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69.

Quand on veut poursuivre les vertus jusqu'aux extrêmes de part et d'autre, il se présente des vices qui s'y insinuent insensiblement, dans leurs routes insensibles, du côté du petit infini'; et il s'en présente, des vices, en foule du côté du grand infini, de sorte qu'on se perd dans les vices, et on ne voit plus les vertus.

63.

La théologie est une science, mais en même temps combien est-ce de sciences! Un homme est un suppôt3 : mais si on l'anatomise, sera-ce la tête, le cœur, l'estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang?

Une ville, une campagne, de loin est une ville et une campagne; mais à mesure qu'on s'approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes", des fourmis, des jambes de fourmi, à l'infini. Tout cela s'enveloppe sous le nom de campagne

Du petit indni. » Il faut se rappeler ce principe domir de la philosophie de Pascal, que tout dans la nature est placé entre deux infinis, l'un de petitesse, l'autre de grandeur (voir 1, 4). Il applique cela maintenant aux choses morales. Soit par exemple le courage au-dessous de cette vertu, et à mesure qu'elle diminue, il y a la trop grande prudence, la faiblesse, la pusillanimité, la poltronnerie, la lâcheté, et ainsi à l'in fini, en décroissant; c'est le petit infini. Au-dessus, ou au delà, il y a la trop grande hardiesse, la témérité, l'emportement, l'extravagance; c'est le côté du grand infini

2 « La théologie. » En titre, Diversité. C'est encore pour montrer qu'on retrouve l'infini partout. Cf. 1, 1, page 4.

3 « Un suppôt. » Expression de l'école: Un homme est un sujet, ung unité pour la pensée.

4 « Sera-ce la tête. » Sera-ce la tête qui sera l'élément, l'unité? • « Des herbes. Voir le paragraphe 3.

« De campagne. On lit encore ailleurs : « La diversité est si ample, » que tous les tons de voix, tous les marchers, toussers, mouchers, éter» nuers... On distingue des fruits les raisins, et entre ceux-là les mus» cats, et puis Coindrieu [sic], et puis Dezargues [?], et puis... [illisible).

64.

Deux sortes de gens égalent les choses, comme les fêtes aux jours ouvriers, les chrétiens aux prêtres2, tous les péchés entre eux, etc. Et de là les uns concluent que ce qui est donc mal aux prêtres l'est aussi aux chrétiens; et les autres, que ce qui n'est pas mal aux chrétiens est permis aux prêtres.

65.

La nature s'imite'. Une graine, jetée en bonne terre, produit. Un principe, jeté dans un bon esprit, produit. Les nombres imitent l'espace, qui sont de nature si différente. Tout est fait et conduit par un même maître : la racine, la branche, les fruits; les principes, les conséquences.

» Est-ce tout? en a-t-elle jamais produit deux grappes pareilles? et uns » grappe a-t-elle deux grains pareils? etc.

> Je n'ai jamais jugé d'une même chose exactement de même. Je ne puis juger de mon ouvrage en le faisant; il faut que je fasse comme les > peintres, et que je m'en éloigne; mais non pas trop : de combien donc? » Devinez. (Cf. III, 2.] »

་ « Deux sortes. » Les jansénistes n'inclinaient-ils pas vers l'un des deux excès que signale ici Pascal, et leurs adversaires vers l'autre excès ? 2 « Aux prêtres. » Il aurait pu dire également : Les uns concluent que ce qui est défendu les jours de fête, est défendu les jours ouvriers; et les autres, que ce qui est permis aux jours ouvriers l'est aussi aux jours de fête? etc.

3 « La nature s'imite. » Voir le paragraphe 9.

