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trembler ceux qui ont de vrais mouvements de Dieu de voir la persécution qui se prépare non-seulement contre les personnes (ce serait peu), mais contre la vérité. Sans mentir, Dieu est bien abandonné. Il me semble que c'est un temps où le service qu'on lui rend lui est bien agréable. Il veut que nous jugions de la grâce par la nature; et ainsi il permet de considérer que comme un prince chassé de son pays par ses sujets a des tendresses extrêmes pour ceux qui lui demeurent fidèles dans la révolte publique, de même il semble que Dieu considère avec une bonté particulière ceux qui défendent aujourd'hui la pureté de la religion et de la morale qui est si fort combattue. Mais il y a cette différence entre les rois de la terre et le Roi des rois, que les princes ne rendent pas leurs sujets fidèles, mais qu'ils les trouvent tels : au lieu que Dieu ne trouve jamais les hom mes qu'infidèles, et qu'il les rend fidèles quand ils le sont. De sorte qu'au lieu que les rois ont une obligation insigne1 à ceux qui demeurent dans leur obéissance, il arrive, au contraire, que ceux qui subsistent dans le service de Dieu lui sont eux-mêmes redevables infiniment. Continuons donc à le louer de cette grâce, s'il nous l'a faite, de laquelle nous le louerons dans l'éternité, et prions-le qu'il nous la fasse encore, et qu'il ait pitié de nous et de l'Église entière, hors laquelle il n'y a que malédiction.

Je prends part aux... persécutés dont vous parlez. Je ment que les cinq propositions étaient condamnées au sens de Jansénius. Les adversaires des jansénistes s'occupèrent aussitôt de faire accepter cette nouvelle bulle avec un nouveau formulaire, dont on exigerait la signature de toutes personnes tenant à l'Eglise, sous menace des peines ecclésiastiques et civiles. Cela n'était pas fait encore, et ne se fit définitivement qu'en 1664, mais cela se préparait et paraissait proche.

1 « Une obligation insigne. >> Les éditeurs de P. R., en insérant ce morceau dans les Pensées, n'ont pas voulu s'exprimer ainsi. Ils mettent seulement témoignent d'ordinaire avoir de l'obligation à ceux, etc.

« Aux... persécutés. » Un manuscrit donne, aux quatre persécutés Je ne sais ce que c'est.

vois bien que Dieu s'est réservé des serviteurs cachés, comme il le dit à Élie 1. Je le prie que nous en soyons, bien et comme il faut, en esprit et en vérité et sincèrement.

6.

Quoi qu'il puisse arriver de l'affaire de 2..., il y en a assez, Dieu merci, de ce qui est déjà fait pour en tirer un admirable avantage contre ces maudites maximes. Il faut que ceux qui ont quelque part à cela en rendent de grandes grâces à Dieu, et que leurs parents et amis prient Dieu pour eux, afin qu'ils ne tombent pas d'un si grand bonheur et d'un si grand honneur que Dieu leur a faits. Tous les honneurs du monde n'en sont que l'image; celui-là seul est solide et réel, et néanmoins il est inutile sans la bonne disposition du cœur. Ce ne sont ni les austérités du corps, ni les agitations de l'esprit ", mais les bons mouvements du cœur qui méritent, et qui soutiennent les peines du corps et de l'esprit. Car enfin il faut ces deux choses pour sanctifier, peines et plaisirs. Saint Paul a dit que ceux qui entreront dans la bonne vie trouveront des troubles et des in

1

« Comme il le dit à Elie. Cf. Pensees, XXV, 106.

2 << De l'affaire de... » En même temps que l'assemblée du clergé frappait les cinq propositions, elle était invitée à rendre un décret de censure en sens contraire, et à faire droit, pour ainsi dire, contre la morale relâchée des casuistes, aux réquisitoires des Provinciales. L'assemblée fut saigie dans les formes par les curés de Paris vers la fin de novembre 1656. C'est probablement à cette date que Pascal écrit, et qu'il s'applaudit de ce qui est déjà fait. Du reste l'assemblée ne prononça point de censure. Voir, dans les OEuvres de Pascal, le sixième Factum pour les curés de Paris.

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« Quelque part à cela. » C'est-à-dire Pascal lui-même. L'effort qu'il fait pour étouffer la vanité en lui sous des sentiments plus purs et plus profonds, est touchant.

4 « Les agitations de l'esprit. » C'est une expression bien bumble, par là même bien haute, pour désigner cette poursuite ardente de la vérité, ces élans de logique, d'imagination et de passion, qui faisaient son éloquence,

quiétudes en grand nombre [Act., XIV, 21]. Cela doit consoler ceux qui en sentent, puisque, étant avertis que le chemir du ciel qu'ils cherchent en est rempli, ils doivent se réjouir de rencontrer des marques qu'ils sont dans le éritable chemin. Mais ces peines-là ne sont pas sans plaisirs, et ne sont jamais surmontées que par le plaisir. Car de même que ceux qui quittent Dieu pour retourner au monde, ne le font que parce qu'ils trouvent plus de douceur dans les plaisirs de la terre que dans ceux de l'union avec Dieu, et que ce charme victorieux les entraine, et, les faisant repentir de leur premier choix, les rend des pénitents du diable, selon la parole de Tertullien: de même on ne quitterait jamais les plaisirs du monde pour embrasser la croix de JÉSUS-CHRIST, si on ne trouvait plus de douceur dans le mépris, dans la pauvreté, dans le dénûment et d. ns le rebut des hommes, que dans les délices du péché. Et ainsi, comme dit Tertullien', il ne faut pas croire que la vie des chrétiens soit une vie de tristesse. On ne quitte les plaisirs que pour d'autres plus grands. « Priez toujours, dit saint Paul, > rendez grâces toujours, rejouissez-vous toujours [I Thess.,

V, 16-18]. C'est la joie d'avoir trouvé Dieu qui est le principe de la tristesse de l'avoir offensé et de tout le changement de vie. Celui qui a trouvé le trésor dans un champ en a une telle joie, que cette joie, selon Jésus-Christ, lui fait vendre tout ce qu'il a pour l'acheter [Matth., XIII, 44].

