homme sans Dieu est dans l'ignorance de tout', et dans un malheur inévitable". Car c'est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir. Or il veut être heureux, et assuré de quelque vérité, et cepen

une certaine justesse d'esprit commune, par laquelle la plupart des hommes se refusent à suivre jusque dans leurs conséquences paradoxales et troublantes des raisonnements philosophiques qu'ils ne sauraient pourtant réfuter. Ainsi quand les pyrrhoniens, et après eux Descartes et Pascal (voir viII, 4), soutiennent qu'on ne peut établir aucune distinction fondée entre la veille et le sommeil, ceux à qui on tient ce langage se bornent à répondre qu'on ne parle pas de bonne foi, qu'on ne devrait pas faire de telles suppositions, etc. On connaît les sophismes subtils des dialecticiens grecs, par exemple le sorite, par lequel on prouvait que nos idées ne portent sur aucun fondement réel, et qui puisse être clairement déîini. Par exemple, disait-on, qu'est-ce qu'un chauve? Un homme qui n'a qu'un cheveu est chauve sans doute et s'il en a deux? il l'est encore. S'il en a trois, quatre, cinq, etc.? il l'est toujours. Mais s'il en a cent mille? il ne l'est plus. A quel chiffre a-t-il cessé de l'être? On ne saurait le déterminer; donc quand nous parlons de chauve, nous ne savons de quoi nous parlons; ce n'est qu'un mot sans valeur réelle, et il en est de même de tous les mots. Que répond à tout cela la raison de la plupart des hommes ? Rien; elle ne résiste qu'en reculant, elle demande grâce; et c'est alors que Pascal la prend en pitié. Il s'écrie qu'elle ne gouverne l'esprit humain que par tolérance, qu'elle n'a ni droit, ni force à l'appui.

I << Par la force. » La force ici, où il s'agit de raison, c'est une argu→ mentation rigoureuse; les armes sont des syllogismes.

« L'Ecclésiaste. L'Ecclésiaste parle de l'homme, sans ajouter, l'homme sans Dieu. Cette addition contient tout le christianisme, la rédemption et la grâce. Du reste on lit à la fin de ce livre extraordinaire : Crains Dieu, et observe ses commandements, car c'est là tout l'homme. » Et Bossuet a développé magnifiquement, au commencement de la seconde partie de l'Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans, ce dernier texte, où il voit le secret de l'Ecclésiaste.

3 Dans l'ignorance de tout. » Ecclésiaste, passim, et particulièrement VIII, 47.

4 « Inevitable. » L'Ecclésiaste s'étend sur les vanités et les misères de la vie, mais ce raisonnement qui conclut de l'ignorance au malheur n'est pas dans le livre saint, il est de Pascal.

dant il ne peut ni savoir, ni ne désirer point de savoir'. II ne peut même douter.

38.

On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent des dé fauts, car ils mortifient. Ils apprennent qu'on a été méprisé, ils n'empêchent pas qu'on ne le soit à l'avenir2, car on a bien d'autres défauts pour l'être. Ils préparent l'exercice de la correction, et l'exemption d'un défaut.

39.

Nulle secte ni religion n'a toujours été sur la terre que la religion chrétienne'.

Il n'y a que la religion chrétienne qui rende l'homme aimable et heureux tout ensemble. Dans l'honnêteté*, on ne peut être aimable et heureux tout ensemble".

40.

La foi est un don de Dieu. Ne croyez pas que nous disions que c'est un don de raisonnement. Les autres religions ne disent pas cela de leur foi; elles ne donnaient que

1 << Ni ne désirer point de savoir. » Cela est encore de Pascal, ainsi que le dernier trait: Il ne peut même douter (cf. vIII, 1, p. 140).

. « A l'avenir. » Aucun autre que Pascal ne pouvait s'aviser d'un pareil motif pour nous obliger à aimer le blâme et les reproches. Tous les moralistes humains auraient dit: Si la censure nous chagrine comme signe du mépris que nous avons encouru, nous lui devons du moins cela qu'elle nous corrige, et nous garantit ainsi de ce même mépris pour l'avenir.

3 << Chrétienne. » Car elle est la même qu'était autrefois celle des Juifs, voir l'article XXI.

4 « L'honnêteté. Ce mot exprime l'ensemble des qualités qui font l'honnête homme, l'homme accompli selon le monde. C'est cette honnêteté qui est au-dessus de tout, disait Méré (voir ci-dessus, page 364, dans la note).

5 << Tout ensemble. » Car pour être aimable, il faut se sacrifier aux Autres, et pour être heureux, sacrifier les autres à soi. Il n'y a que le chrétien qui mette le bonheur dans le sacrifice même.

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