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Dieu donc se connaît. et se comprend tout entier. Mais la connaissance engendre l'amour : en se connaissant, il s'aime nécessairement. De même que Dieu ne peut pas ne pas se connaitre, de même aussi il lui est impossible de ne pas s'aimer : il est la bonté absolue, la perfection souveraine, et il aime nécessairement ce qui est bon, ce qui est parfait (1). Dieu doit s'aimer d'un amour proportionné à sa perfection, par conséquent d'un amour infini. Rappelons ici que Dieu, en tant qu'il s'aime lui-même d'un amour nécessaire et essentiel, nous apparait coinme le Bien en soi, comme la sainteté absolue. ,

Il est inutile de s'étendre davantage sur ce premier point; il n'est contesté de personne. Nous abordons aussitôt le deuxième article.

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Articles II. Dieu en tant qu'il conçoit comme possibles des etres distincts

de lui-même.

En se connaissant, en contemplant son essence infinie, Dieu la connait en même temps en tant qu'elle est imitable, en tant que les perfections qu'elle renferme peuvent être imitées , représentées à une infinité de degrés divers. En effet, « Dieu,

, comme s'exprime S. Thomas, connait parfaitement son essence; il la connaît donc de toutes les manières dont elle peut être connue. Or elle peut être connue non-seulement en tant qu'elle est en soi, mais encore en tant qu'elle est participable par des créatures par quelque manière de ressemblance (2). » Ce second côté de la connaissance divine est donc aussi nécessaire que le premier. Par là même que Dieu se connaît parfaitement, il

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ipsum sicut perfecte cognoscibilis est... Tanta est virtus Dei in cognoscendo, quanta est actualitas ejus in existendo... Unde manifestum est quod tantum se ipsum cognoscit quantum cognoscibilis est; et propter hoc se ipsum perfecte comprehendit. » Summa theol. p. 1,9. XIV, art. 3.

(1) « Objectum divinæ voluntatis est bonitas sua, quæ est ejus essentia. » S. Thom. Sum. theol. loc. cit. q. x1x, art. 1, ad Jum.

(2) « Ipse (Deus) essentiam suam perfecte cognoscit; unde cognoscit eam secundum omnem modum quo cognoscibilis est. Potest autem coguosci non solum secundum quod in se est, sed secundum quod est participabilis secundum aliquem modum similitudinis a creaturis. » Sum. theol., p. 1, 9. Xy, a. 2.

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connaît l'imitabilité de sa nature; il voit ses infinies perfections comme pouvant être imitées, représentées, réfléchies selon une infinité de combinaisons diverses. Eh bien, cette vue de Dieu, par laquelle il conçoit ses perfections comme imitables de telle ou telle manière, suivant tel ou tel ordre, telle ou telle combinaison, c'est ce qui constitue les idées des choses, les possibles, ou encore ce que l'on appelle les essences métaphysiques des choses (1).

Entrons dans quelques détails. Dieu voit en lui l'ètre, la substantialité, la vie, l'activité, la causalité, l'intelligence, la volonté... ; il voit en même temps l'ordre, la beauté, l'harmonie... : voilà autant de perfections qui peuvent être imitées, participées à des degrés divers et sous une infinité de formes. Dieu , qui se connait parfaitement, voit nécessairement cette imitabilité de ces diverses perfections que comprend la simplicité de sa nature. C'est de cette imitabilité ainsi aperçue par Dieu que naissent les essences idéales des êtres finis ou les possibles. La conception des possibles est donc inséparable de la connaissance que Dieu a de sa propre nature; il ne peut pas ne pas les concevoir.

Nous touchons ici à une question du plus haut intérêt pour la morale; il importe de la définir avec la plus grande précision. Cette question peut se formuler ainsi : les essences métaphysiques des choses sont-elles absolument nécessaires, et ne dépendent-elles nullement de la libre détermination de Dieu ? D'abord il est certain qu'il y a quelque chose de nécessaire dans les essences métaphysiques des êtres. De même qu'il ne dépend point de la libre volonté de Dieu qu'il se connaisse ou qu'il ne se connaisse pas, de même il ne lui est point libre de connaître ou non l'imitabilité de ses perfections. Il conçoit donc nécessairement des êtres comme possibles, en tant qu'i

(1) « Idea, dit S. Thomas, non nominat divinam essentiam , in quantum est essentia , sed in quantum est similitudo, vel ratio hujus vel illius rei. » Loc. cit. ad lum - Il dit encore : « Upaquæque autem creatura habet propriam speciem , secundum quod aliquo modo participat divinæ essepliæ similitudinem. Sic igitur in quantum Deus cognoscit suam essentiam ut sic imitabilem a tali creatura, cognoscit eam ut propriam rationem et iDEAM hujus creaturæ : et similiter de aliis, » Ibid. o.

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mages de ses propres perfections. En concevant ces étres, il conçoit en même temps et avec une égale nécessité des rapports inhérents à leur nature, il pense pour ces êtres divers une destinée, une fin et des moyens de l'atteindre. Toutes ces conceptions dérivent logiquement de la connaissance seule que Dieu a de lui-même, Dieu n'est point libre de ne pas les former, et il lui est tout aussi impossible de les changer qu'il lui est impossible de changer sa propre nature, dont elles ne sont que le reflet. Voilà ce qui, dans les essences idéales des êtres, est nécessaire comme Dieu lui-même.

Dieu ne peut être libre que dans la détermination particulière de tel ou tel ordre de choses, dans la combinaison, l'arrangement spécial des idées diverses qui réfléchissent ses infinies perfections : ces idées sont nécessaires , leur combinaison seule peut être libre. Dieu les combine suivant les lois de sa sagesse et détermine ainsi librement le plan du monde qu'il veut réaliser.

