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La connaissance proprement dite ne s'engendre que par la réflexion. Le caractère général de la réflexion c'est l'attention: réfléchir, c'est remarquer, considérer attentivement ce qu'on fait. Par cet acte l'esprit définit, distingue et fixe l'objet de sa pensée. Dans la première perception, l'intelligence semble plutôt passive qu'active; la vérité parait seule agir sur elle. Par la réflexion l'intelligence réagit sur la vérité; elle repense par elle-même ce qui d'abord s'était offert à sa pensée, indépendamment d'elle et à son insu. Elle acquiert ainsi la connaissance des choses que jusque-là elle voyait sans les regarder, elle les perçoit avec conscience, elle les voit en se rendant compte de cette vue; et si imparfaite que soit encore la réflexion, l'intelligence pourtant sait qu'elle voit; ce qui suffit, mais aussi ce qui est nécessaire pour la connaissance. La connaissance est toujours en raison directe de la réflexion : celle-là est d'autant plus claire, plus distincte, plus parfaite, que celle-ci est elle-même plus forte, plus pure, mieux dirigée.

Or l'esprit humain, dans l'ordre des vérités morales, ne peut passer originellement de la perception primitive à la réflexion sans le secours de l'enseignement. Il a besoin d'une excitation extérieure et intellectuelle qui éveille son attention, la dirige et lui fasse remarquer les vérités qui sont sous ses yeux, mais qu'il ne regardait point. Le but de l'enseignement est donc d'avertir l'esprit de la présence des vérités morales, de les lui montrer, de diriger sur elles son attention, et par là de les lui faire apercevoir d'une manière distincte, nette, précise. L'enseignement ne donne point les vérités, il les montre. C'est en ce sens que S. Augustin a dit avec beaucoup de raison qu'un homme qui instruit un autre homme ne remplit à son égard que la fonction de moniteur (1).

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(1) « Verba admonent tantum ut quæramus res, non exhibent ut noverimus. » De magistro, c. 11. - « De universis autem quæ intelligimus, non loquentem qui personat foris, sed intus ipsi menti præsidentem consulimus veritatem, verbis fortasse ut consulamus admoniti. » Ibid. « La doctrine externe, dit aussi Leibniz, ne fait qu'exciter ici ce qui est en nous. » Nouveaux Essais, liv. I, chap. I.

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Ces considérations suffisent pour faire comprendre que de l'innéité de la loi morale on aurait tort de conclure que tous les hommes la connaissent nécessairement. D'un autre côté, comme il y a entre la loi et l'intelligence humaine une affinité profonde, il s'ensuit que l'homme doit la connaitre avec la plus grande facilité. Il suffit qu'elle lui soit montrée par l'enseignement, pour qu'il la distingue et la connaisse, du moins dans ses premiers principes. Je dis : dans ses premiers principes; car il y a une grande distinction à établir pour la facilité de la connaissance entre les premiers principes et les principes secondaires ou l'application des principes, en général; pour saisir les premiers principes, il suffit que l'attention de l'esprit soit éveillée et appelée sur eux, tandis que pour connaitre les principes secondaires ou pour appliquer les principes en général à des cas particuliers, il faut un plus grand degré de réflexion et en même temps une réflexion bien dirigée.

D'après cela, il est permis d'affirmer a priori que les premiers principes de la morale sont connus de tous les peuples du monde, parce que partout il y a nécessairement quelque enseignement social, si imparfait qu'on le suppose. Aussi chez tous les peuples on trouve la croyance à une règle qui prescrit certaines choses et en défend d'autres. On ne saurait en dire autant des principes secondaires ou de l'application des principes à des cas particuliers.

§ II. Des affections.

Nous exposerons brièvement dans ce paragraphe : 1° la nature de l'affection en général, 2° ses rapports avec la loi morale; puis zo nous dirons un mot des fausses doctrines sur ce point.

I.