4 << Qui sont. » Les nombres, qui sont d'une nature si différente de celle de l'espace. Ils l'imitent pourtant, en ce que, comme l'espace, ils s'ajoutent à l'infini et se divisent à l'infini; en ce que les lignes géométriques se mesurent par les nombres simples ou à la première puissance, les surfaces se mesurent par la seconde puissance des nombres, et les solides, par la troisième. C'est du principe énoncé ici qu'est née toute une science, l'application de l'algèbre à la géométrie, où on voit la loi d'un lieu géométrique exprimée par une équation. Mais en quoi les nombres et l'espace sont-ils de nature si différente? Sont-ce des choses réellement existantes, et qui aient une nature? Le nombre est en général l'expression d'un rapport de quantité; et la première et la plus sensible des quantités n'est-elle pas l'étendue? Ce qu'il y a de vrai et de profond, ici et au paragraphe 9, c'est que dans le monde physique comme dans le monde morai tout se tient, tout est un; la nature est un continu sans solution,

66.

L'admiration' gâte tout dès l'enfance. Oh! que cela est bien dit! qu'il a bien fait! qu'il est sage! etc. Les enfants. de Port-Royal, auxquels on ne donne point cet aiguillon d'envie et de gloire, tombent dans la nonchalance2.

67.

L'expérience nous fait voir une différence énorme entre la dévotion et la bonté.

68.

Quel déréglement de jugement, par lequel il n'y a personne qui ne se mette au-dessus de tout le reste du monde, et qui n'aime mieux son propre bien, et la durée de son bonheur et de sa vie que celle de tout le reste du monde!

1

69.

On aime à voir l'erreur, la passion de Cléobuline, parce

« L'admiration. » En titre, La gloire.

<< La nonchalance. » Voir, pour le commentaire de ce fragment, Sainte-Beuve, t. III, Ecoles de Port Royal, page 406. Voir aussi, page 402, ce passage des Mémoires de Fontaine : « Quand il y avait quelque bien » dans quelqu'un de ces enfants, il [M. de Saci] me conseillait toujours » de n'en point parler, et d'étouffer cela dans le secret. » Quintilien au » contraire : « Je veux un enfant que la louange excite, qui aime la gloire, qui pleure d'être vaincu [1, 3]. » Quintilien prépare un artiste en éloquence, et Saci un solitaire. Si nous voulons un honnéte homme, suivons la nature en la tempérant.

3 « Quel déréglement. Ce fragment, qu'on a déjà vu sous le numéro 2, est répété ici par erreur.

4 << On aime à voir. » Un roman intitulé: Cléobuline, ou la vruve inconnue, avait paru en 1658; je ne l'ai pas lu, mais la Cléobuline d. Pascal n'est pas celle-là. Un mot de madame de Sévigné nous met sur la voie. Elle écrit à sa fille, en lui parlant d'une madame des Pennes, qui a été aimable comme un ange : « Mademoiselle de Scudéri l'adorait, > c'était la princesse Cléobuline [c'est-à-dire c'était elle que mademoiselle » de Scudéri avait représentée dans la princesse Cléobuline]; elle avait un prince Thrasybule en ce temps-là; c'est la plus jolie histoire de Cyrus » [43 mai 4674 ]. » Cléobuline, princesse, puis reine de Corinthe, figure er divers endroits dans Artamène, ou le grand Cyrus. Mais on trouvera

qu'elle ne la connaît pas. Elle déplairait, si elle n'éta trompée!.

70.

Prince à un roi plaft, parce qu'il diminue sa qualité.

71.

On ne s'ennuie point' de manger et dormir tous les jours,

particulièrement l'histoire de sa passion au livre second de la septième partie. Elle est amoureuse d'un de ses sujets, Myrinthe, qui n'est pas même Corinthien d'origine; mais elle l'aimait sans penser l'aimer, et elle » fut si longtemps dans cette erreur que cette affection ne fut plus en état » d'être surmontée lorsqu'elle s'en aperçut. Toute cette histoire, beaucoup moins charmante aujourd'hui qu'elle ne le semblait alors (ainsi que le roman tout entier), ne paraît pas cependant indigne d'avoir intéressé madame de Sévigné et Pascal (a). On sait d'ailleurs que mademoiselle de Scudéri était en très-bons termes avec MM. de Port Royal, qu'elle avait flattés dans la Clélie: cf. Sainte-Beuve, t. II, page 259 et suivantes. Mais quand on a lu le fragment de Pascal, on est un peu étonné de voir la manière dont il s'exprimait à la fin de la quinzième Provinciale : « Que

