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anciens ont assuré que la nature ne souffrait point de vide, 'ils ont entendu qu'elle n'en souffrait point dans toutes les expériences qu'ils avaient vues, et ils n'auraient pu sans témérité y comprendre celles qui n'étaient pas en ìeur connaissance. Que si elles y eussent été, sans doute ils auraient tiré les mêmes conséquences que nous, et les auraient par leur aveu autorisées de cette antiquité dont on veut faire aujourd'hui l'unique principe des sciences.

C'est ainsi que, sans les contredire, nous pouvons assurer le contraire de ce qu'ils disaient; et, quelque force enfin qu'ait cette antiquité, la vérité doit toujours avoir l'avantage, quoique nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues1, et que ce serait ignorer sa nature de s'imaginer qu'elle ait commencé d'être au temps qu'elle a commencé d'être connue 2.

«'Qu'on en a eués. » Admirablement dit; ce sont de ces mots qui portent avec eux la lumière.

2 « D'être connue. » Il importe de faire observer, en finissant nos remarques sur ce morceau, que le vide sensible des physiciens pourrait n'être pas un vide réel. Le vide du corps de pompe et du baromètre est un vide sensible; les expériences le manifestent clairement, et font voir que les anciens se trompaient quand ils croyaient ce vide impossible, et quand ils s'imaginaient que la nature en a horreur, et qu'elle fait monter l'eau dans les pompes pour l'éviter. Mais cet espace, où nos sens ne perçoivent aucun corps résistant et pondérable, ne pourrait-il pas cependant être rempli par une matière plus subtile, telle que celle qui paralt produire la lumière? C'est ce que les expériences ne décident pas. Il y a, en outre, la question du vide considéré dans la composition même et la contexture de la matière, question de métaphysique plutôt que de physique, qui porte sur l'essence de la matière elle-même. C'est celle que tranchait la philosophie cartésienne quand elle soutenait, malgré le mouvement et toutes les autres apparences, qu'il n'y a pas de vide dans la nature, et que tout est plein. Pascal n'a pas touché à cette question, et nous n'avons pas à nous y engager ici.

1.

On peut avoir trofs principaux objets dans l'étude de la vérité : l'un, de la découvrir quand on la cherche; l'autre, de la démontrer quand on la possède; le dernier, de la dis cerner d'avec le faux quand on l'examine.

Je ne parle point du premier; je traite particulièrement du second, et il enferme le troisième. Car, si l'on sait la méthode de prouver la vérité, on aura en même temps celle de la discerner, puisqu'en examinant si la preuve qu'on en donne est conforme aux règles qu'on connaît, on saura si elle est exactement démontrée.

La géométrie, qui excelle en ces trois genres, a 'expliqué l'art de découvrir les vérités inconnues; et c'est ce qu'elle appelle Analyse, et dont il serait inutile de discourir après tant d'excellents ouvrages qui ont été faits 2.

1 « De l'esprit géométrique. » C'est le titre commun de deux fragments qui forment les articles et de l'édition Bossut, et qui y sont intitulés, le premier, Réflexions sur la géométrie en général, et le second: De l'art de persuader.

Dans l'un et l'autre fragment, l'auteur divise son sujet en deux parties, et n'aborde que la première. Pour cette première partie même, tous les deux sont incomplets. Le premier, quoique plus étendu, l'est tellement qu'on peut dire qu'il s'arrête aux préliminaires du sujet. Ce sont deux rédactions différentes d'un même travail; la première est commencée seulement; la seconde, qui va plus vite, va aussi plus loin. C'est ainsi que Pascal a laissé, d'une part, des fragments d'un grand Traité du vide, de l'autre une espèce de réduction achevée de ce traité dans le petit ouvrage qui se compose des deux écrits sur l'Equilibre des liqueurs et sur la Pe santeur de l'air.

On verra, par différents traits, que ces morceaux ont dû être écrits à une époque où les sentiments religieux de Pascal étaient déjà très-vifs, sans que son esprit fût encore absorbé tout entier dans les méditations théologiques. J'imagine qu'il les a composés dans les premiers temps de sa retraite à Port Royal, un peu avant les Provinciales (1655).

2

« Qui ont été faits. Chercher à désigner ces ouvrages, ce serait vou

Celui de démontrer les vérités déjà trouvées, et de les éclaircir de telle sorte que la preuve en soit invincible, est le seul que je veux donner; et je n'ai pour cela qu'à expliquer la méthode que la géométrie y observe; car elle l'enseigne parfaitement par ses exemples, quoiqu'elle n'en produise aucun discours. Et parce que cet art consiste en deux choses principales, l'une de prouver chaque proposition en particulier, l'autre de disposer toutes les propositions dans le meilleur ordre, j'en ferai deux sections, dont l'une contiendra les règles de la conduite des démonstrations géométriques, c'est-à-dire méthodiques et parfaites, et la seconde comprendra celles de l'ordre géométrique, c'est-à-dire méthodique et accompli de sorte que les deux ensemble enfermeront tout ce qui sera nécessaire pour la conduite du raisonnement à prouver et discerner les vérités; lesquelles1 j'ai dessein de donner entières.