L'âme est douée d'une activité radicale; elle est elle-même une force active, toujours agissante; de cette activité radicale naissent les différentes puissances ou facultés de l'àme. Ainsi, comme force sensible, elle produit la sensibilité; comme force cognoscitive, elle produit l'intuition et la réflexion ; et enfin comme force volitive, elle engendre l'affection et l'arbitre (1). Nous prenons ici l'affection dans le sens strict du mot. Car on peut distinguer deux sortes d'affection, celle qui est aveugle et celle qui est accompagnée d'une certaine connaissance. L'affection aveugle, que l'on nomme plus proprement instinct, est un mouvement de la puissance sensible ; ce mouvement tend vers un objet inconnu. L'affection, prise dans l'acception propre de ce mot, est un mouvement précédé et accompagné de connaissance, du moins dans le sens large de cette expression ; il n'y a point d'affection sans quelque perception : ignoti nulla cupido, bien qu'il ne soit pas nécessaire que cette perception soit réfléchie. On pourrait définir l'affection proprement dite, un mouvement de la force volitive vers un objet perçu par l'intelligence.

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II.

L'affection, considérée en soi, est dépourvue de liberté, en sorte

que la loi morale ne l'atteint point directement et immédiatement. Mais en tant qu'elle est sous la direction du libre arbitre, elle a une liberté participée et tombe ainsi sous l'empire de la loi morale, elle devient susceptible d'imputation morale. Dès lors l'affection peut être moralement bonne ou mauvaise, louable ou blåmable, selon qu'elle est ou non conforme aux prescriptions de la loi. C'est un devoir pour l'homme de gouverner ses affections d'une manière conforme aux préceptes de la morale.

Les affections peuvent aider puissamment l'arbitre dans la réalisation du bien; elles l'excitent et le soutiennent en lui communiquant une certaine vivacité et parfois une sorte d'exaltation qu'il ne trouverait point en lui-même, et qui rendent la pratique du bien facile, douce, agréable. Mais lorsque les affections se portent vers le mal, lorsque surtout elles sont déjà dépravées, elles exercent sur l'arbitre la plus funeste influence. On peut dire, en général, que les affections jouent un très-grand rôle dans l'ordre moral.

(1) Voir Gioberti, Del Buono, c. 2.

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qu'elle n'a pas été restaurée par la grâce de Jésus-Christ, elle ne fait le bien qu'avec une extreme difficulté. Quiconque voudra seulement se regarder soi-même ratifiera volontiers la vérité de ce que j'affirmie. D'ailleurs, quand même la nature humaine serait pure, la doctrine Fouriériste et Saint-Simonienne serait encore fausse , parce qu'elle méconnaît l'existence de la loi morale. Prétendre que l'homme doit laisser les passions se développer librement et sans entrave, c'est nier qu'il existe une loi souveraine et nécessaire à l'empire de laquelle tout homme soit tenu d'assujettir ses passions; c'est proclamer l'indépendance complète de l'homme. L'homme n'est point un être indépendant; ses affections, comme son intelligence et son libre arbitre, sont soumises à une règle; il est tenu de développer toutes ses facultés d'une manière conforme à cette règle. Hors de là c'est l'athéisme et l'immoralisme.

La doctrine de Saint-Simon et de Fourier est la doctrine la plus dégradante et la plus anti-sociale qui se puisse imaginer. Si jamais elle était acceptée par la société, tout l'édifice social s'écroulerait rapidement, toute trace de civilisation disparaitrait, et les hommes, n'ayant d'autre guide que leurs instincts brutaux, ne tarderaient pas à se consumer de misère ou à se dévorer les uns les autres.

S III. Du libre arbitre.

La volonté est libre. Tout ce qui émane de la volonté n'est pas libre pour cela, comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent; les affections procedent de la volonté, et en soi elles sont fatales. Mais pourtant la volonté est douée de liberté, elle possède la faculté d'agir en vertu de sa propre détermination et de son propre choix. C'est cette faculté que nous appelons libre arbitre. L'expression même d'arbitre indique une fa'cnlté qui juge, se détermine et décide.

L'arbitre réside dans la volonté, mais il n'agit point sans le concours de l'intelligence : il est nécessaire de connaitre pour se déterminer et prendre une décision. C'est ce qui a fait dire

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