Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[ocr errors]

:

Or cette règle c'est le Bien ou le Bon. Le Bien , voilà donc, en principe, le véritable objet de la morale. Ce point ne tardera pas à être éclairci.

Le Bien en soi, nous le prouverons plus loin, est quelque chose d'absolu, de nécessaire, d'immuable, d'éternel; par conséquent, il n'est point distinct de Dieu même. C'est pour cette raison que la morale peut revendiquer une place parmi les sciences philosophiques : l'objet dont elle s'occupe rentre entièrement dans le cadre des idées philosophiques. Qu'est-ce en effet qui constitue l'objet de la philosophie proprement dite, sinon les idées universelles, nécessaires, absolues, immuables et éternelles ? Sans doute la philosophie ne se borne point à l'étude des idées absolues considérées en elles-mêmes, elle les étudie aussi dans leurs rapports avec les choses et les idées relatives, avec l'homme, avec le monde, avec la création tout entière; mais alors même que le philosophe descend à l'étude des choses relatives et contingentes, ce sont encore ces idées absolues et nécessaires qui doivent dominer toutes ses investigations, elles doivent être tout ensemble le point de départ, le centre et le terme de ses recherches.

Une vérité importante ressort de ces observations. Les idées nécessaires et absolues n'étant autre chose que l'idée divine elle-même envisagée sous différents aspects, il s'ensuit que toutes les parties de la philosophie se rattachent à Dieu de la façon la plus étroite : Dieu est, en rigueur de termes, le commencement, le milieu et la fin de toutes les branches philosophiques; et une philosophie qui ne part pas de Dieu et ne ramène pas tout à Dieu est nécessairement une philosophie manquée.

A ce point de vue, qui est le seul vrai, la morale, telle qu'elle est traitée par un assez grand nombre d'auteurs, ne mérite guère, il faut le dire, de figurer au rang des sciences philosophiques; séparée de Dieu et détachée par là du centre des idées absolues , elle en est réduite à se traîner péniblement dans l'humble sphère des sciences empiriques, impuissante à résoudre d'une manière complète aucun des grands problèmes de l'ordre moral.

Comme nous l'avons dit, la morale a donc pour objet l'étude

[ocr errors]

du Bien. Mais elle ne s'arrête pas à l'étude du Bien considéré

à en soi, elle l'étudie dans ses rapports avec la volonté créée, en tant qu'il est la règle ou la loi de cette volonté. C'est le Bon qui est la règle suprême de la volonté humaine. En se conformant à cette règle, l'homme se perfectionne, il devient bon lui-même et marche sûrement au terme de sa destinée ou à la possession complète du Bon, laquelle constitue le souverain bonheur. L'homme, au contraire, s'écarte-t-il du Bon, il se détériore, devient mauvais, s'éloigne de sa fin et se précipite dans le malheur suprême, dont la racine est la privation même du Bon ou de Dieu. Le Bon possédé ou perdu librement, voilà ce qui constitue le souverain bonheur ou le malheur suprême de l'homme. C'est ainsi que le Bien, considéré dans ses relations diverses avec la volonté, forme l'objet total de la morale.

S II. Du but de la philosophie morale.

[ocr errors]

Il y a deux erreurs à éviter dans la détermination du but de la philosophie morale. La première erreur consiste à confondre le but de cette science avec celui de la religion; la seconde est celle où tombe le rationalisme en assignant pour but à la philosophie morale la découverte des règles et des préceptes de l'ordre moral. Nous commencerons par dire un mot de ces deux erreurs.

1. Il est manifeste que le but prochain de la philosophie morale ne saurait être, comme celui de la religion, un but pratique; elle ne peut pas avoir pour but de régler les meurs de l'homme, de le diriger dans sa vie pratique; car elle est une science, et le but de toute science est nécessairement théorique, spéculatif : la science s'adresse à l'intelligence et non à la volonté. L'erreur que nous signalons se rencontre dans beaucoup de traités de philosophie morale. Elle provient souvent de ce que des auteurs, d'ailleurs recommandables, ne s'attachent pas assez à préciser avec rigueur l'objet de la branche dont ils traitent.

Plusieurs écrivains ont pu s'égarer sur ce point en voulant honda ate tracre par Socrate, qui est regardé comme le rivaleur des sciences morales chez les Grecs. En philoso24 uraie, l'illustre sage d'Athènes poursuit avant tout un Duis peadque, parce que dans son esprit la vraie philosophie

vanud avec la vraie religion. Dans la société païenne on ne rencontre point d'enseignement religieux convenablement organise, et destiné à régler les meurs, à former la conduite pratique de l'homme; la philosophie sérieuse s'efforçait de suppleer à cette lacune, et de là ses tendances pratiques. Mais aujourd'hui tout est changé. Au sein de nos sociétés chrétiennes, la religion s'attache à enseigner aux hommes les lois et les préceptes qui doivent les diriger dans leur conduite; elle s'occupe principalement à former le côté moral et pratique de la vie humaine. Il ne faut donc plus que la philosophie veuille prendre la place de la religion : elles ont un but distinct; et si d'un côté il n'est pas permis de les séparer, de l'autre, il ne saurait être permis non plus de les confondre.

