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prix. Si la raison créée ne suit pas avec la plus rigoureuse fidélité la raison divine, si dans ses conceptions et ses jugements elle ne réfléchit pas exactement les conceptions et les jugements de la raison suprême, elle est dans l'erreur; et par conséquent elle agit contre sa loi, contre sa nature; elle trouble, elle renverse, dans la sphère où s'exerce son action, l'ordre de la nature.

Tel est le domaine du vrai, tel est l'ordre de l'intelligence bumaine. Le domaine du bien est le même au fond; seulement il se présente sous un aspect différent.

Le Bien en soi c'est Dieu s'aimant lui-même, c'est la volonté absolue de Dieu. Les étres créés, ainsi que leurs rapports, sont bons en tant qu'ils sont conformes à cette volonté; tout ce que Dieu détermine lui-même librement est bon, en tant que conforme à sa volonté absolue. C'est là toute l'étendue du domaine du bien; hors de là le bien n'existe pas. La volonté créée doit donc, pour être dans le bien, se conformer rigoureusement au plan divin, elle doit observer, maintenir les rapports que Dieu a établis entre les êtres, elle doit répéter en quelque sorte par sa libre détermination l'ouvre divine, faire ce que Dieu fait, vouloir tout ce qu'il veut. Toutes les fois qu'elle s'éloigne de cet ordre, elle s'écarte du bien, elle fait mal.

Mais comment le Bien, dont nous venons de définir le domaine, revêt-il le caractère de loi morale, en s'adressant à la volonté, et quelle différence y a-t-il, sous ce rapport, entre la loi de l'intelligence et celle de la volonté ? Dieu, en se posant devant l'intelligence comme règle et mesure du vrai, ne lui donne pas un commandement, un précepte proprement dit, parce que l'intelligence, prise en soi et séparée de la volonté, n'est point libre; comme l'ail, elle voit nécessairement ce qui lui est présenté, elle ne peut pas ne pas le voir : elle n'est donc point susceptible de commandement véritable. Mais lorsque nous considérons Dieu en rapport avec la volonté , la scène change d'aspect. Ici il revêt un caractère nouveau, il prend un ton véritablement impératif, il ordonne, il commande dans le sens propre du mot. En se révélant à la volonté comme le Bien absolu, il lui prescrit de s'y conformer, lui promettant en même temps de la récompenser , si elle obéit, la menaçant

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de la punir, si elle n'obéit point. Dieu fait entendre à la volonté humaine cette voix dont l'autorité la saisit : « le bien c'est moi, ce sont les rapports que j'ai établis dans l'ordre des êtres. Conforme-toi donc à moi, veux ce que je veux, respecte et maintiens l'ordre conçu , voulu et établi par moi; tu dois obéir à ma voix, je te l'ordonne; si tu enfreins ce précepte, tes volitions, tes actes cessent d'être bons, et toute transgression sera punie. »

Voilà les traits sous lesquels le Bien absolu se montre à la volonté libre. Et cette voix, nous l'entendons chaque jour dans le sanctuaire de la conscience, comme chacun peut le remiarquer, pour peu qu'il veuille rentrer en lui-même.

Or le Bien , en s'imposant ainsi à la volonté, prend le nom de loi morale. Il revêt le caractère d'une loi qui sera le modèle et le type suprême de toute loi s'adressant à la volonté de J'homme : une loi méritera plus ou moins de porter ce titre auguste, à mesure qu'elle approchera plus ou moins de ce modèle. Cette loi première se révèle à nous comme un précepte juste (la justice par essence), général et permanent, qui oblige toute volonté créée, sous la sanction de peines et de récompenses. Ce sont là les traits généraux qu'elle présente , à l'envisager d'une manière abstraite. Que si nous la considérons dans sa réalité concrète, nous pourrons la définir : Le Bien se posant en face de la volonté créée, lui commandant avec une autorité souveraine de se conformer à lui, et réclamant de sa part une obéissance entière.

ri!. .: Cette loi se nomme morale, l" parce que, à la différence des lois du monde physique ou mème purement intellectuel, elle s'observe librement; 2. parce qu'elle a pour objet de régler les meurs, si l'on prend ce mot dans son acception la plus large, comme désignant les actes qui émanent de la volonté. !-.;;.

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Remarque. Ce que nous avons établi dans ce paragraphe et dans celui qui précède, prouve à la fois l'existence de la loi morale et la manière dont elle existe. ;

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S III. De la nature et des caractères de la loi morale.

Nous venons de voir en quoi consiste la loi morale et comment elle s'engendre; mais il ne suffit pas d'en avoir une notion générale, nous devons en étudier plus profondément la nature et les caractères principaux. Nous allons donc, dans ce paragraphe, reprendre et analyser avec quelque détail les points les plus importants qui découlent de ce que nous avons établi.

Article 1. La loi morale est propre à l'homme et conforme à sa nature.

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La loi morale étant, comme nous l'avons vu, un commandement, un ordre, un précepte, elle ne peut s'adresser qu'à un etre intelligent et libre: les êtres privés de raison ne sont point susceptibles de commandement. Il est vrai que les êtres privés de raison, animés ou inanimés, organiques ou inorganiques, sont soumis à une règle, à l'ordre général du monde, à un ensemble de rapports nécessaires; mais, à défaut de liberté, ils accomplissent fatalement leur destinée, et les lois qui les régissent ne sont point des lois morales.

