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IMAGE DE LA VIE

Vous voyez un faible rameau
Qui, par les jeux du vague Éole,
Enlevé de quelque arbrisseau,
Quitte sa tige, tombe, vole,
Sur la surface d'un ruisseau;
Là, par une invincible pente,
Forcé d'errer et de changer,
Il flotte au gré de l'onde errante
Et d'un mouvement étranger;
Souvent il paraît, il surnage;
Souvent il est au fond des eaux;
Il rencontre sur son passage
Tous les jours des pays nouveaux:
Tantôt un fertile rivage

Bordé de coteaux fortunés,
Tantôt un rivage sauvage,
Et des déserts abandonnés.
Parmi ces erreurs continues,
Il fuit, il vogue jusqu'au jour
Qui l'ensevelit à son tour
Au sein de ces mers inconnues
Où tout s'abîme sans retour.

La Chartreuse.

MA RETRAITE

Dans ces solitudes riantes
Quand me verrai-je de retour?
Courez, volez, heures trop lentes,
Qui retardez cet heureux jour.

Oui, dès que les désirs aimables,
Joints aux souvenirs délectables,
M'emportent vers ce doux séjour,
Paris n'a plus rien qui me pique.
Dans ce jardin si magnifique,
Embelli par la main des rois,
Je regrette ce bois rustique
Où l'écho répétait nos voix.
Sur ces rives tumultueuses,
Où les passions fastueuses
Font régner le luxe et le bruit
Jusque dans l'ombre de la nuit,
Je regrette ce tendre asile
Où, sous des feuillages secrets,
Le sommeil repose tranquille
Dans les bras de l'aimable paix.
A l'aspect de ces eaux captives,
Qu'en mille formes fugitives
L'art sait enchaîner dans les airs,
Je regrette cette onde pure
Qui, libre dans des antres verts,
Suit la pente de la nature,

Et ne connaît point d'autres fers.

En admirant la mélodie

De ces voix, de ces sons parfaits
Où le goût brillant d'Ausonie
Se mêle aux agréments français,
Je regrette les chansonnettes.
Et le son des simples musettes
Dont retentissent les coteaux,
Quand vos bergères fortunées,
Sur les soirs des belles journées,

Ramènent gaîment leurs troupeaux.
Dans ces palais où la Mollesse,
Peinte par les mains de l'Amour,
Sur une toile enchanteresse
Offre les fastes de sa cour;
Je regrette ces jeunes hêtres,
Où ma muse, plus d'une fois,
Grava les louanges champêtres
Des divinités de vos bois,
Parmi la foule trop habile

Des beaux diseurs du nouveau style,
Qui, par de bizarres détours,

Quittant le ton de la nature,
Répandent sur tous leurs discours
L'académique enluminure,

Et le vernis des nouveaux tours.

Ainsi de mes plaisirs d'Automne
Je me remets l'enchantement,
Et, de la tardive Pomone
Rappelant le règne charmant,
Je me redis incessamment :
Dans ces solitudes riantes
Quand me verrai-je de retour?
Courez, volez, heures trop lentes,
Qui retardez cet heureux jour.

La Chartreuse.

LE FRANC DE POMPIGNAN

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LE FRANC (Jean-Jacques, marquis DE POMPIGNAN), de l'Académie française, naquit à Montauban en 1709, d'une famille distinguée dans la magistrature, et mourut en 1784. Ses sentiments religieux lui attirèrent la haine des philosophes, et surtout de Voltaire, qui ne cessa de l'accabler d'outrages. Le Franc est un poëte de l'école de J.-B. Rousseau. On ne parle plus guère de sa tragédie de Didon, imitation assez supportable d'une magnifique tragédie de Métastase. Ses Odes sacrées, en dépit du mot cruel de Voltaire (1) et de leur emphase prosaïque, ont en quelques endroits de l'éclat et une certaine magnificence de versification. Son meilleur ouvrage est l'ode sur la mort de son maître, J.-B. Rousseau.

L'UNIVERS FONDÉ PAR LA PUISSANCE DIVINE
ODE IMITÉE DU PSAUME 103

Inspire-moi de saints cantiques,
Mon âme, bénis le Seigneur.
Quels concerts assez magnifiques,
Quels hymnes lui rendront honneur ?
L'éclat pompeux de ses ouvrages,
Depuis la naissance des âges,
Fait l'étonnement des mortels :
Les feux célestes le couronnent,
Et les flammes qui l'environnent,
Sont ses vêtements éternels.

Ainsi qu'un pavillon tissu d'or et de soie,
Le vaste azur des cieux sous sa main se déploie ;

(1) Sacrés ils sont (ses vers), car personne n'y touche.

Il peuple leurs déserts d'astres étincelants:
Les eaux autour de lui demeurent suspendues;
Il foule aux pieds les nues,

Il marche sur les vents.

Fait-il entendre sa parole,
Les cieux croulent, la mer gémit,
La foudre part, l'aquilon vole,
La terre en silence frémit.
Du seuil des portes éternelles,
Des légions d'esprits fidèles
A sa voix s'élancent dans l'air;
Un zèle dévorant les guide,
Et leur essor est plus rapide
Que le feu brûlant de l'éclair.

Il remplit du chaos les abîmes funèbres,

Il affermit la terre et chassa les ténèbres.

Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts;
Mais au bruit de sa voix les ondes se troublèrent,
Et soudain s'écoulèrent

Dans des gouffres profonds.

Les bornes qu'il leur a prescrites
Sauront toujours les resserrer;
Son doigt a tracé les limites
Où leur fureur doit expirer.
La mer, dans l'excès de sa rage,
Se roule en vain sur le rivage
Qu'elle épouvante de son bruit:
Un grain de sable la divise;
L'onde écume, le flot se brise,
Reconnaît son maître, et s'enfuit.

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