Faisons remarquer en passant que quand nous distinguons le but de la philosophie morale de celui de la religion, nous ne parlons que du but prochain, direct, immédiat; car le but suprême de toute science doit toujours être le perfectionnement moral de l'homme.

2. La seconde erreur que nous avons signalée au début de ce paragraphe est propre aux rationalistes. Elle a sa source dans les principes mêmes du rationalisme. En effet, le dogme fondamental du rationalisme consiste à prétendre que la raison humaine peut et doit découvrir par elle-même toute vérité, et surtout les vérités de l'ordre moral et religieux; elle ne peut pas les recevoir d'un enseignement extérieur, elle ne doit se fier qu'à elle-même, à ses propres lumières, et n'accepter que le résultat de ses propres investigations. Tel est le fondement du rationalisme rigoureux. L'erreur que nous avons signalée n'est que l'application de ce principe à la morale. Tout rationaliste conséquent qui aborde l'étude de la morale doit se proposer pour but de découvrir par lui-même les règles et les préceptes moraux, les grandes vérités de l'ordre moral; tout ce qu'il en connait déjà, il doit l'effacer de son esprit et le reléguer au rang des fables.

Ce n'est pas ici le lieu de réfuter cette erreur ex professo. Nous nous contenterons de faire observer que la philosophie, en général, ne saurait avoir pour but de découvrir les grandes vérités de l'ordre moral et religieux; ces vérités sont données à l'homme avant qu'il soit philosophe, et la philosophie n'est point appelée à détruire læuvre de la nature ou de la religion, elle doit seulement l'expliquer et la développer.

Pour nous, nous ne connaissons point d'autre morale que la morale chrétienne, et nous croirions manquer non-seulement à la religion, mais encore à la philosophie, si nous commencions par mettre en doute la vérité des règles et des préceptes moraux qui nous sont donnés dans l'enseignement chrétien.

3. Après avoir dit quel ne peut être le but de la philosophie morale, il nous reste à dire quel il est en réalité.

Cette branche de la philosophie a pour but d'acquérir la science de l'ordre moral; elle doit chercher à exposer la vraie théorie des rapports qui le constituent et réfuter en même temps les systèmes erronés que l'on oppose à cette théorie. Tel est, selon nous, le véritable but de la philosophie morale. Elle doit donc rechercher le principe suprême qui domine tout l'ordre moral, classer méthodiquement les idées particulières dont cet ordre se compose, et montrer comment toutes ces idées se rattachent au principe suprême. C'est à cette condition seule qu'elle atteindra son but, parce que c'est à ce prix seulement qu'elle sera une véritable science.

4. L'objet et le but de la morale étant ainsi déterminés, il nous est facile maintenant de la définir d'une manière exacte et précise. Elle est la science de l'ordre moral. Et comme cet ordre a pour principe suprême le Bien considéré dans ses rapports avec la volonté ou le libre arbitre créé, nous aurons une définition vraiment philosophique en disant que la morale est la science du Bien gouvernant le libre arbitre créé et le conduisant à sa fin ou au bonheur.

La plupart des définitions que l'on rencontre dans les traités de morale pèchent ou parce qu'elles ne mettent pas assez en relief l'idée du Bien, qui est l'idée fondamentale, ou parce qu'elles présentent la philosophie morale sous un aspect trop pratique.

[ocr errors]

7

S III. Du fondement de la philosophie morale. On entend, en général , par fondement d'une science ces vérités-principes sans lesquelles l'objet de cette science ne peut subsister. Ainsi, sous le nom de fondement de la morale, on veut désigner ces vérités sans lesquelles le Bien ne pourrait gouverner la volonté créée, ou, en d'autres termes, sans lesquelles les notions de loi morale et de devoir ne sauraient se concevoir.

Ces vérités sont: d'un côté, l'existence d'un Dieu personnel, qui ait librement créé le monde et qui le gouverne par sa providence, et, de l'autre côté, en ce qui concerne l'homme : la liberté, la personnalité et l'immortalité de l'âme.

Il n'est point difficile de comprendre que la négation de l'une ou l'autre de ces vérités entraine la ruine complète de l'ordre moral.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

S IV. Du rapport de la morale avec les autres branches

de la philosophie.

[ocr errors]

Pour déterminer ce rapport, il suffit de considérer attentivement l'objet de la morale et de le comparer avec l'objet des autres branches de la philosophie. L'objet de la morale est, comme nous l'avons vu, le Bien gouvernant la volonté créée. Il y a donc deux termes à envisager : d'un côté le Bien , qui s'identifie avec Dieu, et de l'autre la volonté créée ou la volonté de l'homme. On aperçoit dès-lors que la morale sera étroitement liée à la branche de la philosophie qui traite de Dieu, et à celle qui s'occupe de l'esprit humain et de ses différentes facultés. Or ces deux branches sont : la première, la métaphysique, la seconde, la psychologie (1).

L'objet principal de la métaphysique c'est Dieu avec les idées nécessaires et absolues qui subsistent dans son entende

(1) Nous ne trailous pas en particulier du rapport de la morale avec la 10gique, parce que celle-ci, ayant pour objet l'exposition des lois générales de la pensée et de la connaissance, a par là même un rapport évident'avec loules les branches de la philosophie.

« ZurückWeiter »