doit-on répondre de même à tous les discours vagues de cette sorte qui » sont dans vos livres, et dans vos avertissements sur mes lettres, par > exemple.... que je suis aussi pensionnaire de Port-Royal, et que je fai»sais des romans avant mes lettres, moi qui n'en ai jamais lu aucun, » etc. Il faut bien avouer qu'il y a ici quelque chose de cet entrainement oratoire, que les amis nomment hyperbole, et que les ennemis appellent mensonge, Pascal avait lu au poins le Cyrus.

1 < Trompée. » Trompée par elle-même, se trompant elle-même.

2 « Prince à un roi.» 444. Le sens naturel de cette phrase, qui est que le prince diminue la qualité du roi, ne paraît pas satisfaisant. Cela pour rait se dire, à la rigueur, mais qu'y a-t-il là qui puisse plaire au roi? Ja pense donc qu'il faut rapporter il au roi, et sa au prince. Le roi diminue, par sa grandeur incomparable, la grandeur du prince; il le met presque de niveau avec le reste des sujets, et cela même est une jouissance pour son orgueil.

Mais aujourd'hui, seigneur, que ses yeux dessillés...
Verront autour de vous les rois sans diadème,
Inconnus dans la foule, et son amant lui-même,
Attachés sur vos yeux, s'honorer d'un regard
Que vous aurez sur eux fait tomber par hasard....

(Britannicus, II, 2.)

« On ne s'ennuie point. » Le sermon sur la montagne (Matth., Y. 4) s'ouvre par ce qu'on appelle les huit béatitudes: Bienheureux les pauvres (a) Remarquons seulement, au sujet de passage de madame de Sevigné, qu'elle mêle un peu ses souvenirs, et que le prince Thrasybule, qui est aussi un des héros de Cyrus, n'y est pas l'amant de Cléobuline. L'histoire de ses amours avec la belle Alcionide se trouve dans le troisième partie, au livre IIL

car la faim renaft, et le sommeil : sans cela on s'en ennuierait. Ainsi, sans la faim des choses spirituelles, on s'en ennuie. Faim de la justice; béatitude huitième,

72.

Il n'y a que deux sortes d'hommes les uns justes, qui se croient pécheurs; les autres pécheurs, qui se croient justes.

73.

Il n'est pas bon d'être trop libre. Il n'est pas bon d'avoir tout le nécessaire.

74.

L'espérance1 que les chrétiens ont de posséder un bien infini est mêlée de jouissance aussi bien que de crainte: car ce n'est pas comme ceux qui espéreraient un royaume, dont ils n'auraient rien étant sujets'; mais ils espèrent la sainteté, l'exemption d'injustice, et ils en ont quelque chose.

75.

Scaramouche', qui ne pense qu'à une chose. Le docteur,

d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre, etc. La huitième est celle-ci « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car >> le royaume des cieux est à eux. Il pouvait citer aussi la quatrième : «Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.»

L'espérance. Cette pensée est une espèce de supplément à celle qui forme le second fragment du paragraphe 4 de l'article x, page 184. 2 « Étant sujets. C'est-à-dire, qui espéreraient pour l'avenir une royauté dont ils ne jouiraient en aucune manière dans le présent, tant qu'ils ne seraient pas rois, mais sujets. Il n'en est pas ainsi de la royauté spirituelle des fidèles : ils ne seront saints que dans le ciel, mais ils sont déjà fidèles sur la terre; ils ont donc en eux déjà quelque chose de la sainteté. Il a pour eux un gain présent, une jouissance; jouissance mêlée de crainte, parce qu'ils ont toujours à craindre, tant qu'ils vivent, de tomber dans le péché et dans la réprobation.

3 « Scaramouche. » Pascal veut peindre la préoccupation, et il en rassemble divers exemples. Scaramouche est un des rôles traditionnels de la comédie italienne, et ce rôle était rempli alors avec le plus grand éclat par

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