La loi morale est conforme à la nature de l'homme, car elle est le précepte qui ordonne le maintien des rapports inhérents à cette nature.

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Article II. La loi est: objective, distincte et indépendante de l'esprit

humain.

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En effet elle s'identifie avec le Bien absolu; or le Bien est nécessaire, immuable, éternel ; donc il ne peut se confondre

' avec l'esprit humain, qui est contingent, créé, variable. Par conséquent, tout système de morale qui identifie la loi avec l'esprit humain est nécessairement faux: La plupart des philosophes contemporains, comme nous le verrons plus tard, sont tombés dans cette erreur.

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Nous ne voulons pas seulement dire par là que le Bien en soi est nécessaire, mais qu'il existe nécessairement comme loi

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morale, comme précepte qui lie toute volonté créée. Toute la question est donc de savoir si le Bien pourrait ne pas être la règle invariable de la volonté créée. Cette question a déjà élé résolue par les principes que nous avons précédemment établis, nous ne voulons ici que rappeler et faire ressortir le résultat de nos recherches antérieures.

Dieu, qui conçoit nécessairement des êtres comme possibles, conçoit aussi nécessairement des rapports inhérents à leur nature; il aime ou veut avec une égale nécessité et ces êtres et leurs rapports naturels. Par conséquent, lorsqu'il crée une volonté libre, il lui prescrit nécessairement le maintien de ces rapports. S'il pouvait en être autrement, Dieu se nierait luimême; car, d'un côté, il voudrait nécessairement ces rapports, tandis que, de l'autre, il pourrait ne point les vouloir, puisqu'il pourrait ne pas en vouloir le maintien.

Donc il y a des choses qui sont nécessairement bonnes; leur bonté morale ne dépend point de la libre détermination de Dieu. – La volonté créée est nécessairement obligée de se conformer à ces choses; cette conformité est bonne par soi, tandis que toute opposition est radicalement mauvaise.

Article IV. La loi morale est immuable.

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L'immutabilité de la loi découle logiquement de sa nécessité. Il y a, avons-nous dit, un ordre nécessaire fondé sur l'essence de Dieu, et dont les rapports naturels des êtres sont l'expression immédiate.

Ces rapports, dont la loi commande le maintien, ne peuvent pas ne pas être tels; donc ils ne peuvent pas non plus cesser d'être tels : ce qui est nécessaire aujourd'hui le sera toujours. Or ces rapports ne changeant point, il est impossible que la loi qui les exprime et en prescrit l'accomplissement change elle-même.

Corollaires. 4° La loi morale ne peut pas être abrogée ni cesser de quelque manière. 2° Dieu lui-même ne peut en dispenser dans aucun cas, en faisant que ce qui est mal comme contraire à la loi cesse d'être mal.

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Remarque. On distingue deux sortes de changements par rapport à la loi : l'un s'appelle changement intrinsèque ou absolu, l'autre extrinsèque ou relatif. La loi subirait un changement intrinsèque et absolu si, son objet demeurant le même, l'obligation qu'elle engendre cessait de quelque manière : par exemple, si le blasphème, tout en demeurent tel, cessait d'être défendu par la loi. La loi, au contraire, est dite changer extrinsèquement et relativement lorsque, dans un cas particulier, les choses qui tombaient sous son empire ont subi un changement qui les place à son égard dans d'autres rapports. Le changement intrinsèque seul tombe sur la loi, et par conséquent c'est de lui seulement qu'il est question quand on dit qu'elle ne peut subir aucun changement.

Article V. La loi morale est universelle.

On peut distinguer ici une triple universalité : 1° l'universalité de lieu ; 2° l'universalité de temps ; 3° l'universalité par rapport aux actions que la loi gouverne.

1° La loi a l'universalité de lieu. Elle oblige toute volonté humaine où qu'elle soit; l'homme qui vit au fond des déserts de l'Afrique y est soumis comme le Belge. La raison en est que la loi repose sur des rapports nécessaires et immuables; or ce qui est nécessaire garde partout ce caractère. Les philosophes qui mesurent le bien et le mal d'après les climats méconnaissent la nature de la loi morale.

2° La loi morale est de tous les temps. Elle obligeait il y a vingt siècles comme elle oblige aujourd'hui; elle n'est point soumise aux révolutions du temps. Les mêmes raisons qui garantissent à la loi l'universalité de lieu lui assurent l'universalité de temps (1).

3o La loi morale s'étend à tous les actes libres, en ce sens

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(1) Cicéron a fort bien dit en exprimant cette double universalité ; « Nec erit alia lex Romæ, alia Athenis, alia nunc, alia posthac, sed omnes gentes et omni tempore una lex sempiterna et immortalis, continebit, unusque erit communis quasi magister et imperator omnium Deus, legis hujus inventor, disceptator, lator, cui qui non rebit, ipse fugiel, et naturam hominis aspernabitur. - Ap. Lactant. Div. Instit. lib.si, c. 8.

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