: << Qui en sentent. » Il revient à Mlle de Roannez et à ses peines.

2 << De Tertullien. » De pœnitentia, 5: Ita qui per delictorum pœnitentiam instituerat Domino satisfacere, diabolo per aliam pœnitentiæ pœnitentiam satisfacier

3 Tertullien. De spectaculis, 28: Quæ major voluptas, quam fastidium ipsum voluptatis et la suite. Il est à remarquer que ces deux passages de Tertullien se trouvent dans les Sentences et instructions chrétiennes tirées des anciens Pères de l'Église, par le sieur de Laval, 1680. et se trouvaient probablement déjà dans le recueil que lisait Mlle de Roannez (voir page 590, mote 4). Je pense que c'est là que Pascal les avait lus.

Les gens du monde n'ont point cette joie « que le monde ne peut ni donner, ni ôter, » dit JÉSUS-CHRIST même [Jean, SIV, 11, et XVI, 22]. Les bienheureux ont cette joie sans au'cune tristesse; les gens du monde ont leur tristesse sans cette joie, et les chrétiens ont cette joie mêlée de la tristesse d'avoir suivi d'autres plaisirs, et de la crainte de la perdre par l'attrait de ces autres plaisirs qui nous tentent sans relâche. Et ainsi nous devons travailler sans cesse à nous conserver cette joie qui modère notre crainte, et à conserver cette crainte qui conserve notre joie, et selon qu'on se sent trop emporter vers l'une, se pencher vers l'autre pour demeurer debout. « Souvenez-vous des biens dans >> les jours d'affliction, et souvenez-vous de l'affliction dans » les jours de réjouissance, » dit l'Écriture [Ecclésiastique, XI, 27], jusqu'à ce que la promesse que Jésus-CHRIST nous a faite [Jean, XVI, 24] de rendre sa joie pleine en nous soit accomplie. Ne nous laissons donc pas abattre à la tristesse, et ne croyons pas que la piété ne consiste qu'en une amertume sans consolation. La véritable piété, qui ne se trouve parfaite que dans le ciel, est si pleine de satisfactions, qu'elle en remplit et l'entrée et le progrès et le couronnement. C'est une lumière si éclatante, qu'elle rejaillit sur tout ce qui lui appartient; et s'il y a quelque tristesse mêlée, et surtout à l'entrée, c'est de nous qu'elle vient, et non pas de la vertu; car ce n'est pas l'effet de la piété qui commence d'être en nous, mais de l'impiété qui y est encore 2. Otons l'impiété, et la joie sera sans mélange. Ne nous en prenons donc pas à la dévotion, mais à nous-mêmes, et n'y cherchons du soulagement que par notre correction.

1 « Pour demeurer debout. » Cf. Pensées, XXV, 42.

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7.

Je suis bien aise de l'espérance que vous me donnez du bon succès de l'affaire dont vous craignez de la vanité1. Il y a à craindre partout, car si elle ne réussissait pas, j'en craindrais cette mauvaise tristesse dont saint Paul dit qu'elle donne la mort, au lieu qu'il y en a une autre qui donne la vie [II Cor., VII, 10]. Il est certain que cette affaire-là était épineuse, et que si la personne en sort, il y a sujet d'en prendre quelque vanité; si ce n'est à cause qu'on a priè Dieu pour cela, et qu'ainsi il doit croire que le bien qui en viendra sera son ouvrage. Mais si elle réussissait mal, il ne devrait pas en tomber dans l'abattement, par cette même raison qu'on a prié Dieu pour cela, et qu'il y a apparence qu'il s'est approprié cette affaire aussi il le faut regarder comme l'auteur de tous les biens et de tous les maux, excepté le péché. Je lui répéterai là-dessus ce que j'ai autrefois rapporté de l'Écriture. « Quand vous êtes dans » les biens, souvenez-vous des maux que vous méritez, et » quand vous êtes dans les maux, souvenez-vous des biens » que vous espérez. » Cependant je vous dirai sur le sujet de l'autre personne que vous savez3, qui mande qu'elle a bien

1 « De la vanité. » Voir la note suivante.

:

2 « De l'Ecriture. » Il me semble que l'homme à qui s'adresse ici Pascal le peut être que le duc de Roannez. C'est la supposition qui explique le nieux ces paroles : « Le bon succès de l'affaire dont vous craignez de la › vanité; » et cel'es-i: « Je lui répéterai là-dessus ce que j'ai autrefois › rapporté de l'Ecriture. » Car il répète en effet ce qu'il avait écrit à Mll. le Roannez (sixième Extrait). Les lettres à la sœur étaient aussi pour le rère, comme il le dit dans le premier Extrait. Mais je ne puis dire ce que J'est que cette affaire épineuse.

3 << Que vous savez. Je suis persuadé qu'ici surtout, en ayant l'air de parler d'une tierce personne, Pascal ne parle à Mile de Roannez que d'elle-même. C'est elle qui, à la veille de se dérober à sa mère pour s'enfuir dans un couvent, mande qu'elle a bien des choses dans l'esprit qui l'embarrassent, et ne songe qu'avec effroi aux suites de sa résolution. C'est elle à qui Pascal compatit avec une sincérité qui attendrit un moment sa

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