SECTION PREMIERE.

De la méthode des démonstrations géométriques, c'est-à-dire méthodiques et parfaites.

Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu'on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu'en expliquant celle que la géométrie observe.

2

[Mon objet] est bien plus de réussir à l'une qu'à l'autre,

loir énumérer tous les travaux des mathématiciens, depuis Viète et Descartes.

1 Lesquelles.» Lesquelles deux sections. Pascal n'a pas fait ce qu il se promettait de faire.

2 « Est bien plus. » J'ai rempli la lacune des premiers mots.

3 « A l'une qu'à l'autre. » C'est-à-dire mon objet est bien plus de réus◄ sir dans la méthode générale de démontrer que dans la géométrie en particulier.

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et je n'ai choisi cette science pour y arriver que parce qu'elle seule sait les véritables règles du raisonnement, et, sans s'arrêter aux règles des syllogismes qui sont tellement naturelles qu'on ne peut les ignorer, s'arrête et se fonde sur la véritable méthode de conduire le raisonnement en toutes choses, que presque tout le monde ignore, et qu'il est si avantageux de savoir que nous voyons par expérience qu'entre esprits égaux et toutes choses pareilles, celui qui a de la géométrie l'emporte et acquiert une vigueur toute nouvelle.

Je veux donc faire entendre ce que c'est que démonstration par l'exemple de celles de géométrie, qui est presque la seule des sciences humaines qui en produise d'infaillibles, parce qu'elle seule observe la véritable méthode, au lieu que toutes les autres sont par une nécessité naturelle dans quelque sorte de confusion que les seuls géomètres savent extrêmement connaître.

Mais il faut auparavant que je donne l'idée d'une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver: car ce qui passe la géométrie nous surpasse"; et néanmoins il est nécessaire d'en dire quelque chose, quoiqu'il soit impossible de le pra

tiquer.

Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y arriver, consisterait en deux choses principales: l'une, de n'em

1 Cette science. » La géométrie.

2 << Pour y arriver. » A la méthode de démontrer en général.

« Qu'on ne peut les ignorer.» On pourrait répondre à Pascal comme l répond lui-même dans le second fragment à ceux qui voudraient en dire autant des règles qu'il pose. Les règles naturelles des syllogismes ont aussi leur utilité et leur prix.

4 « Nous surpasse.» Cette phrase contient pour ainsi dıre la transition de Pascal géomètre à Pascal pyrrhonien.

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ployer aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le seas; l'autre, de n'avancer jamais aucune proposition qu'on ne démontrât par des vérités déjà connues; c'est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. Mais, pour suivre l'ordre même que j'explique, il faut que je déclare ce que j'entends par définition.

On ne reconnaît en géométrie que les seules définitions que les logiciens appellent définitions de nom, c'est-à-dire que les seules impositions de nom aux choses qu'on a clairement désignées en termes parfaitement connus; et je ne parle que de celles-là seulement. Leur utilité et leur usage est d'éclaircir et d'abréger le discours, en exprimant par le seul nom qu'on impose ce qui ne pourrait se dire qu'en plusieur, termes; en sorte néanmoins que le nom imposé demeure dénué de tout autre sens, s'il en a, pour n'avoir plus que celui auquel on le destine uniquement. En voici un exemple. Si l'on a besoin de distinguer dans les nombres coux qui sont divisibles en deux également d'avec ceux qui ne le sont pas, pour éviter de répéter souvent cette condition, on lui donne un nom en cette sorte: j'appelle tout nombre divisible en deux également nombre pair. Voilà une définition géométrique: parce qu'après avoir clairement désigné une chose, savoir tout nombre divisible en deux également, on lui donne un nom que l'on destitue de tout autre sens, s'il en a, pour lui donner celui de la chose désignée. D'où il paraît que les définitions sont très-libres, et qu'elles ne sont jamais sujettes à être contredites; car il n'y a rien de plus permis que de donner à une chose qu'on a clairement désignée un nom tel qu'on voudra. Il faut seulement prendre garde qu'on n'abuse de la liberté qu'on a d'imposer

1 << Toutes les propositions.» Neus verrons plus loin ce qu'il faut penser de cette méthode si excellente.

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