Concluons donc que ce que l'on pourrait appeler le fond idéal des êtres est nécessaire et immuable en Dieu; il faut en dire autant des rapports qui en dérivent immédiatement. Cela nous suffit pour l'intelligence des principes de la morale.

Jusqu'ici nous n'avons considéré dans la formation des possibles que l'entendement divin; nous n'avons pas encore vu quels rapports ils ont avec la volonté absolue, et c'est elle cependant qui doit devenir le fondement de tout l'ordre moral. Comment donc la volonté absolue de Dieu entre-t-elle en rapport avec les êtres conçus, comme possibles ? Cette question n'est pas difficile à résoudre. Dieu , en se connaissant , s'aime on se veut nécessairement; en concevant les possibles, il les aime ou les veut avec la même nécessité en tant que possibles, car il aime nécessairement sa nature et ses perfections; or ces possibles ne sont que le refiet , l'image de sa nature et de ses perfections. Voilà comment la volonté divine s’unit aux possiHles conçus par l'intelligence.

Que résulte-t-il de cette union ? La volonté divine étant le Bon en soi, tout ce qui est uni à elle, tout ce qu'elle aime participe nécessairement de sa bonté; et ainsi les possibles , en tant qu'aimés ou voulus de Dieu, nous apparaissent comme

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bons. Aussi longtemps que nous les avons considérés comme l'ouvre de la seule intelligence divine, ils ne pouvaient pas encore porter le nom de bons; ils ne se révélaient à notre esprit que comme vrais; car le vrai dérive de l'intelligence, et le bien de la volonté. Désormais les possibles se montrent à nos yeux comme vrais et bons tout ensemble, parce qu'ils sont à la fois l'expression de l'intelligence et de la volonté divines.

Ces considérations sont générales et conviennent aux myriades de mondes que Dieu conçoit comme possibles. En les appliquant aux possibles que Dieu a réalisés par la création, au modèle idéal du monde actuel, nous dirons que ce monde , en tant que conçu et aimé de toute éternité par Dieu , est vrai et bon tout ensemble, parce qu'il participe de la vérité et de la bonté absolues qui s'identifient avec l'intelligence et la volonté divines.

Tels sont les principaux points qu'il faut bien comprendre pour saisir la génération éternelle de la loi morale. Les essences métaphysiques des choses sont, dans leur principe constitutif, nécessaires et immuables comme Dieu ; il en est de même des rapports inhérents à leur nature. Elles nous apparaissent comme vraies et bonnes en tant que conçues et aimées par l'intelligence et la volonté de Dieu. Quant à la combinaison, à la disposition libre que Dieu fait des essences et de leurs rapports pour en former le plan du monde qu'il veut créer, cette disposition est vraie et bonne aussi, parce qu'elle est conçue et voulue par Dieu comme conforme à sa propre nature. De cette manière le plan tout entier du monde , considéré au sein de Dieu avant la création, se montre à nos yeux comme vrai et bon. Voyons-le maintenant dans sa réalisation.

Article III. Dieu réalisant par la création le plan du monde. Supposez que les êtres, conçus comme possibles, soient appelés à l'existence, qu'ils soient réalisés, ils demeureront vrais et bons, car ils seront de tout point conformes à l'intelligence et à la volonté divines, au vrai et au bon absolus. Le monde, en effet, au moment de sa création, correspond fidèlement au

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plan idéal conçu par Dieu, il en est l'expression exacte, parfaite. C'est pour cela que, le jour de leur création, les êtres reçoivent dans l'Écriture sainte l'épithète de bons : « Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très-bonnes (1). » Les êtres créés resteront vrais et bons aussi longtemps qu'ils demeureront conformes au plan divin.

Le monde réalisé comprend deux grandes classes d'êtres : les uns intelligents et libres, les autres dépourvus de raison et de liberté. Ceux-ci ne peuvent par eux-mêmes s'écarter du plan divin, ils accomplissent fatalement et en aveugles les lois de leur nature; ceux-là au contraire peuvent dévier du plan divin, ils connaissent les lois de leur nature et peuvent les accomplir ou les transgresser à leur choix. Il est inutile de faire observer que les créatures, étant le fait de Dieu, tenant de Dieu tout ce qu'elles sont, se trouvent dans une dépendance complète vis-à-vis de lui, et sont tenues par conséquent de se conformer en tout à l'ordre qu'il leur trace. En vertu de la création , Dieu est investi d'un droit absolu et illimité sur les ètres finis. C'est là une vérité que nul philosophe de quelque valeur ne contestera.

Examinons de plus près la position de l'homme vis-à-vis de Dieu. Et pour procéder avec ordre, rappelons d'abord les grands principes. Doué d'intelligence et de volonté, l'homme a pour règle le vrai et le bien. Mais quel est le domaine du vrai et du bien, et quel caractère le vrai et le bien prennent-ils en s'imposant à l'intelligence et à la volonté de l'homme comme leur règle suprême ? Voilà ce qu'il nous faut définir brièvement.

Le vrai, nous l'avons dit précédemment, c'est l'intelligence divine, et le monde n'est vrai qu'en tant qu'il est conforme à cette intelligence. Donc cela seul est vrai qui est conforme à la pensée divine, envisagée sous ses différents aspects. Dès que l'intelligence humaine dévie de là, elle tombe dans le faux, dans l'erreur, dans le mensonge. Dieu fait sans cesse retentir à l'oreille de l'intelligence créée cette voix souveraine : pense ce que je pense et ta pensée sera vraie, elle ne peut l'être qu'à ce

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(1) « Vidit Deus cuncta quæ fecerat, et erant valde hona. Gen. I, 31.

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