Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

INTRODUCTION.

On savait depuis longtemps, dans le public lettré, que le texte imprimé des Pensées de Pascal n'était pas entièrement conforme aux manuscrits posthumes de ce grand homme. Mais ce fait n'avait été que très-vaguement indiqué, et ce n'est que dans ces derniers temps qu'il a été exposé avec le développement nécessaire, et a reçu la notoriété qui lui manquait.

Un brillant critique a comparé les éditions des

Notamment dans les Annales de philosophie chrétienne, en 1835: « Les solitaires de Port-Royal conviennent que le plan de « leur édition n'a rien de commun avec celui de l'auteur..... « Et ce n'est pas l'unique défaut de l'édition princeps des Pensées. « Les amis de Pascal en avaient supprimé un assez grand nombre. « Bien plus, malgré le témoignage qu'ils se rendent de n'avoir rien << changé à celles qu'ils publient, les manuscrits attestent que les << premiers éditeurs en ont modifié quelques-unes. La hardiesse, la << témérité apparente de plusieurs de ces pensées pouvait servir des << passions encore flagrantes. - Le 20 novembre 1668, Arnauld écri<< vait au beau-frère de Pascal: Il ne faut pas être si difficile, ni si << religieux à laisser un ouvrage comme il est sorti de la main de << l'auteur, quand on le veut exposer à la censure publique, etc. »> ( Annales de philosophie chrétienne, t. XI, p. 7. Article de M. Th. Foisset.)

-

a

Pensées avec les manuscrits conservés à la Bibliothèque du roi, et ce rapprochement a fait ressortir les différences qui se rencontrent perpétuellement entre le texte imprimé et le texte original '.

Les citations nombreuses que renferme le Mémoire de M. Cousin établissent, avec une surabondance de preuves, la nécessité d'une nouvelle édition des Pensées ou, pour mieux dire, des écrits posthumes de Pascal.

C'est cette édition que nous donnons aujourd'hui. La publication en était urgente; car si le travail de M. Cousin a rendu un important service aux lettres, par cela seul qu'il a appelé l'attention publique sur la réparation due à la mémoire de celui de nos écrivains classiques qui est le premier en date comme en génie; d'un autre côté, il avait, sans le remplacer, fait disparaître de nos bibliothèques un des plus beaux ouvrages de notre langue. Comme l'a dit un savant professeur de Lausanne 2, nous n'avions plus le livre des Pensées ; il était dans nos bibliothèques sans y être. En effet, les éditions existantes étaient frappées de discrédit, et le lecteur, dans l'embarras de distinguer le langage de Pascal de

'Des Pensées de Pascal: Rapport à l'Académie française sur la nécessité d'une nouvelle édition de cet ouvrage, par M. V. Cousin. Paris, 1843.

2 M. Vinet, dans le Semeur du 22 février 1843.

celui qui lui était étranger, étendait sa méfiance jusqu'aux rares passages où ce langage était demeuré intact.

Remplir cette lacune était une œuvre pleine de difficultés : nous croyons les avoir surmontées autant qu'il était possible de le faire; du moins nous y avons travaillé, non-seulement avec patience, c'eût été trop peu pour une pareille tâche, mais avec l'infatigable passion qu'inspire aisément la mémoire d'un écrivain en qui se rencontrent, dans une merveilleuse alliance, la beauté de l'âme et la grandeur du génie.

Avant de dire comment nous avons procédé dans l'exécution de ce long travail, nous devons faire connaître succinctement ce qui a été fait par les précédents éditeurs.

Peu d'années après la mort de Pascal, ses parents et ses amis eurent l'idée de publier ses écrits posthumes, parmi lesquels se trouvaient des fragments, plus ou moins étendus, matériaux d'un grand ouvrage qui devait être consacré à l'apologie de la religion chrétienne, des pensées sur tous les sujets, des lettres, et divers écrits sur quelques sujets distincts de philosophie, de théologie ou de morale.

Mais le retentissement des Provinciales subsistait encore dans toute sa force. La Société que Pascal avait couverte d'un ridicule immortel était puissante à la cour. Enfin, le pape Clément IX, à

la sollicitation de Louis XIV, avait essayé d'imposer silence aux querelles théologiques en proclamant la paix de l'Église. Dans de pareilles circonstances, publier un livre de morale et de religion, signé du nom de Pascal, c'était une entreprise délicate assurément. Ce nom devait éveiller bien des susceptibilités et bien des rancunes, et les jésuites n'auraient pas manqué de saisir le moindre prétexte pour taxer d'hérésie les opinions d'un homme qu'ils avaient déjà accusé de partager les doctrines de Luther et de Calvin.

De là, pour les éditeurs des Pensées, une première nécessité de soumettre les manuscrits de Pascal à une sorte d'épuration sévère; de là aussi une première cause d'altération.

En effet, Arnauld, Nicole, le duc de Roannez, et les autres amis de Pascal, supprimèrent ou modifièrent toutes les pensées dont la hardiesse eût pu prêter à interprétation; et ils traitèrent de même les passages dirigés contre la morale des casuistes. Ainsi, par exemple, Pascal avait dit : <<< Toutes les religions et les sectes du monde ont « eu la raison naturelle pour guides, les seuls chré<< tiens ont été astreints à prendre leurs règles << hors d'eux-mêmes, et à s'informer de celles « que Jésus-Christ a laissées aux anciens pour <«< être transmises aux fidèles. Cette contrainte « lasse ces bons Pères : ils veulent avoir, comme

« ZurückWeiter »